Opinion. En temps Covid, le jour d’après…

Par Raymond Otto, anthropologue

Il est intéressant de constater comment les organisations politiques et syndicales s’ingénient à vouloir rendre le réel acceptable et la gestion du quotidien noble en reprenant les recettes du passé. Or, ce que nous n’avons pas tiré comme enseignement du traitement de la pandémie, c’est qu’il aura mis au jour les atavismes liés à notre rapport avec « la mère patrie » et singulièrement de notre rapport à la gestion du pouvoir, la posture de « Ti-mal ». C’est bien de cela qu’il s’agit, la gestion du pouvoir, et le rapport à l’accession de cette gestion.

Depuis 1946, date à laquelle le territoire de l’Archipel va s’inscrire dans le droit commun de la France « une et indivisible », nous n’aurons de cesse de devoir nous battre pour que les valeurs de la République soient une réalité non sous-tendue sous nos latitudes, à savoir : Liberté – Egalité – Fraternité.

Se construire un avenir
qui nous ressemble

Liberté d’entreprendre, de construire et de se projeter dans un avenir qui nous ressemblait et non pas de se retrouver dans un puzzle d’évènements historico-coloniaux où l’inertie intellectuelle face à un devenir uniquement français, semblait faire évidence pour nos décideurs de l’époque. Liberté de faire évoluer doucement nos modes d’habiter et non pas de faire des copier-coller qui, aujourd’hui, nous révèlent toutes les occurrences de notre rapport au monde, qu’il soit comparé à une supposée appartenance à un bassin caribéen ou encore, face à notre déni d’assimilation à la France et à la grande Europe.

Egalité de traitement face aux autres départements de la République qui ne jouissent pas (comme nous) d’un ministère dédié et encore moins d’emplois réservés, qui expliquent en partie les incohérences décisionnelles qui retardent de manière subtile les grands travaux constituant le devenir d’un territoire donné, à savoir : la formation des Hommes, la gestion de l’eau, la qualité de l’air, la continuité territoriale, la valorisation des déchets, la maitrise de nos frontières ainsi que de bénéficier du même calcul de fixation du prix des produits pétroliers qu’au niveau national.

Des étrangers sur la terre
de nos ancêtres

Fraternité, car inscrit dans le bassin caribéen depuis tantôt, nous sommes des étrangers qui habitent la terre de leurs ancêtres. Nous avons perdu progressivement une part de notre histoire, car notre école ne l’aura jamais valorisée et nous avons peine à envisager de la transmettre avec toutes ses variantes, tous ses apports. Fraternité, car devons faire la paix avec ceux qui habitent la maison caribéenne et qui nous regardent comme des enfants gâtés adultérins.

Peut-être que notre identité de libre de couleur, nous aurait été profitable, puisque nous aurions, comme tout peuple, à disposer de nous-mêmes et de nos ressources, afin de dédramatiser le traitement réservé à ladite pandémie, et que, peut-être, nous serions moins enclins à construire des « centres », lieux de production de clusters par excellence, car concentrant naturellement les populations. Peut-être que notre identité de libre de couleur nous aurait permis d’accepter que notre territoire soit naturellement un lieu de passage entre les grandes et les petites Antilles et, de fait, un espace naturel de maillage de cultures.

Un réveil douloureux

Le jour d’après risque d’être douloureux au réveil, car nous n’avons pas toujours su tirer les enseignements de nos erreurs passées. Qu’ils s’agissent de la réforme foncière, du retour des Bumidomiens, de l’inscription dans la logique de partis, de l’aplaventrisme électif qui a conduit aux dérives financières que nous observons aujourd’hui, de cette volonté de ressusciter des momies, voire les anciennes gloires du passé, qui ne comprenaient, voire n’arrivaient pas à décrypter le simpliste dans lequel elles évoluaient.

Est-ce à dire que nous devons construire le territoire futur avec des hommes et des femmes dont les âges canoniques nous rappelleraient en permanence que nous ne disposons pas de suffisamment de lits de réanimation ? Est-ce à dire que ce nouveau projet de société pour se réaliser, et qui doit s’établir sur une projection à 25 années, n’aurait pas besoin de citoyens en capacité de dépasser des intérêts personnels et familiaux au profit du groupe ? 

Nous sommes à la croisée des chemins et des destins, et nous n’avons plus envie de construire des tunnels qui n’offrent pas de perspectives réelles. Nous avons besoin de construire un territoire qui puisse se penser en systémie, loin des anciens paradigmes, qui ne soit plus pourvoyeur d’empreintes carbones et d’embouteillages. Un territoire qui propose une spécialisation des territoires qui composent l’archipel, afin de mettre en œuvre une dynamique harmonieuse de développement, afin d’être pourvoyeur de sens et de mettre le bien-être de l’homme, au centre de toutes les préoccupations économiques et sociétales de manière beaucoup plus globalisante.

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