PAR GEORGES BREDENT*
La présence d’Osange Silou doit demeurer pour nous comme une évidence.
Il est des êtres dont la seule présence irradiait. OsangeSilou-Kieffer (journaliste et critique de cinéma) était de ceux-là.
Cette grande guadeloupéenne originaire de Sainte-Anne a, toute sa vie durant, noué vaillance et sacrifice pour faire connaitre le cinéma antillais dans de nombreuses zones du globe. Notamment en Afrique noire.
C’est du reste grâce à son action que la Guadeloupe et la diaspora sont présentes au Fespaco depuis 1985 et que le prix Paul Robeson saluant le meilleur film de la diaspora a été mis en place, en 1987.
En mars 2019, à l’occasion du cinquantenaire du Fespaco, c’est encore à elle que je dois d’avoir été invité (en ma qualité de président de la commission Culture de la Région Guadeloupe) à présenter les dispositifs et la vision de la collectivité pour un co-développement Caraibes, Guadeloupe, Afrique dans le domaine du cinéma.
Dans le même mouvement, elle nous a fait ouvrir les portes du ministère de la Culture et du Tourisme en vue d’un entretien avec le ministre. En cette circonstance, nous n’avons pas manqué de discourir autour de questions d’intérêts communs tel le conte (que les sociétés antillaises ont en commun avec l’Afrique), tels encore des projets d’expositions au MACTe de sculptures en bronze à la cire perdue…
Mais, outre ces rencontres avec le ministre, Osange, Christiane Taubira (intervenante du colloque Mémoire et Avenir des cinémas africains et des diasporas) en avons profité pour échanger des points de vue avec les acteurs du continent africain pour déconstruire les clichés, faire connaitre nos films au continent africain et au monde (le marché cinéma et audiovisuel africain offre à nos films la possibilité d’avoir plusieurs autres vies à travers les circuits de distribution en place sur le continent).
Nous avons aussi saisi cette opportunité en vue de collaborations pour des projets futurs (en clair, prendre date pour que notre public se familiarise avec le cinéma africain à travers l’accueil de films du continent dans nos festivals).
Enfin, en tant qu’institution en charge du développement de la filière en Guadeloupe notre présence au Fespaco était aussi une occasion idéale pour nouer des relations avec les différents outils de formation du Burkina Faso. Notamment des liens entre notre BTS aux métiers du cinéma et de l’audiovisuel, voire notre campus des métiers du cinéma-audiovisuel et l’institut Imagine du grand ami d’Osange, Gaston Kaboré.
Ce sont toutes ces portes qu’Osange nous a ouvertes en Afrique. Mais, on ne le dira jamais assez, sa disponibilité n’avait pas de limite dès qu’il s’agissait de promouvoir son territoire de naissance et plus encore les cinémas de la diaspora.
Je ne saurais clore mon propos sans évoquer sa relation fusionnelle avec sa fille Cannelle. Et, pour illustrer mon propos, il me vient à l’esprit la réplique qu’elle me faisait alors que nous revenions du restaurant à Ouagadougou : « Georges, je vais devoir quitter prématurément le Fespaco car ma fille a besoin de moi à Paris. » En fait, elle venait d’avoir un appel téléphonique de Cannelle, laquelle lui faisait part d’une vive contrariété…
Femme-cinéma, donc, Osange;
Femme de générosité et de cœur;
Mère protectrice enfin;
Etre exceptionnel, en un mot.
À nous de démontrer, par notre obstination à bâtir un cinéma antillais signifiant, que son engagement n’aura pas été vain. Ce sera assurément la manière la plus généreuse de lui exprimer notre gratitude et de la garder en nous.
De tous les hommages, ce sera et le plus pertinent, et le plus digne.
*ancien Président du MACTe,
ancien président de la commission Culture de la Région Guadeloupe,
vice-président de la Fondation pour la mémoire de l’esclavage,
vice-président de Cap Excellence,
élu délégué à la Culture de la ville de Pointe-à-Pitre