Opinion. Contre la remise en cause du droit du sol

PAR OLIVIER FAURE* ET OLIVIER NICOLAS**

Confronté à une situation catastrophique à Mayotte, dont il aura bien trop longtemps sous-estimé l’ampleur et l’urgence, le Gouvernement fait le choix de la surenchère sécuritaire en annonçant l’amplification de mesures, qui jusqu’ici, n’ont guère fait leurs preuves.

Destinée à marquer les esprits dans l’archipel, mais surtout, en réalité, au niveau national où le débat est d’ores et déjà instrumentalisé par la droite et l’extrême-droite, la suppression pure et simple du droit du sol défendue désormais par le Gouvernement, n’aura qu’une efficacité marginale dans la lutte contre l’immigration clandestine.

Le durcissement des conditions d’acquisition de la nationalité adopté au Parlement en 2018 pour le seul territoire mahorais, marquant en cela une première dérogation au droit commun, n’a pas eu l’effet escompté.

S’il a fortement et logiquement réduit le nombre d’accès à la nationalité française (divisé par 3 en 2021 selon le ministère de l’Intérieur), il n’a eu aucun impact notable sur les flux d’arrivées d’étrangers à Mayotte.

Une nouvelle fois, sans avancer le moindre élément objectif ni la moindre évaluation, le Gouvernement décrète que la nationalité française constitue toujours une attractivité déterminante pour les migrants arrivant à Mayotte et qu’il faut aller encore plus loin.

La rupture d’égalité envisagée sur un principe fondateur de la République, ce n’est rien d’autre que le retour détestable aux droits différenciés de la nationalité qui étaient en vigueur à l’époque de la France coloniale. Et c’est en outre une porte ouverte à une inacceptable remise en cause du droit du sol à l’échelle nationale que l’extrême-droite et la droite réclament de plus belle depuis les déclarations de Gérald Darmanin.

Les socialistes continuent pour leur part de plaider pour une politique migratoire à Mayotte qui traite les conséquences mais surtout les causes de l’immigration en cours. Or, ces causes sont principalement à rechercher dans les déstabilisations économiques, sociales et bientôt climatiques qui sont à l’œuvre, aussi bien dans l’archipel des Comores que dans la région des grands lacs en Afrique, face auxquelles la promesse de « rideau de fer maritime » du ministre Darmanin apparaît comme une protection bien illusoire.

C’est pourquoi nous affirmons que rien de pérenne et d’efficace ne se fera sans une politique ambitieuse de coopération et de co-développement dans la zone du canal du Mozambique et, en particulier, en direction des Comores où le manque de démocratie et un système de santé défaillant constituent les vraies motivations au départ.

Les politiques de gestion des visas devra également être évaluée, en particulier celle des visas « territorialisés » qui condamnent Mayotte à gérer seule l’immigration régulière, et celle des visas Balladur qui ont profondément déstructuré les relations aussi bien économiques, culturelles et familiales entre Mayotte et les Comores.

Et surtout, rien de pérenne ni d’efficace ne se fera sans redonner à la jeunesse mahoraise la perspective d’un avenir meilleur sur son territoire. C’est pourquoi nous en appelons à une action déterminée de l’Etat pour améliorer les conditions de vie quotidienne dans les domaines de la lutte contre la pauvreté, l’éducation, l’aide sociale à l’enfance, l’insertion et de la formation professionnelle, avec des services publics d’eau et d’assainissement enfin dignes de la République.

*Premier secrétaire du Parti socialiste
**Secrétaire National aux Outre-mer

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