Opinion. La responsabilité locale avec l’autonomie sans une réforme du modèle économique est une impasse !

PAR JEAN-MARIE NOL*

L’idée d’une autonomie accrue pour les territoires antillais revient régulièrement sur le devant de la scène politique, portée tantôt par des convictions identitaires, tantôt comme une réponse aux blocages du modèle actuel. Pourtant, dans un contexte de déclin économique accéléré, de désagrégation sociale et d’effritement des repères institutionnels, poser la question de l’autonomie sans réforme préalable du modèle économique relève non seulement d’une illusion dangereuse, mais aussi d’un déni de réalité.

Aujourd’hui, la Guadeloupe et la Martinique ne sont pas au bord d’une simple crise conjoncturelle ; elles sont engagées dans un basculement structurel profond, dont les racines plongent dans plusieurs décennies de dépendance aux transferts financiers de l’État, à une économie extravertie et à un modèle institutionnel figé. Le spectre de la récession n’est plus théorique. La récession économique qui s’annonce en Guadeloupe et en Martinique n’est plus un scénario de science-fiction. Elle est en marche, inexorable, fruit d’un enchaînement de facteurs internationaux, nationaux et locaux, dont les effets cumulatifs révèlent l’ampleur d’un déclin bien plus profond qu’une simple baisse conjoncturelle d’activité.

Ce que vivent aujourd’hui les Antilles françaises, c’est un basculement systémique, un effritement progressif de leur modèle économique, social et institutionnel. Et à mesure que se fissurent les fondations de leur prospérité relative, les discours politiques sur l’autonomie sonnent comme un écho lointain à une réalité que plus personne ne peut ignorer.Désormais les Antilles sont face à l’urgence d’un sursaut avant un effondrement programmé à d’ici 2030 !

Un frisson parcourt aujourd’hui la Guadeloupe et la Martinique : celui d’un réveil brutal face à une réalité longtemps niée. La récession n’est plus une menace théorique, ni un épouvantail brandi par quelques experts alarmistes. Elle s’impose avec une rigueur implacable, alimentée à la fois par des dynamiques mondiales défavorables et des fragilités locales chroniques. Ce n’est pas un simple creux conjoncturel que vivent les Antilles françaises, mais bien un basculement systémique, une lente désintégration d’un modèle socio-économique arrivé en bout de course.

Le contexte international n’épargne personne, mais il frappe plus durement ceux qui étaient déjà vacillants. Le protectionnisme américain, impulsé par Donald Trump, a provoqué une onde de choc sur l’économie mondiale, avec des droits de douane qui étouffent le commerce extérieur et désorganisent les circuits d’approvisionnement, car derrière les murs douaniers, il existe le spectre d’une crise monétaire.

À chaque résurgence protectionniste, le monde retient son souffle. Pourtant, ce ne sont pas toujours les hausses de droits de douane qui provoquent les plus grands chocs. Ce sont les réactions en chaîne qu’elles déclenchent – et notamment, celles qui ébranlent l’équilibre monétaire mondial.

À force de perturber les échanges, les guerres commerciales poussent les banques centrales à manipuler les taux, les États à jouer sur la dévaluation de leur monnaie, et les marchés à fuir vers des actifs-refuges. On l’a vu dans les années 30, on le revoit à l’ère Trump. À chaque fois, les tensions économiques glissent vers la sphère monétaire, bien plus instable et difficile à contrôler.

Le paradoxe est encore plus fort lorsqu’un président américain réclame un dollar faible, alors même que cette devise reste le pilier du système monétaire international. Si les États-Unis utilisent leur monnaie comme un outil de puissance à court terme, ils sapent la confiance qui la soutient à long terme. Et ce jeu-là est dangereux.

La France, de prime abord, pourrait sembler à l’abri d’un tel affrontement. Elle ne dépend pas du dollar pour sa monnaie, elle fait partie de la zone euro, elle commerce d’abord avec ses partenaires européens. Pourtant, elle n’est pas isolée. En cas d’escalade monétaire mondiale, la France en subirait les contrecoups : envolée des prix de l’énergie (achetée en dollars), répercussions sur les entreprises exportatrices, instabilité des marchés financiers, fragilisation de la BCE, et donc de l’euro lui-même. L’économie française, déjà exposée à une dette élevée et à une croissance atone, verrait ses marges de manœuvre budgétaires se réduire davantage.

D’ailleurs, le Premier ministre, François Bayrou, estime dans les colonnes du journal Le Parisien – Aujourd’hui en France que les droits de douane imposés par le président américain auront de lourdes conséquences sur l’économie française avec un risque de pertes d’emplois. François Bayrou estime que les droits de douane peuvent coûter « plus de 0,5% de PIB » à la France. Dans un contexte de déficit important des comptes publics de la France, cette hausse spectaculaire des droits de douane risque de faire encore davantage déraper la dette. « Si nous ne faisons rien, la charge de la dette deviendra, et de loin, le premier poste de dépenses », estime le Premier ministre qui maintient par ailleurs l’objectif d’un retour aux 3% de déficit en 2029, tout en glissant que « la crise peut tout changer ». Et, au-delà de l’économie, ce sont les tensions sociales qui pourraient s’exacerber, dans un pays déjà sensible aux effets de l’inflation et de la désindustrialisation.

Ce n’est donc pas seulement le commerce mondial qui vacille quand les douanes se referment. C’est la promesse, bien plus fragile qu’on ne le croit, d’une stabilité monétaire partagée. Et la France, malgré ses garde-fous européens, ne pourra pas rester longtemps spectatrice. Les tempêtes ne viennent pas toujours de là où on les attend. Déjà les Indices des bourses mondiales s’effondrent littéralement. Une tempête, partie de Wall Street, est en train de balayer la planète entière. La Bourse de New-York est en chute libre : -6% pour le Dow Jones et le Nasdaq, indice boursier qui regroupe notamment les géants du numérique. Google, Apple, Microsoft, Amazon, Meta… Tout le monde dévisse. Leur perte avoisine les 1 800 milliards de dollars. La cause : les investisseurs s’interrogent sur les conséquences pour l’inflation et la croissance de l’économie mondiale après l’annonce des hausses de taxes douanières par Donald Trump.

Dans cette tempête de crise mondiale, la France risque de tanguer , et avec elle ses territoires ultramarins, déjà minés par la dépendance aux transferts sociaux, l’étroitesse du tissu productif, et une consommation intérieure en berne. À 0,7 % de croissance nationale annoncée pour 2025, c’est tout l’édifice budgétaire qui tremble. Et dans les territoires où les services publics, les aides sociales et les commandes de l’État constituent l’essentiel de l’activité économique, cette contraction est un coup de grâce.

Sur le terrain, les signes d’un essoufflement sont déjà visibles. Les ménages, frappés par l’inflation, préfèrent l’épargne à la dépense. La consommation, pourtant colonne vertébrale de l’économie locale, s’effondre. Les recettes fiscales diminuent, les collectivités plongent dans des déficits chroniques, tandis que les entreprises, prises à la gorge par le coût des importations et la faiblesse de la demande, réduisent la voilure.

L’investissement privé recule, les licenciements s’annoncent, le chômage se propage. Le tourisme, qu’on imaginait être un moteur de croissance, subit à son tour l’effet domino : fréquentation en baisse, coûts de transport prohibitifs, infrastructures vieillissantes et incertitudes globales sapent un secteur déjà fragile.

Mais au-delà des chiffres, c’est la structure même de la société antillaise qui se fissure.

La guerre commerciale engagée sous Donald Trump, avec ses droits de douane accrus, n’est que l’élément déclencheur d’une crise qui couvait déjà depuis des années. Les économies guadeloupéenne et martiniquaise, étroitement dépendantes de la commande publique, du commerce extérieur et des transferts sociaux de la France hexagonale, n’ont pas les ressorts pour encaisser une telle onde de choc.

La baisse des exportations françaises touche de plein fouet les secteurs vitaux, affaiblissant la dynamique nationale dont les Outre-mer sont déjà les plus fragiles prolongements. À 0,7 % de croissance prévue en 2025 pour la France, c’est tout le socle sur lequel reposait l’équilibre précaire de ces territoires qui vacille.

Le symptôme le plus visible de cette détérioration est la consommation intérieure, traditionnel pilier de l’activité locale. Les ménages, confrontés à la hausse des prix, au chômage et à l’incertitude, privilégient l’épargne à la dépense. Or, dans des économies peu industrialisées et faiblement exportatrices, la contraction de la demande interne se traduit immédiatement par une chute des recettes fiscales et une diminution des capacités d’intervention des collectivités locales.

L’effet boule de neige est implacable : moins de consommation, moins de recettes, plus de restrictions budgétaires, moins d’investissements publics, plus de précarité.

Les entreprises, elles, subissent une double peine. Aux fragilités structurelles – coût du fret, isolement, faible diversification, dépendance à la dépense publique – s’ajoute désormais un climat d’austérité qui coupe court aux perspectives d’investissement. Le tissu productif, déjà restreint, s’étiole à mesure que les marges se réduisent, que les carnets de commandes s’assèchent, et que la demande intérieure s’effondre. Le chômage augmente, alimentant un cercle vicieux où les licenciements nourrissent la baisse de la consommation, accélérant la dégradation économique.

Même le tourisme, traditionnellement perçu comme une planche de salut, n’échappe pas à cette spirale dépressive. La baisse du pouvoir d’achat en métropole, la cherté des billets d’avion, l’usure des infrastructures touristiques et la fébrilité du contexte international dissuaderont à terme les visiteurs. Le secteur hôtelier peinera à remplir ses chambres, les emplois saisonniers risquent de disparaitre , les investissements seront suspendus. Ce recul d’un secteur aussi symbolique que vital accentuera le sentiment d’un déclin global.

Mais la crise actuelle ne se résume pas à des indicateurs économiques en berne. Elle touche aussi la sphère sociétale, mettant à nu des fractures longtemps ignorées. La démographie est en chute libre : la Guadeloupe a perdu près de 30 000 habitants en dix ans, la Martinique 50 000. Ce sont des jeunes qui partent, des familles qui se désagrègent, des quartiers qui se vident. Le vieillissement de la population, combiné à une natalité en berne, accentue la dépendance aux transferts sociaux et creuse un fossé entre générations.

Les repères traditionnels de la société antillaise se disloquent. La famille, autrefois pilier de la cohésion sociale, vacille sous le poids des divorces tardifs, du célibat de masse, de l’isolement affectif. Les réseaux sociaux, loin de jouer un rôle fédérateur, exacerbent les tensions, les jalousies, les rancœurs intergénérationnelles. La pauvreté progresse, avec plus d’un tiers de la population vivant sous le seuil de pauvreté, tandis que la violence devient un fait social durable : en 2023, les homicides, violences sexuelles, cambriolages et trafics de stupéfiants ont atteint des niveaux alarmants, illustrant une société en perte de repères.

Ce tableau serait incomplet sans évoquer les défaillances criantes des politiques publiques locales. En Martinique, le TCSP incarne une forme de gabegie budgétaire devenue quasi structurelle : des centaines de millions d’euros investis dans un réseau de transport défaillant, mal géré, déserté à cause de l’insécurité et par les usagers qui ne payent plus leurs billets de transport, et que l’on envisage pourtant d’étendre sans correction préalable. En Guadeloupe, les coupures d’eau récurrentes traduisent l’incapacité chronique à gérer les infrastructures essentielles. Ces dérives ne sont plus seulement techniques : elles alimentent la défiance envers les élus et institutions, découragent les investissements, fragilisent la démocratie locale.

Le piège est donc total. Financier, démographique, social, institutionnel. Les collectivités territoriales, prises entre la baisse de leurs recettes fiscales et la hausse de leurs charges sociales, sont condamnées à l’arbitrage impossible : soit augmenter la pression fiscale, au risque d’asphyxier encore davantage ménages et entreprises, soit sabrer dans les services publics, soit recourir à l’endettement massif, au risque d’aggraver l’exclusion et la précarité. Dans les trois cas, le pacte social vacille.

Dans ce contexte, la question de l’autonomie, portée par une partie de la classe politique locale, surgit avec une acuité renouvelée. Aux Antilles, nous avons toujours tendance à vouloir  » mettre la charrue avant les boeufs  » : cet adage très sensé fait partie du langage courant, au point qu’on oublie parfois de se demander d’où il vient. Si vous dites que quelqu’un met la charrue avant les bœufs, vous voulez dire qu’il fait les choses dans le mauvais ordre .Pour moi mettre la charrue avant les boeufs en extrapolant sur le plan politique signifie qu’il ne faut pas aller trop vite pour faire les choses.Cela signifie qu’on confond en les inversant la cause et la conséquence.

Mais, poser la question de l’autonomie en pleine crise, sans en préciser les contours, sans établir un diagnostic lucide des capacités locales de gestion, relève davantage du réflexe identitaire que de la stratégie de développement. Le paradoxe est cruel : les élus réclament plus de pouvoirs, tandis que la population, massivement attachée au lien avec la République, redoute une perte de protections. Ce flou stratégique empêche toute planification à long terme. Il nourrit l’ambiguïté, bloque les réformes, entretient l’inertie.

La Guadeloupe et la Martinique à la croisée des chemins : entre mirage de l’autonomie et spectre du « cheval mort » Alors que la Guadeloupe et la Martinique affrontent une succession de bouleversements économiques, sociaux et climatiques, la question de leur avenir institutionnel revient avec insistance sur le devant de la scène. Ces territoires, historiquement structurés autour du modèle départemental hérité de 1946, semblent aujourd’hui confrontés à une impasse, tiraillés entre la nécessité d’un changement de paradigme et les risques inhérents à toute mutation statutaire. À l’heure où les finances publiques se resserrent et où les crises se multiplient, une question fondamentale se pose : faut-il continuer à « chevaucher » un modèle qui montre ses limites, ou oser une réforme profonde au risque d’en aggraver les dysfonctionnements ?

C’est dans cette perspective que la métaphore de la théorie du cheval mort trouve un écho saisissant pour analyser la situation de ces territoires ultramarins. La réalité économique et sociale des Antilles françaises révèle une vulnérabilité structurelle inquiétante. Dépendantes depuis des décennies d’un flux constant de financements publics venus de l’Hexagone et de l’Union européenne, la Guadeloupe et la Martinique voient aujourd’hui ces ressources s’amenuiser.

La France, soumise à une rigueur budgétaire croissante, n’est plus en mesure d’assurer le même niveau de transferts financiers vers ses territoires d’outre-mer. Cette raréfaction des dotations, combinée à des charges sociales locales toujours plus lourdes, entraîne une érosion préoccupante du modèle social antillais. Dès lors, la tentation de l’autonomie resurgit, brandie comme un levier d’émancipation politique et économique. Mais est-ce réellement la solution ?L’exemple de la Collectivité Territoriale de Martinique (CTM) constitue un cas d’école révélateur des dangers d’une réforme institutionnelle précipitée et mal accompagnée. Née en 2015 de la fusion entre l’ancienne région et le département, la CTM visait une meilleure gouvernance et une gestion plus efficiente. Pourtant, loin d’atteindre ces objectifs, cette restructuration s’est transformée en fiasco budgétaire. Loin de générer des économies, elle a provoqué une inflation des coûts de transition, une baisse significative des dotations étatiques, et une explosion des charges fixes, notamment à travers l’harmonisation salariale des agents et l’intégration des systèmes de gestion. Le manque de soutien financier de l’État, pourtant accordé à la Guyane pour une réforme similaire, a exacerbé les déséquilibres. Résultat : la Martinique se retrouve aujourd’hui dans une impasse budgétaire estimée à plus de 150 millions d’euros par an, avec une perte cumulée de 350 millions sur cinq ans.

Une réalité qui met en lumière les limites d’un changement institutionnel déconnecté des réalités économiques. Ce constat alimente un débat fondamental sur la capacité réelle des Antilles à opérer un virage vers l’autonomie sans appui financier substantiel. Car derrière les considérations juridiques et identitaires se cachent des enjeux structurels colossaux. Le dérèglement climatique fragilise des secteurs clés comme l’agriculture ou les infrastructures, nécessitant des investissements colossaux que les budgets locaux ne peuvent assumer seuls. Parallèlement, la révolution technologique en cours — marquée par l’automatisation et l’intelligence artificielle — menace de rendre obsolètes des pans entiers de l’emploi local, notamment dans l’administration et les services.

À cela s’ajoute une démographie en tension, marquée par une émigration massive des jeunes et un vieillissement accéléré de la population. Dans ce contexte, le modèle départemental peut-il encore être pertinent, ou faut-il reconnaître qu’il s’agit désormais d’un « cheval mort », comme le suggère la célèbre métaphore attribuée aux Indiens Dakota ? L’idée est simple : lorsqu’on constate que le cheval que l’on monte est mort, il est inutile de continuer à le battre. Il faut en descendre. Cette image illustre parfaitement la situation actuelle des institutions antillaises.

Maintenir un modèle économique basé sur la dépendance aux transferts, sur des filières agricoles sous perfusion, et sur un cadre institutionnel hybride qui ne satisfait ni les partisans de l’intégration, ni ceux de l’autonomie, revient à prolonger l’agonie d’un système à bout de souffle.

La Guadeloupe, tout particulièrement, incarne ce paradoxe. Si le statut de DOM a permis des avancées sociales indéniables — sécurité sociale, infrastructures, protection en cas de catastrophes naturelles — il montre aussi ses limites. L’économie reste faiblement productive, les jeunes fuient faute de perspectives, les dysfonctionnements des services publics persistent, et le débat sur l’identité et l’appartenance demeure irrésolu. En d’autres termes, ce cheval nommé « DOM » n’est peut-être pas encore mort, mais il est malade, épuisé, et nécessite des soins urgents. Plutôt que de basculer vers un nouveau modèle institutionnel risqué, certains préconisent une réforme profonde mais progressive du cadre actuel. Il s’agirait de revitaliser ce cheval fatigué, non de le remplacer dans la précipitation.

Cela passerait par une refonte des articles 73 et 74 de la Constitution, en fusionnant leurs logiques respectives pour donner aux territoires d’outre-mer un socle juridique commun, modulable selon les aspirations locales. Une telle réforme permettrait aux collectivités d’adopter un régime plus souple, adapté à leurs spécificités économiques, sociales et culturelles, tout en conservant la protection et les avantages liés à leur appartenance à la République. Cela suppose également une refondation du modèle économique. Encourager la production locale, diversifier les filières agricoles, soutenir l’innovation technologique et numérique, et investir massivement dans la formation et l’entrepreneuriat sont autant de pistes à explorer pour sortir de la dépendance. Il s’agit aussi d’améliorer la gestion publique, de renforcer l’efficacité des institutions, et d’impliquer davantage les citoyens dans les processus de décision.

En somme, l’alternative ne se résume pas à un choix binaire entre statu quo et autonomie. Il ne s’agit pas de monter un nouveau cheval pour le principe, mais de tracer un nouveau chemin, plus réaliste, plus rigoureux, et surtout plus respectueux des contraintes locales. Car la véritable erreur ne serait pas de continuer à monter un cheval mort, mais de croire qu’un nouveau cheval, choisi dans l’urgence et sans selle, serait capable d’emmener les Antilles vers un avenir meilleur. Ainsi, la théorie du cheval mort ne doit pas conduire à un rejet systématique du modèle en place, mais plutôt à une prise de conscience : si certains éléments du système sont moribonds, ils doivent être réformés, non enterrés sans examen.

La Guadeloupe et la Martinique ne doivent ni persister dans le déni, ni se précipiter vers une illusion d’autonomie qui, sans financement, ne serait qu’un leurre de plus. L’heure est venue de penser un modèle endogène, réaliste et audacieux, qui redonne aux Antilles la capacité de choisir, de créer, et surtout d’espérer.

Et pourtant, malgré ce tableau sombre, rien n’est inéluctable. Car au cœur de cette crise se cache aussi une opportunité : celle d’un sursaut. Une prise de conscience collective de l’épuisement d’un modèle fondé sur l’assistance, la dépendance et la consommation importée. Les Antilles ont en elles des ressources considérables : humaines, culturelles, naturelles. Mais ces ressources ne produiront rien sans un changement radical de cap. Il faut refonder. Investir massivement dans l’éducation, la formation, la recherche, la transition écologique. Développer des filières locales résilientes, moderniser les infrastructures avec exigence, restaurer la confiance dans la gestion publique.

Il faudra aussi faire un choix politique clair. Clarifier les relations entre l’État et les territoires. Poser sereinement la question du statut par un référendum non pour diviser, mais pour construire un partenariat honnête, équilibré, lucide. Car ce qui manque aujourd’hui aux Antilles, ce n’est pas un statut de plus ou de moins, c’est une vision prospective . Une ambition partagée. Une volonté de bâtir ensemble un avenir qui ne soit ni une reproduction du passé, ni une fuite en avant vers un idéal mal défini.

Deux voies s’offrent désormais aux Antilles : continuer sur la pente douce mais certaine du déclin, ou se réinventer avec lucidité, audace et cohésion. Le sursaut devra venir de l’intérieur. De la société civile, des entreprises, des élus, des citoyens. Il faudra se retrousser les manches, faire preuve d’imagination, dépasser les postures. Car le temps de l’attente est révolu. Le compte à rebours est enclenché. Et face à l’effondrement qui menace, il ne reste qu’une seule option : choisir de renaître.

L’avenir des Antilles dépendra en grande partie de la capacité des décideurs, qu’ils soient politiques, économiques ou sociaux, à anticiper et à répondre aux défis posés par cette transition complexe. Loin de se limiter à une simple crise conjoncturelle, il s’agit ici d’une transformation systémique qui appelle à une remise en question profonde des stratégies de développement. Si ces territoires veulent éviter de s’enfoncer davantage dans l’impasse, il est impératif d’adopter une vision pragmatique, ambitieuse et prospective c’est à dire résolument tournée vers l’avenir. 

 » Atensyon pa kapon « . 

Traduction littérale : Prudence n’est pas lâcheté.

*Economiste 

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