PAR DIDIER DESTOUCHES
Depuis deux ans, au fil de ses difficultés quotidiennes et récurrentes (Chu, Eau, Sargasses, etc.) le peuple guadeloupéen dans sa totalité à eu une lecture très honnête de sa réalité. Ils sont nombreux ceux qui perçoivent que le système actuel est grippé et que quelque chose ne tourne pas rond.
Se croyant dépourvu de vrais leviers d’actions, le citoyen guadeloupéen se détourne de ses élus et se concentre sur son quotidien et ce qui l’inspire dans sa culture ou ses traditions, en particulier en période de fêtes.
Quant aux corps intermédiaires, les syndicats et les mouvements citoyens, ils ont le plus grand mal à mobiliser leurs troupes et plus globalement les individus. Ici pas ou peu de convergence des luttes. Elle n’a pas eu lieu, également parce que le secteur de l’enseignement (enseignants, parents ou élèves) n’a pu mobiliser ses troupes autour d’une contestation centrale malgré les nombreuses carences.
Cette apathie sociale n’occulte pas pour autant les difficultés économiques et politiques bien réelles de la Guadeloupe.
Le climat de tension palpable exacerbé par la crise sanitaire dans laquelle les autorités publiques nationales pataugent, montre que notre peuple est fatigué psychiquement, désabusé et en colère.
Localement on constate que nos élus n’arrivent pas à résoudre de nombreuses problématiques récurrentes.
Le volontarisme collectif et la solidarité locale s’effacent comme souvent devant les intérêts corporatistes de clan, de partis, ou des ambitions individuelles. Cette montée de l’individualisme est amplifiée par l’émergence des réseaux sociaux qui sont de plus en source de confrontations virtuelles et de dilution du désir de vivre ensemble.
Ces réseaux drainent désormais presque toutes les contestations et revendications, les aigreurs et les polémiques et même les propositions politiques mais trop souvent désormais sur la base d’affabulations, de mensonges et d’arguments fallacieux. C’est derrière son écran que le citoyen fait vivre, du moins le croit-il, les institutions et le débat public. C’est devant son écran qu’il travaille, qu’il fait des rencontres et qu’il règle ses comptes. En fait, c’est devant son écran qu’il se mobilise.
Mais communication n’est pas proposition et encore moins solution…
Cet environnement numérique et médiatique nous empêche de nous lever ensemble pour défendre nos droits et marcher vers l’unité. Celle qui seule pourra renverser la table et faire la différence, notamment pour que justice soit faite sur la question de la pollution au chlorécone.
La chlordécone est un pesticide interdit en France en 1990 mais qui a continué à être autorisé dans les champs agricoles, surtout de bananes de Martinique et de Guadeloupe par dérogation gouvernementale jusqu’en 1993. Il en est résulté que plus de 90% des Antillais est contaminée par cette molécule néfaste selon les données de Santé publique France.
Guadeloupéens et martiniquais présentent un taux d’incidence du cancer de la prostate parmi les plus élevés au monde. Devenu une affaire judiciaire et une affaire d’État, le dossier du chlordécone vient de prendre un tournant inadmissible.
Les juges d’instruction ont appris aux associations requérantes que des preuves ont disparu et que le dossier pourrait être sous le coup d’une prescription donc non susceptible de décision de réparation pour les milliers de victimes…
Comment pouvons nous accepter que nous Guadeloupéens soyons privés de la plus élementaire justice dans l’affaire d’État qu’est en réalité ce dossier judiciaire du Chlordécone ?
Comment pouvons-nous rester de marbre face à l’absurdité des raisons que l’on nous jette à la figure pour priver de réparation des milliers d’Antillais sur plusieurs générations, victimes de cette pollution criminelle hallucinante et qui a détruit notre terre dans sa chair ?
Mais surtout comment aller plus avant dans la confiance en des élus dont on ne voit ni n’entend aucun cri du coeur et aucun souffle accusateur face au déferlement d’humiliations et de mépris qui bafouent notre dignité aussi bien humaine que citoyenne?
Droits de l’homme, droit au procès équitable, droit à la sûreté, droit à l’égalité devant la loi, droit à un environnement sain, … Autant de droits dont nous Guadeloupéens sommes totalement ou partiellement privés dans ce triste spectacle que nous offre l’actualité. Et aucun click, like, transfert vidéo, ou post ne nous fera faire face et obtenir la justice et le respect qui nous est dû !
Le temps est bien venu, celui de dire AWA ! et d’espérer que les générations à venir se souviennent que nous n’avons pas accepté d’être muets, inertes et divisés face à cette abominable iniquité.
Ensemble, nous devons exiger la justice !Encore, toujours et plus que jamais.