Opinion. La Guadeloupe asphyxiée par la Covid

PAR EUSTASE JANKY*

La situation en Guadeloupe est grave et les équipes médicales sont épuisées.

Si, en début de la crise sanitaire, notre crainte était la perte de nos grands-parents. 

Aujourd’hui, il n’y a pas d’âge et le taux d’incidence est alarmant et a atteint des niveaux inédits jusqu’à 2000 pour 100 000. Le variant delta particulièrement contagieux ravage notre territoire. Pas une commune, pas un quartier n’échappe à ce virus, qui n’a pas de frontière. 

« De nombreuses femmes
enceintes sont atteintes
avec des cas graves. »

En Guadeloupe c’est 15 et 20 décès par jour dus à cette maladie et des personnes de plus en plus jeunes. De nombreuses femmes enceintes sont atteintes avec des cas graves dont 4 en réanimation après avoir été césarisées prématurément pour sauvetage maternel. Nombre d’enfants sont aussi atteints et occupent en grande partie les urgences de pédiatrie. Si nous n’avons pas encore de nouveaux nés en réanimation, en Martinique c’est déjà le cas.

Les besoins en oxygène explosent, multipliés par 10.  Il n’y a plus de place à la morgue.

Progressivement, on ferme tous les services conventionnels pour ouvrir des services Covid. 

Toutes les structures sanitaires de Guadeloupe publiques comme privées participent à ce mouvement de solidarité en ouvrant des lits de réanimation et ou des unités covid. 

« On arrête de prendre en charge
des patients non covid qui n’ont pas
de cancer ou qui ne sont pas urgents. »

Nos hôpitaux sont saturés et des transferts de patients sont effectués vers l’hexagone. On arrête de prendre en charge des patients non covid qui n’ont pas de cancer ou qui ne sont pas urgents, au risque de laisser évoluer des pathologie graves, mettant aussi en danger la vie des personnes. Croyez-moi, les chiffres ne sont pas truqués, il suffit de jeter un œil aux urgences du CHU pour se rendre compte.

Face à cette catastrophe, le peuple guadeloupéen doit être solidaire et montrer sa capacité à gérer la situation. Dans chaque famille guadeloupéenne, il y a au moins une personne décédée à cause de cette infection. 

Nous n’avons plus le choix, si nous voulons faire rempart à une cinquième vague, nous devons maintenant nous faire vacciner, nous devons aider ceux qui sont encore hésitant à prendre leur décision. Nous avons tous un rôle à jouer.

« Le vaccin nous protège contre les cas graves, évite un passage en réanimation souvent long avec des risques de séquelles à vie. »

Malgré le vaccin nous devons continuer à mettre notre masque, à le porter correctement sur le nez, à le changer régulièrement et à garder la distance physique. Le vaccin nous protège contre les cas graves, évite un passage en réanimation souvent long avec des risques de séquelles à vie. Arrêtons de chercher des responsables, nous aurons le temps si cela est nécessaire, arrêtons de capitaliser sur des informations non scientifiques, arrêtons de croire que la parole d’une personne vaut la lumière. Faites confiance à la science.

N’hésitez plus : faites-vous vacciner et respectez les gestes barrières.

Nous attendons, nous médecins un sursaut de la population. J’y crois et vous aussi.

Malgré cette réalité et la gravité de la situation, malgré les informations scientifiques délivrées les questions restent entières et récurrentes : pourquoi un vaccin en si peu de temps ? C’est quoi l’ARNm ? Le vaccin entraine-t-il la stérilité ? Faut-il vacciner les femmes enceintes ? Pourquoi ne pas utiliser d’autres circuits que l’hôpital et d’autres traitements, dont les AC monoclonaux ? 

S’il est vrai que le vaccin a été mis en place sur un temps très court, il y a une explication. En effet, compte tenu qu’il s’agit d’une pandémie le nombre personnes volontaires pour les essais cliniques a été obtenu très rapidement, plus de 40 000 personnes, ce qui n’a jamais été le cas pour d’autres vaccins. Cette phase est en général, particulièrement longue. Les étapes obligatoires avant l’autorisation de mise sur le marché n’ont pas dérogé aux règles. Après l’autorisation de mise sur le marché, comme pour tout médicament, débute la phase de suivi des effets secondaires, qui en fonction de leur gravité peuvent intervenir dans le maintien ou pas de l’autorisation. Nous sommes actuellement dans cette phase.

« L’ARN messager est connu
depuis 1961 et a fait l’objet
de nombreux travaux de recherche. »

L’ARN messager est connu depuis 1961 et a fait l’objet de nombreux travaux de recherche. Il avait déjà été testé dans certains vaccins et est utilisé depuis des années dans certains traitement dont celui des cancers. Il est présent naturellement dans les cellules. Il ne faut pas confondre ARN messager (ARNm) et ADN. L’ARNm, situé dans le cytoplasme de la cellule, est utilisé par celle-ci pour la synthèse de protéines et l’ADN, situé dans le noyau, constitue notre code génétique. En aucun cas l’ARNm ne peut modifier le patrimoine génétique d’un individu. Une fois injecté, l’ARNm vaccinal induit la fabrication de la protéine vaccinale et des anti corps. Il est ensuite et très rapidement détruit.

« Compte tenu du mécanisme d’action du vaccin avec de l’ARNm, il n’y a pas de risque de stérilité. »

Concernant le risque de stérilité après le vaccin. Compte tenu du mécanisme d’action du vaccin avec de l’ARNm, il n’y a pas de risque de stérilité. Concernant les autres types vaccins, ils sont connus et n’entrainent pas de stérilité.

Faut-il vacciner les femmes enceintes ? Le collège national des gynécologues obstétriciens français recommande la vaccination des femmes enceintes, quel que soit l’âge de la grossesse. Mais, il faut éviter de rattacher les fausses couches du premier trimestre à la vaccination. Le risque de fausses couches spontanées précoces est naturellement élevé. Il est d’environ 12 à 20%.

La femme enceinte comporte un risque très significatif d’être atteinte par le virus. Il s’agit de femmes jeunes. De nombreuses études scientifiques trouvent une fréquence plus élevée de COVID-19 sévère, d’admission en unité de soins intensifs, en réanimation, et de décès maternels. La vaccination ne contre-indique pas l’allaitement maternel.

Pourquoi ne pas utiliser des traitements à la place de la vaccination ?

« Pour qu’ils soient efficaces, les traitements devront être initiés dans
les 5 jours faisant suite à l’apparition
des premiers signes de la maladie. »

Il existe plusieurs stades de gravité. D’ailleurs, il existe de nombreuses personnes asymptomatiques, elles ne présentent aucun signe. A un stade de plus, les médecins de ville sont habitués et mettent en place le traitement adéquat. Il faut qu’ils soient prévenus très tôt, dès les premiers signes. Ils jouent un rôle fondamental dans la chaine de prise en charge. Même si le nombre de patients est particulièrement élevé, ils se sont organisés pour répondre aux besoins sanitaires. Malheureusement, il manque de concentrateurs d’oxygène. Les prestataires doivent tout faire pour s’équiper par des voies rapides (avion). 

Les anticorps monoclonaux font parties de l’arsenal thérapeutique, ils ont une activité neutralisante dirigée contre la protéine spicule du SARS-CoV-2.  Pour qu’ils soient efficaces, les traitements devront être initiés dans les 5 jours faisant suite à l’apparition des premiers signes de la maladie. Les indications sont précises à partir de 12 ans et en fonction des comorbidités. Le médecin traitant alerte le référent hospitalier, qui au vu du dossier décide de l’éligibilité et du lieu pour recevoir les traitements tenant compte de l’adresse du malade.

D’autres questions peuvent encore être posées, mais les scientifiques apporteront les réponses claires compréhensibles par tous et sans polémique.  

*Eustase JANKY est professeur de médecine, Chef de pôle Parent-Enfant au CHU de Guadeloupe

                                                                            

                                              

                                              

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