Opinion. Le morne que nous gravissons

PAR DIDIER DESTOUCHES
ET JACOB LABETH*

Si nous prenons le temps de relire le très beau poème d’Amanda Gorman : La colline que nous gravissons, nous y trouverons des mots d’une profonde justesse qui font écho à notre recherche de meilleur vivre ensemble : « Ainsi levons nos yeux non pas vers ce qui se dresse entre nous mais vers ce qui se dresse devant nous. »

C’est là un appel vibrant à l’unité pour ensemencer, défricher ensemble des terres nouvelles. Nous aussi, ici en Guadeloupe, avons notre morne à gravir…

« Nous pleurons devant le « macoutisme » rampant et les bad buzz mais que faisons-nous face à ce déferlement d’impudicité, d’exhibitionnisme, de violence gratuite ? »

Il y a longtemps que toute rationalité a déserté la place publique. L’hystérie et l’outrance ont pris sa place. Et partout… Les temps sombres actuels sont en réalité le résultat des facilités et des pulsions que nous avons fini par laisser nous dominer.

L’hégémonie des réseaux sociaux dans nos vies a fortement alimenté ce feu dévorant. Du président de la République à des militants syndicaux, en passant par certains élus, la violence et l’insanité des mots ou des actes s’installent en Jézabel du siècle qui commence.

Nous pleurons devant le « macoutisme » rampant et les bad buzz mais que faisons-nous face à ce déferlement d’impudicité, d’exhibitionnisme, de violence gratuite, de propos vulgaires, de médiocrités visuelles et sonores déversés sur le métavers : Instagram ou Whatsapp etc.

« Ce qu’a subi le directeur du CHU n’est hélas que le retour de boomerang de la violence que nous avons tous laissée s’installer en nous. »

Que faisons nous de nos valeurs humaines,  de notre dignité, de notre solidarité ? Nous les laissons brûler sur l’autel de l’égocentrisme, du narcissisme, du mépris de l’autre, et de la satisfaction de nos petits plaisirs personnels et immédiats.

Ce qu’a subi le directeur du CHU n’est hélas que le retour de boomerang de la violence que nous avons tous laissée s’installer en nous, chez nous, et jusqu’au plus haut sommet de l’État et des politiques publiques.

Osons le dire : oui, il y a aussi une violence qui émane de l’acte d’exclure froidement et légalement des citoyens de leurs moyens de subsistance. Il y a aussi une violence qui émane du refus de laisser tomber des préalables rédhibitoires avant d’accepter de négocier. Il y a aussi une violence insupportable à voir la pauvreté, la précarité et l’indigence se développer sans que de vrais moyens et de vrais solutions ne soient ne serait-ce qu’envisagés par nos responsables locaux et nationaux.

« Ce ne sont ni les lois, ni les discours, ni les manifestations ou communiqués qui nous feront sortir de ce bourbier. »

Et que dire du mépris et des blocages institutionnels ? Ces actes violents inexcusables et inadmissibles qui se sont répétés au CHU à l’encontre de son personnel de direction, comme les autres formes de violence de notre société ne pourront en réalité cesser à l’avenir que si nous comprenons que ce n’est pas qu’une petite partie de la population qui s’y adonne mais nous tous qui laissons le pire et le moins bon s’enraciner dans nos vies, nos quotidiens, et l’éducation même de nos enfants jours après jours, clicks après clicks, post après post.

Ce ne sont ni les lois, ni les discours, ni les manifestations ou communiqués qui nous feront sortir de ce bourbier.

Pas plus un homme ou une femme providentiel ou un remède miracle issu d’un énième bik a pawol.

Pour sortir de cette horrible fête du veau d’or dans laquelle nous nous complaisons hypocritement, et mériter une quelconque absolution salutaire, il nous faut arrêter de nous dresser les uns contre les autres aveuglément, de nous infliger à nous-mêmes des souffrances inutiles.

« Trop peu d’entre nous cherchons en vain l’apaisement, le retour de la raison dans le débat public ou privé. »

Il nous faut également remettre l’Amour et le respect absolu de l’autre au cœur de nos existences. Il n’y a pas d’autres voies… Avec le Covid et le cynisme politique qu’il a favorisé sur le mode « diviser pour régner », nous revivons (sur la forme) une pitoyable affaire Dreyfus sans gloire ni panache où les familles sont divisées, le tissu social déchiré, les consciences survoltées.

Trop peu d’entre nous cherchons en vain l’apaisement, le retour de la raison dans le débat public ou privé. 

La fin du poème de Gorman parle d’un peuple qui arrive de tous les horizons pour réparer, reconstruire, remettre à flots le pays. Nous formons le vœu ardent que le peuple guadeloupéen se rassemble enfin dans la concorde retrouvée, s’attelle à trouver des solutions qui nous conviendront; et cesse enfin de faire le jeu de la désunion volontaire comme politique du pire.

Didier Destouches est universitaire et essayiste
Jacob Labeth est professeur et proviseur de lycée

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