Opinion. Ce qui se passe à l’Université des Antilles est à l’exacte image des sociétés guadeloupéenne et martiniquaise

PUBLIE PAR MONTRAY KRÉYOL*

L’Université des Antilles est la seule université française à être répartie sur deux territoires différends (la Guadeloupe et la Martinique) n’ayant pas de contigüité géographique. S’est donc toujours posée la question de savoir qui est en droit de la présider et surtout en vertu de quels critères.

En fait, il faut revenir loin en arrière, à l’époque de l’Université des Antilles et de la Guyane (UAG) qui réunissait trois territoires également sans continuité géographique, cette dernière, la Guyane, se trouvant à plus de 2.000kms des Antilles. Que constate-t-on pendant les trois décennies de son existence ? D’abord ceci : la fameuse « alternance » que réclame aujourd’hui le PPM (Parti Progressiste Martiniquais) n’a jamais existé au sein de l’UAG, Guadeloupéens et Martiniquais se partageant la présidence de l’établissement à tour de rôle et cela au détriment des Guyanais.

Avec le recul, il apparaît clairement que ce qu’il faut bien appeler du mépris fut l’une des causes principales du départ de la Guyane de l’UAG afin de créer sa propre université. Conclusion : dès le départ, cette notion d’alternance dont certains se réclament aujourd’hui fut battue en brèche.

Pour en revenir en arrière, mais moins lointainement, chacun se souvient qu’en 2013, Corinne Mencé-Caster, professeur des universités, avait présenté sa candidature à la présidence en faisant prévaloir la notion de compétence sur celle d’alternance laquelle, comme on vient de le voir n’avait jamais fonctionné, sans même parler du fait que l’alternance homme/femme n’avait non plus jamais traversé l’esprit des uns et des autres. D’ailleurs, à la date d’aujourd’hui, l’UAG, devenue UA, n’a eu en tout et pour tout que… deux présidentes ! Au moment donc où C. Mencé-Caster présente sa candidature, elle affronte pas moins de quatre candidats du Pôle Guadeloupe.

Ici, il convient de faire un distinguo important et qui n’est pas clair pour le grand public : nos universitaires appartiennent à un pôle — soit celui de la Guadeloupe soit celui de la Martinique — et non pas à une « nationalité » ou à une « ethnie ». Il convient donc dire « candidat du Pôle Guadeloupe ou du Pôle Martinique » et non « candidat guadeloupéen ou martiniquais ». Or, malheureusement, c’est cette dernière dénomination qui s’est imposée dans les médias, chose qui a été favorisée par le nombrilisme ou plus exactement le nationalisme de pacotille qui sévit dans nos deux îles. Faut-il rappeler qu’à ce jour, l’UAG, puis l’UA, n’ont eu en tout et pour tout qu’un seul président indépendantiste : Roland Thésauros.

En bonne logique, si l’on s’en tient à ce nationalisme de pacotille et au lieu de naissance des candidats, la Guadeloupe a d’ores et déjà gagné l’élection à la présidence de l’Université des Antilles puisque les deux candidats sont des… Guadeloupéens. Mais écartons cet argument imbécile et revenons à l’élection de Corinne Mencé-Caster pour rappeler que ce fut au nom de l’alternance que le Pôle Guadeloupe vota contre elle. Alternance soutenue à corps et à cris par l’ex-CEREGMIA, groupe de recherches en économie, dont les trois chefs ont été radiés depuis de l’université et révoqués à vie de la fonction publique. Ex-CEREGMIA soutenu par le PPM et dont le directeur était qualifié à la radio de « grand économiste » par Serge Letchimy ! 

Pourquoi Corinne Mencé-Caster, privilégiant la compétence sur l’alternance, avait-elle été élue ? Pour deux raisons : d’abord, parce que lors de la présentation de leurs programmes respectifs par les différents candidats, cela par visioconférence, elle se montra la plus articulée et la plus convaincante ; ensuite, parce que les quatre candidats du Pôle Guadeloupe (en fait, ils étaient cinq mais l’un d’entre eux a fini par se désister !) se sont combattus et finalement neutralisés au terme des quatre tours qui furent nécessaires pour élire le/la président (e). Petit fait comique : furieux de sa défaite, l’un des vaincus lui avait lancé au visage qu’elle « lui avait volé sa présidence » !

Pour en revenir à la future élection à la tête de l’Université des Antilles, on mesure, après toutes ces explications, que rien n’a jamais été simple au sein de cet établissement. Ce qui contraste fortement avec l’Université des West-Indies (dotée de trois campus principaux : Jamaïque, Barbade et Trinidad) qui rassemble une bonne douzaine de pays de la Caraïbe et au sein de laquelle la compétence a toujours prévalu sur l’alternance. C’est ce qui explique sans doute qu’elle est classée parmi les meilleures universités du monde alors que l’ex-UAG et l’actuelle UA ont toujours figuré et figurent encore en queue du classement des universités françaises et est inconnue des classements internationaux.

A bien regarder, ce qui se passe à l’Université des Antilles est à l’exacte image des sociétés guadeloupéenne et martiniquaise. La soif de (petit) pouvoir y est omniprésente et l’accession à la présidence est vécue par beaucoup (mais pas tous fort heureusement) comme un moyen de sortir de l’anonymat ou d’exister enfin. Quand ce n’est pas pour nourrir des ambitions politiques non avouées.

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