Opinion. Emmanuel Macron chercherait-il à rallumer le feu de la contestation en Guadeloupe ?

PAR DAVID DAHOMAY

J’ai appris avec étonnement, pour ne pas dire stupéfaction, la décision du préfet de Guadeloupe, de rendre applicable le passe vaccinal dans l’archipel à compter du 7 mars prochain, certes de façon progressive. Ainsi, ce passe serait d’abord imposé aux établissements culturels et recevant du public, puis dans un second temps (à compter du 21 mars) à la restauration et l’hôtellerie ainsi qu’aux activités sportives. Autant dire demain donc.

En effet, alors que ce passe est déjà appliqué en métropole depuis le 24 janvier dernier, la loi du 22 janvier 2022 a prévu une possibilité d’adaptation dans son application, en fonction du contexte local.

Aussi, je me dois de dire, avec la plus grande sincérité possible, que ce serait à la fois irresponsable et une faute politique majeure que d’appliquer en Guadeloupe dès le 7 mars prochain ce passe vaccinal. Car, comme on le sait, la situation dans l’archipel est radicalement différente par rapport à l’Hexagone en termes de couverture vaccinale, à peine 40 % des plus de 12 ans ayant reçu une première injection.

Afin qu’il n’y ait aucune ambiguïté dans mes propos, je tiens ici à préciser que je suis convaincu des bienfaits de la vaccination, et je n’ai pas hésité depuis des mois, en tant que simple citoyen, à tâcher de convaincre mes compatriotes de l’importance de se faire vacciner pour prévenir en particulier les formes graves de la maladie due au covid-19. Cela m’a valu d’ailleurs à plusieurs reprises, invectives, insultes, voire même menaces. Mais peu importe, je continuerai avec d’autres de tâcher de convaincre, mais dans l’écoute et l’échange rationnel et argumenté.

Ceci étant, croire que le passe vaccinal va avoir un effet significatif sur l’accroissement de la vaccination en Guadeloupe, c’est tout simplement méconnaître gravement nos spécificités culturelles et sociologiques. Nous avons en effet l’exemple marquant de certains professionnels de santé (près de 300 salariés), qui ont préféré perdre leur emploi et sombrer dans la précarité, plutôt que de se faire vacciner. Nous pensons en effet qu’il vaut mieux toujours d’abord convaincre plutôt que de contraindre. Ainsi, c’est implicitement toute la stratégie d’incitation à la vaccination de l’Etat, mais aussi de l’ensemble des responsables publics, qui doit être interrogée à l’aune de ce faible taux de vaccination.

A coup sûr, l’une des premières conséquences de l’application du passe vaccinal sera de provoquer, outre une défiance virulente d’une grande partie de la population, une crise économique et sociale majeure, dans la mesure où la perte de chiffre d’affaire pour de nombreux établissements recevant du public (secteur culturel et du spectacle, restauration, …) risque d’être colossale, sinon fatale. A titre d’exemple, Eddy Alphonse, gérant de l’Appart (entreprise organisatrice d’événements culturels), a d’ores et déjà annoncé qu’il cessera son activité suite à l’annonce du préfet. Il est malheureusement probable que d’autres professionnels du spectacle et de la restauration lui emboîtent prochainement le pas.

Aussi, qui chercherait à mettre la Guadeloupe à genou, et à créer à nouveau un climat quasi- insurrectionnel, ne s’y prendrait pas autrement. Sur ce point, j’ai peine à croire que le préfet ait pris seul une telle décision incandescente…

D’autant que l’ensemble des élus locaux, mais aussi les responsables des chambres consulaires que le préfet a rencontrés, ont pointé du doigt la grande difficulté d’application du passe vaccinal en l’état, et la nécessité de différer son application, certains ayant évoqué le délai d’au moins 6 mois. Curieuse conception dans ce cas de la concertation, et du peu d’importance accordée à la légitimité démocratique des responsables politiques.

Et cette décision apparaît d’autant plus incompréhensible, alors même que l’on discute d’ores et déjà de la suspension du passe vaccinal dans l’Hexagone, et qu’en Guadeloupe, le pic de l’épidémie due à l’omicron semble derrière nous.

De surcroît, autant l’OMS que des épidémiologistes de renommée internationale s’accordent à dire qu’avec le variant omicron, très contagieux mais très peu létal, la fin de la pandémie du covid-19 apparaît scientifiquement de plus en plus plausible (le virus deviendrait ainsi endogène avec des cycles épidémiques comparables au virus de la grippe). Or, la vague épidémique due à ce variant, diminue extrêmement rapidement dans tous les pays où elle sévit.

Dès lors, cette décision d’appliquer dès le 7 mars prochain le passe vaccinal en Guadeloupe, semble totalement « anachronique » au regard de l’évolution récente de l’épidémie et des dernières conjectures scientifiques et épidémiologiques. Elle ne se justifie donc plus quant à l’urgence sanitaire, et au regard des désastres sociaux et économiques qu’elle pourrait engendrer.

A moins que les motivations cachées de cette décision soient ailleurs ? En particulier, lorsque l’on se remémore les propos consternants du chef de l’Etat qui disait vouloir « emmerder » les non- vaccinés pour justifier la mise en œuvre du passe vaccinal – propos irresponsables tenus alors même que le projet de loi instaurant le passe vaccinal était encore en débat à l’Assemblée nationale –, nous sommes en droit de nous interroger quant aux réelles motivations d’une telle inique décision.

David Dahomay, citoyen engagé, le 3 février 2022

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