Opinion. Congrès des élus de Guadeloupe : décentralisation à la carte ou évolution statutaire ?

PAR DIDIER DESTOUCHES*

L’organisation territoriale est au cœur de la réflexion sur la performance publique. Outre-mer et singulièrement en Guadeloupe elle n’atteint pas encore le degré de qualité, d’efficience et de satisfaction de la population et des élus.

Tour à tour les reproches de chevauchement des compétences, de gaspillage financier, d’inéquité, de lenteur d’actions, de complexité institutionnelle, et surtout d’absence de proximité viennent alimenter le débat public, qu’il soit universitaire, politique ou économique.

La réforme constitutionnelle que prépare le gouvernement a notamment pour objectif de libérer les énergies locales en donnant plus de souplesse à l’action publique locale des régions, métropoles, départements, intercommunalités et communes. L’outil qui sera proposé est celui du droit a la différenciation qui permettra plus de diversité du droit local et plus de possibilité d’adaptation et d’expérimentation aux collectivités territoriales majeures dans certains domaines qu’elles choisiront progressivement.

Il est donc intéressant de voir dans le cadre du Congrès des élus guadeloupéens quelles compétences et pour quels domaines d’activités nous voudrions et pourrions user de la différenciation dans le cadre de l’article 72 et 73 de la constitution. Il est tout aussi intéressant de repousser les limites du débat en posant la question de l’évolution statutaire.

Pourquoi ?
Rappelons d’abord que l’article 72 fixe le régime général et l’identité des collectivités territoriales, que l’article 73 fixe notamment le régime juridique du territoire de la Guadeloupe qui est régi par le droit commun de la République mais bénéficie d’un droit à adapter ce droit commun sous certaines conditions de procédure et de domaines, et que l’article 74 est le châssis constitutionnel qui permet de conjuguer droit commun national et droit spécifique local (spécialité législative) en permettant à certaines collectivités territoriales qui l’ont choisi d’être autonomes dans l’édiction locale de règles législatives et règlementaires dans des domaines autres que régaliens (économique, social, culturel…).

Demander plus et mieux pour l’adaptation des lois à notre réalité ne fera que renforcer la sclérose institutionnelle et la mortification lente mais sûre de la gouvernance de nos actuelles collectivités.

Il faut simplifier et booster notre capacité à agir dans la proximité. La différenciation territoriale souhaitée par le gouvernement et relayée par plusieurs propositions qui seront présentées au congrès sera insuffisante. Elle mettra en œuvre une décentralisation plus forte mais toujours trop limitée et timorée au regard de nos problèmes (graves).

En réalité, la plus efficace des extensions de compétences locales réside dans le passage au régime législatif de l’article 74 qui propose une voilure juridique permettant de voguer en ayant soi même le contrôle de la barre du navire territorial pour les problématiques fiscales, foncières, culturelles, environnementales, et économiques en particulier.

C’est l’autonomie politique (modulable) déjà à l’oeuvre en Polynésie ou à Saint-Barthélemy par exemple. Elle s’incarne dans une capacité pour des élus locaux à agir plus concrètement pour répondre le plus efficacement possible aux enjeux locaux mais aussi parfois internationaux dans leur environnement géographique naturel ; tout en demeurant dans le cadre constitutionnel républicain français.

La vraie question qui se pose donc aux élus mais aussi aux Guadeloupéens à travers ce Congrès congrès, dans le contexte de désengagement de l’Etat, d’appauvrissement et de précarisation de la population guadeloupéenne, et de mondialisation hyper-contraignante pour l’économie locale ; est celle de l’étendue des compétences à une partie du domaine législatif des élus locaux.

La qualité et la portée mais aussi l’efficacité des politiques publiques en dépendent réellement.

Une étendue qui devrait donc aller au delà de la simple redistribution fléchée des deniers publics car l’accompagnement et le simple soutien financier de nos collectivités aux forces vives ne semble plus suffisant pour nous sortir du marasme social et économique et nous permettre d’optimiser concrètement nos potentiels immenses.

Didier Destouches est maître de conférences, essayiste, auteur de « Du département au pays d’outre-mer ». Éditions Jasor.

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