Opinion. Le couloir de la mort

PAR PROSPER CONGRÉ*

Six années à attendre une grâce… présidentielle !

Depuis le 1er août 2017, le Cercle des Nageurs de la Région de Basse-Terre, seul club employeur et seul club formateur de Natation, de Sauvetage Aquatique et de Secourisme Sportif de tout le Sud Basse-Terre depuis 44 ans, est dans une impasse.

Continuer ou fermer ! Continuer ses activités ou fermer ses portes !

Dernier arrivé, en novembre 1979, des 5 clubs de natation ayant fréquenté la piscine de Rivière-des-Pères à Basse-Terre, piscine aujourd’hui âgée de 50 ans, il n’est depuis cette fameuse date fatidique du 1er août 2017, plus que le seul de cette zone géographique à pouvoir prétendre poursuivre des activités se rapportant aux disciplines inhérentes aux activités aquatiques et de sauvetage.

Seul pour une population scolarisée de 40 000 enfants et de plus d’une soixantaine d’établissements scolaires du Grand Sud Caraïbes !

Des enfants qui devraient disposer des facultés essentielles du « Savoir Nager » avant de quitter le niveau des classes primaires et élémentaires et donc avant l’accès au collège et qui depuis 6 ans sont privés de ce droit et de cette faculté qui s’étend même aux collégiens dont les établissements scolaires n’ont pas pratiqués la Natation durant leur 4 années au collège et ont donc accédé au lycée toujours sans disposer de ce précieux sésame, se retrouvant aujourd’hui, après 2 années passées au lycée et prêts à s’attaquer à leur dernière année en classe terminale toujours privés de cette compétence qui pourrait, pourtant, leur permettre d’obtenir des points supplémentaires pour les aider à réussir leur baccalauréat.

On en est là de cette triste réalité qui nous ronge depuis 6 ans et qui ne semble pas ouvrir de portes de salut, d’issues de secours, qui pourraient conduire à sortir de cette spirale mortifère, nous laissant agoniser à petit feu et entraînant avec cette situation 40 000 âmes innocentes qui n’aspirent, pourtant, qu’à pouvoir bénéficier d’un bonheur auquel à droit tout enfant qui vit sur une île entourée d’eau.

Un tunnel sans fin

Nous sommes entrés depuis 6 ans dans un tunnel sans fin avec aucune explication ni aucune réponse crédibles qui puissent apporter un éclairage ou une lueur d’espoir sur un futur très mal embarqué, aux illusions perdues, emportés que nous sommes dans un contexte morose, un tourbillon évasif où toutes les excuses sont bonnes pour justifier une incapacité à résoudre un problème qui dépasse tout entendement.

Deux années pour se décider à entamer des travaux qui vont durer aussi longtemps, puis encore deux années à attendre que le « retour sur investissement » se concrétise par un fonctionnement régulier et durable.

Voilà résumées ces 6 années de purgatoire qui au lieu de nous libérer nous conduit, jour après jour, semaine après semaine, mois après mois, année après année, rentrée scolaire après rentrée scolaire, dans un gouffre infini, un enfer, un couloir de condamné au péril de sa vie. Condamné à mourir !

Car il ne faut pas se faire d’illusions, à ne pas vouloir attaquer le mal à sa racine, à ne pas vouloir prendre le taureau par les cornes, à vouloir continuer de bricoler, de se fermer les yeux et de se boucher les oreilles en ne regardant pas la réalité en face, le plus cruel dans tout cela est que même en cas de réouverture ou de relance, très hypothétique, il n’y a au stade actuel des expériences du passé, des informations dispatchées au compte-goutte et aux  investigations menées, aucune garantie sur la durabilité et la solvabilité de cette utopique réouverture ou relance.

Sans moyens financiers conséquents, sans ressources humaines réévaluées, sans planification pluriannuelle, sans programmation méthodique, sans concertations partagées, sans décisions mûrement réfléchies, on ne pourra que continuer de s’enliser et d’aller vers une catastrophe inéluctable.

Un investissement humain colossal !

Le Cercle des Nageurs de la Région de Basse-Terre existe depuis 44 ans. Pendant 20 années, l’association a fonctionné sans local. Depuis 24 ans, cette situation s’est stabilisée. Cela lui a permis de mettre en place un plan pluriannuel sur 4 ans, à chaque olympiade.

En 44 années d’existence, plus de 40 000 familles issues de 17 des 32 communes du département ont transité au CNRBT !

Ces 24 dernières années, au CNRBT, ce sont :
* plus de 250 jeunes qui ont été formés aux activités aquatiques
* 32 emplois qui ont été créés avec une moyenne d’embauche de 4 ans
* plus de 150 dirigeants et officiels qui ont été formés

Ces 14 dernières années, le CNRBT a signé avec 119 structures différentes des conventions de partenariat

Ces 3 dernières années, au CNRBT, ce sont :      
* 82 cadres secouristes et sauveteurs qui ont été formés et diplômés dont une dizaine au niveau national
* 85.000e de frais de formations qui ont été engagés.

Depuis 6 ans, le Cercle des Nageurs de la Région de Basse-Terre a élu domicile pour ses activités sur la plage de Rivière-Sens à Gourbeyre. Là même où il y a un an, la tempête Fiona nous a ravagés… au point de perdre notre seul et unique outil d’embarcation !

Plage de Rivière-Sens où chaque année depuis 6 ans, le CNRBT a enregistré, en moyenne, 500 passages enfants scolarisés par jour, 2 000 par semaine, 8 000 dans le mois et 72 000 passages enfants par année scolaire auxquels il faut ajouter les 8 000 pendant les petites et grandes vacances scolaires, soit au total 80 000 passages enfants par an !

La plage de Rivière-Sens où en accord conventionné avec la commune de Gourbeyre, partenaire privilégié du CNRBT, le CNRBT va bientôt installer un Poste de surveillance de la plage et un Poste de secours pouvant déboucher sur la création de 6 emplois potentiels et d’offrir, temporairement et provisoirement, dans un premier temps, une assistance aux publics visiteurs et utilisateurs de la plage durant les petites et grandes vacances scolaires.

Malgré tous les handicaps auxquels le CNRBT a été confronté, pour cette seule année 2023, le club a réalisé 54 missions sous forme de Dispositif Prévisionnel de Secours (DPS), mais ces 3 dernières années, malgré le COVID et Fiona, ce sont près de 120 actions qui ont été portées par l’association, en matière de Sauvetage, de Secourisme, de Soins ou d’assistance à personnes en difficulté, ou vulnérables… enfants, jeunes, étudiants, adultes, familles comme personnes âgées ou porteuses d’un handicap… et depuis le début de l’année, ils sont près d’une cinquantaine à avoir passé le Brevet de Surveillant de Baignade, (BSB), leur Brevet National de Sécurité et de Sauvetage Aquatique, (BNSSA), et leur BPJEPS (ex MNS, ex BEESAN).

Survivre ou mourir ?

Tout cela… sans piscine ! On n’ose pas imaginer les chiffres que cela donnerait avec une piscine même si une estimation raisonnable laisse à penser, que cumulés sur ces 6 dernières années, ils pourraient être multipliés par 10 !

Est-ce pour cela que depuis 6 ans, et peut-être même bien avant, il y a tant de freins, tant d’obstacles, tant de barrières ?

En 44 années d’existence, le CNRBT, association agréée, Jeunesse, Sport, Education Populaire, Sécurité Civile, a déjà vu « des vertes et des pas mures », « avalé des couleuvres », été « bercé d’illusions »… mais le CNRBT n’a jamais baissé pavillon, quitté le navire et abandonné sa lutte. Il y a tant encore à faire.

Exemples : 270 sites de baignades et seulement 2 équipés de poste de surveillance et de secours quand il en faudrait 100 en raison de leur fréquentation et de leur dangerosité. 100 sites qui pourraient créer, à raison de 6 emplois par site, 600 emplois !

Des sites dans des communes sur un territoire de risques majeurs et de catastrophes naturelles où il n’existe que 2 Réserves Communales de Sécurité Civile sur les 32 obligatoires ! 

Le CNRBT a toujours su faire faire preuve de patience tout en étant lucide, car porté par une aspiration positive et constructive, saine et juste, dans l’intérêt de tous. Avec des dirigeants, des officiels, des formateurs, des salariés, des éducateurs, des animateurs, des parents, des familles, des bénévoles, des sympathisants et des partenaires, plus que jamais déterminés à ne rien lâcher !

« Vous ne devez jamais avoir peur de ce que vous faites quand vous faites ce qui est juste »
Rosa Parks

Le CNRBT est intimement convaincu que ce qu’il entreprend depuis 44 ans, et pour certains de ses dirigeants, depuis… 50 ans est juste et donc le CNRBT n’a pas peur et il va continuer pour que l’histoire, la mémoire et la justice l’emportent !

Un jour viendra où nous sortirons de ce Couloir de la Mort dans lequel, peut-être, certains veulent nous conduire, nous enfoncer et nous garder !

*Président  du CNRBT

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