PAR CHRISTIAN CELESTE
Depuis sa création, le Parti Communiste Guadeloupéen porte la revendication d’un statut d’Autonomie.
Il a été combattu de toutes parts, en tout premier lieu par l’Etat français et ses relais politiques locaux, assimilationnistes de gauche comme de droite, mais aussi par le mouvement nationaliste guadeloupéen qui, pendant au moins quatre décennies, a mené une guerre sans merci contre l’Autonomie, la caractérisant de trahison assimilationniste et en l’opposant malhonnêtement à l’indépendance.
Malgré la violence de l’Etat colonial qui a frappé les Communistes, pourchassés et réprimés pour délit d’Autonomie, les caricatures et les dénigrements des anticommunistes de tous acabits, ils n’ont jamais abdiqué de leur combat pour ce statut, au bénéfice des travailleurs et de tout le peuple guadeloupéen.
La réalité après des décennies de mensonges
Après des décennies de mensonges, de nombreux Guadeloupéens se rendent compte qu’ils ont été trompés, abusés, manipulés, par tous ceux qui, pour préserver les intérêts et avantages personnels que leur procure le système en place, ont diabolisé le Parti Communiste Guadeloupéen en présentant l’autonomie comme synonyme de misère, de pauvreté, de perte des droits sociaux (allocations familiales, sécurité sociale, retraite…), d’aventure pour certains, de compromission avec l’ennemie, la France, pour d’autres.
Au lendemain de la consultation du 7 décembre 2003, s’extirpant du climat de défaite qui régnait alors, le Parti Communiste Guadeloupéen a affirmé : « Il est pour le moins imprudent de déclarer que le peuple guadeloupéen a rejeté définitivement l’idée de changement institutionnel et statutaire de la Guadeloupe. Le «Non» ne représente au fond qu’un électeur sur trois et qu’un Guadeloupéen sur cinq. Il ne fait aucun doute que la mise en œuvre des lois de décentralisation et l’élargissement de l’Union européenne mettront demain, chacun face à ses responsabilités. »
Aujourd’hui, face à la catastrophe où nous conduit le modèle assimilationniste du droit commun français et européen, l’autonomie n’est plus un sujet tabou. Elle s’est imposée dans le débat politique et la revendication est de plus en plus audible dans le pays.
Clairvoyance, vigilance politique,
lucidité s’imposent pour éviter le piège
Pour autant, il faut faire preuve de clairvoyance et de vigilance politique en ne se laissant pas leurrer et abuser par ceux qui ont toujours combattu farouchement tout changement de statut de la Guadeloupe, et qui, par tactique politicienne, investissent aujourd’hui ce sujet pour dévoyer le débat, dans le but de vider l’Autonomie de son contenu politique.
C’est avec cette lucidité qu’il faut entendre la déclaration du ministre Lecornu, lorsqu’il annonce publiquement qu’il est prêt (à la demande de qui ?), à ouvrir la discussion sur l’autonomie, alors que cette question ne fait pas partie de la plateforme de revendications du mouvement social.
Il s’agit là d’une démarche unilatérale du Gouvernement français qui vise, en semant la confusion, à se soustraire à ses responsabilités dans la crise sociale, à diviser les Guadeloupéens et à invalider la revendication de l’Autonomie.
Les Guadeloupéens doivent éviter ce piège. L’intérêt supérieur du pays commande de refuser le chantage du pouvoir colonial et les manœuvres des élus qui n’ont reçu aucun mandat pour négocier l’avenir statutaire de la Guadeloupe.
La démarche du Parti Communiste Guadeloupéen pour gagner l’autonomie de la Guadeloupe a toujours été très claire. Elle tire sa légitimité de l’existence d’un peuple guadeloupéen, d’une nation guadeloupéenne, distincte du peuple français et de la nation française. Elle s’appuie sur le droit inaliénable des peuples à leur libre disposition reconnue par la charte de l’ONU.
En conséquence, nul ne peut disposer du peuple guadeloupéen par aucun artifice juridique. C’est ce peuple lui-même, qui, démocratiquement et en toute souveraineté, déterminera son destin. C’est avec le peuple qu’il faut traiter, à travers les interlocuteurs qu’il aura librement désignés et non avec les hommes qui détiennent finalement leur mandat par procuration du pouvoir ou par manipulation et corruption des électeurs.
C’est à partir de ces considérations que le Parti Communiste Guadeloupéen défend, depuis la convention de Morne Rouge de 1971, la proposition de : « l’élection libre et démocratique, au suffrage universel, au scrutin de liste à la proportionnelle intégrale d’une Assemblée constituante ayant pour seul but, l’élaboration d’un nouveau statut pour la Guadeloupe. »
A son 15e Congrès en 2015, prenant en compte l’évolution de la situation en Guadeloupe, il a proposé de transformer le Congrès des élus en congrès instituant, composé de membres élus sur la base de la Constituante de Morne Rouge, avec la même compétence, l’élaboration d’un statut pour la Guadeloupe.
Le statut d’autonomie préconisé par le Parti Communiste Guadeloupéen disposera des compétences suivantes :
- Elaboration et exécution des plans de développement et d’aménagement du territoire.
- Le commerce intérieur et extérieur.
- La réglementation du crédit et de l’épargne.
- Le régime fiscal et le régime douanier.
- Le contrôle de la fonction publique, de la police et de l’administration judiciaire.
- L’organisation des services et offices territoriaux.
- Le régime de propriété des moyens de production.
- Les accords économiques et financiers.
- L’éducation, la formation et l’information.
- La coopération internationale.
Pour l’exercice de ces compétences, les organes suivants seront mis en place :
- Une Assemblée délibérante élue au suffrage universel direct à la proportionnelle intégrale, qui votera des lois dans les matières relevant des compétences la collectivité autonome.
- Un exécutif élu à la proportionnelle par l’Assemblée et responsable devant elle.
La collectivité autonome garantira le plein exercice des libertés publiques. Elle sera assistée d’un Conseil économique social, de la culture, de l’éducation et de l’environnement.
Le budget de la Collectivité autonome sera alimenté par les impôts directs et indirects, le produit tiré de l’exploitation de ses ressources naturelles, la dynamisation de son économie de production, le renversement du rapport des échanges extérieurs en faveur de l’exportation. Bien entendu la contribution de la France en contrepartie des avantages qu’elle tire de sa présence sur le territoire guadeloupéen.
Le programme économique, social, culturel et écologique de l’Autonomie aura pour objectif de sortir le pays du sous-développement colonial, de réaliser un développement harmonieux visant à liquider les déséquilibres économiques et sociaux, à répondre aux besoins et aux intérêts fondamentaux du peuple.
Se rassembler librement
et loyalement est une exigence
La lutte pour l’autonomie peut et doit rassembler, à l’étape actuelle, tous les honnêtes gens de Guadeloupe dans un Front uni contre le colonialisme, pour la libération et le développement.
C’est le sens de l’Appel lancé le 5 mars 2021 au peuple guadeloupéen par le Parti Communiste Guadeloupéen qui invite, sans exclusif, ni sectarisme « Tous les Guadeloupéens organisés ou non, toutes les forces politiques et sociales, toutes les associations culturelles, les organisations de jeunesse, tous les acteurs culturels et artistiques, toutes les forces économiques, à se rassembler librement et loyalement dans un grand «Bik a pèp Gwadloup » pour construire ensemble le projet du pays Gwadloup et la force politique unie pour le porter devant le pays».
*Membre du Bureau politique du PCG
Ancien secrétaire général du PCG