Opinion. Crise : l’impuissance du politique à agir sur le réel ?

PAR JEAN-MARIE NOL*

Depuis plusieurs années, un sentiment grandissant d’impuissance politique et économique s’installe en France. De plus en plus de citoyens pensent que les dirigeants politiques ne sont plus en mesure d’agir efficacement sur le réel, entraînant une crise profonde de confiance envers les institutions. Cette situation, exacerbée par des turbulences économiques et des transformations sociétales rapides, risque de plonger la France dans une instabilité durable, menaçant à la fois la gouvernabilité du pays et son équilibre économique et financier .

La paralysie politique  risque de conduire à une impasse institutionnelle.

L’instabilité politique actuelle en France est palpable. Le paysage politique est morcelé, aucune majorité claire ne se dégage, et les alliances nécessaires pour former un gouvernement stable semblent de plus en plus improbables. La récente incapacité du nouveau front populaire à s’accorder sur le choix d’un Premier ministre en est une illustration frappante. La réalité est que, dans une telle configuration, tout Premier ministre serait vulnérable aux motions de censure et risquerait d’être renversé à tout moment par une Assemblée nationale profondément divisée.

Cette situation inédite sous la Ve République pourrait entraîner une succession rapide de gouvernements, chacun incapable de légiférer de manière efficace. La perspective d’une nouvelle dissolution de l’Assemblée nationale dans un an , bien que possible, ne garantirait pas une solution à cette crise de gouvernabilité. Le cycle incessant de motions de censure et de remaniements ministériels pourrait devenir la norme, plongeant la France dans une véritable spirale de crise institutionnelle avec des répercussions économiques et financières .

L’instabilité politique a des répercussions directes et néfastes sur l’économie. La France est déjà confrontée à des défis économiques significatifs, aggravés par une gestion budgétaire déficiente. Les agences de notation internationales, telles que S&P Global et Moody’s, ont récemment abaissé la note de la France, pointant du doigt la faiblesse de la croissance économique et l’incapacité à réduire le déficit budgétaire.

Ces dégradations de la note de crédit augmentent le coût de l’emprunt pour la France, alourdissant encore davantage la charge de la dette publique. Une telle situation risque de créer une spirale descendante où la hausse des taux d’intérêt et les déficits publics croissants alimentent une instabilité économique de plus en plus difficile à maîtriser. L’impact sur les finances publiques pourrait être dévastateur, notamment lors de l’examen de la loi de finances pour 2025 menant à des coupes budgétaires sévères dans les services publics et les infrastructures, et exacerbant les inégalités sociales. Le véritable enjeu d’avenir réside dans une fracture sociétale en cours en France hexagonale et en Outre-mer.

La crise politique et économique en cours contribue également à une fracture croissante au sein de la société française. Les citoyens, désillusionnés par l’incapacité des gouvernements successifs à apporter des solutions tangibles, se tournent de plus en plus vers les extrêmes politiques. Cette polarisation de l’électorat fragilise davantage la cohésion sociale et renforce l’instabilité politique.

L’Outre-mer, y compris des régions comme la Guadeloupe, est particulièrement vulnérable aux répercussions de cette instabilité. Les conséquences financières et budgétaires de la crise se feront sentir de manière disproportionnée dans ces territoires, amplifiant les inégalités régionales et les tensions sociales. Parallèlement aux turbulences politiques et économiques, la société française est confrontée à une disruption technologique majeure avec l’émergence de l’intelligence artificielle (IA). L’IA promet de transformer profondément les secteurs économiques, les emplois et les modes de vie, mais elle représente également un défi de taille pour les décideurs politiques et économiques.

L’adaptation à ces nouvelles technologies nécessite une vision stratégique et des politiques cohérentes pour assurer une transition équitable. Cependant, l’instabilité actuelle entrave la capacité du gouvernement à mettre en place des réformes nécessaires pour tirer parti des avantages de l’IA tout en atténuant ses impacts négatifs. L’incapacité à gérer efficacement cette transformation pourrait entraîner des perturbations économiques et sociales importantes, exacerbant la crise actuelle.

En réalité , la France se trouve à un carrefour critique. L’impuissance perçue à agir sur le réel, tant sur le plan politique qu’économique, menace de plonger le pays dans une crise profonde et durable. Les défis sont immenses : restaurer la confiance dans les institutions, stabiliser l’économie, et gérer les transformations sociétales induites par les nouvelles technologies.

Sans une réponse forte et coordonnée, le risque d’une fracture profonde au sein de la société française et d’une instabilité chronique est réel.Il est impératif que les forces politiques trouvent un terrain d’entente pour promouvoir des  réformes économiques audacieuses pour redresser la trajectoire budgétaire et préparer le pays à l’ère de l’intelligence artificielle. L’avenir de la France dépend de sa capacité à surmonter ces défis et à retrouver le pouvoir d’agir sur le réel.

« SE ANLANMEN KA LAVE LOT « 

– traduction littérale : c’est une main qui lave l’autre

– moralité : Il faut savoir s’aider les uns les autres pour sortir de l’ornière !

*Economiste et juriste en droit public 

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