PAR LUIS CINO
Les films de Delon, que j’ai vus à l’Alameda ou dans l’un des autres cinémas de La Víbora, où j’habitais à l’époque, sont liés à de nombreux bons souvenirs de mon adolescence.
Alain Delon, décédé le 18 août, à l’âge de 88 ans, était l’acteur le plus populaire à Cuba dans les années soixante et soixante-dix, notamment auprès des femmes.
En réalité, au-delà de sa beauté indéniable et de ses qualités d’acteur, Delon jouissait d’un avantage. La seule concurrence sérieuse qu’il a dû affronter sur nos écrans était celle de Jean Paul Belmondo, également français.
Et le fait est qu’à cette époque, les commissaires de l’ICAIC, se protégeant du blocus ou invoquant une nocivité idéologique, nous privaient du cinéma nord-américain, et ce que nous, Cubains, voyions le plus, c’étaient les films français, qui, en étroite concurrence avec les Films italiens et japonais de samouraïs, nous ont libérés des insupportables drames de guerre de Mosfilm.
Et de nombreux films français mettaient en vedette Delon ou Belmondo, qui étaient considérés comme leur antithèse. Mais cette rivalité n’était pas telle, mais ressemblait à celle qui était censée exister, à cette même époque, entre les Beatles et les Rolling Stones. Delon et Belmondo étaient amis et venaient partager la vedette. Mais Belmondo, bien qu’excellent acteur, n’était pas aussi sexy et élégant que Delon, mais plutôt laid et dégingandé.
Delon, l’idole qui semblait invincible pour faire soupirer les filles, en est venu à être considéré, en tant que sex-symbol, comme l’équivalent masculin de Brigitte Bardot.
Certains des films sur lesquels Delon a travaillé sont considérés comme des classiques. Qu’il suffise de citer Un plein soleil, réalisé par René Clément, en 1960 ; Le Samouraï (1967), de Jean-Pierre Melville, et Rocco et ses frères, de Luchino Visconti (1960) ; L’Éclipse, d’Antonioni, de 1962, et Le Guépard, également de Visconti, de 1963.
Mais c’est avec des films d’action comme Zorro, La Tulipe noire, Borsalino et Tony Arzenta qu’Alain Delon est devenu extrêmement populaire parmi les Cubains de ma génération. Et aussi pour ses romances avec les actrices Romy Schneider, Nathalie Canovas, Mireille Darc et la rockeuse allemande Nico, que les Cubains intéressés par les potins du divertissement ont découverts grâce aux magazines à potins étrangers entrés subrepticement dans le pays.
J’avoue que Delon, même si je reconnais ses nombreux mérites, ne fait pas partie de mes acteurs préférés, qui seraient Marlon Brando, Paul Newman et Dustin Hoffman. Cela a peut-être à voir avec le fait qu’une fille m’a un jour inclus parmi les Alain Delaos, c’est-à-dire les laids, « les mataos », qui m’ont donné la bravoure. Mais je ne peux pas nier que les films de Delon, que j’ai vus à l’Alameda ou dans l’un des autres théâtres de La Víbora, où j’habitais à l’époque, sont liés à de nombreux bons souvenirs de mon adolescence.
Source : CubaNet
Lien : https://www.cubanet.org/alain-delon-no-tuvo-competencia-en-cuba/
* Luis Cino Álvarez (La Habana, 1956). Il a travaillé comme professeur d’anglais, dans la construction et l’agriculture. Il a commencé à travailler dans la presse indépendante en 1998. Entre 2002 et le printemps 2003, il a fait partie du comité de rédaction de la revue De Cuba. Il était directeur adjoint de Primavera Digital. Contributeur régulier à CubaNet depuis 2003. Il réside à Arroyo Naranjo. Il rêve de pouvoir se consacrer entièrement et librement à l’écriture de fiction. Il est passionné de bons livres, de mer, de jazz et de blues.