Musique. Avez-vous déjà vu Wyclef Jean chanter avec un orchestre de chambre ?

Wyclef Jean avait donné rendez-vous le 10 décembre 2022 au Adrienne Arsht Center for the Performing Arts de Miami, plus grand complexe de salles de spectacle des USA après le Lincoln Center de New York. Pour y arriver, il fallait longer le Miami Arena nouveau nom de l’ancien FTX Arena. La maison des Heat de Miami, temple du basketball a été débaptisé depuis la faillite de roi des cryto-monnaies. Ignorer le Ziff Ballet Opera House et le Perez Art Museum, laisser Biscayne boulevard et entrer dans la superbe salle de concert.

Sur la scène, le décor est planté. Une majestueuse harpe à gauche, des timbales à droite, au centre, violons et autres instruments à cordes et des cuivres. Wyclef Jean est l’invité du Nu Deco Ensemble, un orchestre de chambre, pour son deuxième concert de la saison des fêtes.

Mais qu’est-ce que Wyclef faisait là, se demandent ceux qui était venus seulement pour voir l’ancien des Fugees ?

Les curieux ont eu pour leurs oreilles et pour leurs yeux. Devant un public âgé de plus de cinquante ans, majoritairement blanc, visiblement aisé, plus habitué aux symphonies de Mozart et de Chopin qu’aux vocalises des rappeurs, l’artiste qui porte toujours Haïti sur scène a fait le show. Et quel SHOW ! En fait, Wyclef Jean n’avait qu’à faire ce pour quoi il est doué : chanter et être à la hauteur de sa renommée, de sa carrière. Chanter et marquer les esprits. Chanter sans oublier Haïti. Son pays.

Mais ce Wyclef-là, on le verra dans la deuxième partie du concert. Concentrons-nous sur le concert classique.

8 heures p.m., la salle est belle. Les murmures et les téléphones s’éteignent. La première partie du show commence avec le « Nu Deco Ensemble ». C’est le plat d’entrée. Le public plonge dans la dégustation de pièces du répertoire de la musique classique avec des interprétations les unes plus bien réussies que les autres : « Chanukah 5776 » de Sam Hyken, « Rhapsody in blue » de George Gershwin et « Out of the silence » de William Grant Still. Et surprise, pour les 40 ans de la sortie de l’album le plus vendu au monde, la musique classique rencontre Thriller de Michael Jackson. Le tempo monte et met fin à la première partie.

Après une courte pause, la deuxième partie commence avec l’annonce du plat de résistance. Le « special guest » du « Nu Deco Ensemble » pour lequel le maestro de l’orchestre avait fait le voyage jusque dans le New Jersey pour la préparation du concert chez Wyclef Jean.

« On a été chez lui pour travailler sur ses chansons et il nous a fait manger pas mal de plats haïtiens », raconte le maestro de ce groupe de musiciens, dans le « No woman no cry »,

court récit qui introduit la star haïtienne, avant que celui-ci fait son entrée sur le podium, sous les applaudissements du public.

Avec entrain, l’interprète de « Voodoo Drill » entre en lice, chic dans un costume scintillant. Pas trop de palabres sinon quelques pas de danse pour montrer sa joie d’être présent ce soir, puis, guidé par l’orchestre, Wyclef s’attaque à son premier morceau.

Pour mettre le public dans sa poche, le natif de la Croix-des-Bouquets pique d’abord un titre intemporel dans le répertoire de Bob Marley : « No woman no cry ». L’orchestre apporte un plus à cette chanson reggae sur lequel le public ne se fait pas prier pour joindre Wyclef.

« No, no woman

No woman, no cry

Oh my little sister, don’t shed no tears

No woman, no cry… Everything ‘s gonna be alright

Everything ‘s gonna be alright

Everything ‘s gonna be alright

Everything ‘s gonna be alright »,

chantent dans la salle tous ceux qui n’ont pas oublié leur jeunesse.

Wyclef pioche aussi dans le répertoire de son ancien groupe à succès « Fugees » pour mettre la soirée à crescendo avec « Ready or not ». « Je sais qu’aucun fan de Fugees ne resterait assis », lance-t-il pour pousser gentiment le public à se lever.

Chose dite chose faite. Tout le monde est déjà debout. Ça cadence et ça chante. Et pour Wyclef un premier bain de foule s’impose.

« Ready or not, here I come, you can’t hide

Gonna find you and take it slowly

Ready or not (uh-huh), here I come, you can’t hide

Gonna find you and make you want me (yo) »,

entonne toute la salle.

Le concert se déroule sans une pause. Les morceaux se suivent en mettant en vedette l’artiste invité et l’orchestre. Le tout pour des spectateurs visiblement conquis à chaque fois et qui montrent leur appréciation par des salves d’applaudissement ou des standing ovations.

Pas de Wyclef Jean sur scène sans sa guitare. Pour l’interprétation de « Gone till november », la superstar s’empare de son instrument fétiche et se joint aux musiciens de l’orchestre. Tantôt avec sa guitare posée sur son épaule, il tourne le dos au public et fais le show. Il est à ce moment précis comme un poisson dans l’eau. Il prend le temps de conter un peu de son expérience avec des jeunes pour qui il avait, avant le concert, réalisé des séances de formation.

« J’ai raconté à tous ces jeunes mon parcours. Comment prendre le temps d’aller à l’école et qu’apprendre à faire de la musique était aussi important. Je leur ai raconté comment plus jeune, mon professeur de musique m’a sauvé en m’ayant permis de vivre ma passion », dit-il.

Tout de suite après, l’ancien coéquipier de Lauryn Hill enchaine avec « Yele ». Wyclef se départit de sa guitare, les yeux fermés il lance avec toutes ses tripes :

« Yele, yele, yele

Kriye, Kriye, kriye

Pèp la ape mande

Kilè sa pral chanje

Yele, yele, yele

Kriye, Kriye, kriye

Pèp la ape mande

Kilè sa pral chanje

Si ou gen zorèy, tande
Si ou gen bouch, pale

Si e pa sa, peyi nou li pral koule

tankou yon bato ki plen refijye
Si nou pa chèche Bondye ankò »,

chante-t-il avec émotion.

Des larmes coulent sur son visage. Il les essuie avec ses deux mains. Wyclef prend le temps d’expliquer le poids de ses paroles en relation avec tout ce qui passe en Haïti.

Il y a plus d’une décennie, l’artiste aux trois Grammy Awards réclamait cette prise de conscience de ses compatriotes haïtiens parce que l’avenir s’annonçait désespérant. Aujourd’hui encore, cette chanson fait de lui un prophète. Pris en tenailles entre l’insécurité, les cas répétitifs d’enlèvements et la misère, Haïti connait en 2022 une crise multidimensionnelle à nulle autre pareille.

« Sweatest Girl », « Maria Maria » et « Hips don’t lie », sont les derniers morceaux du show de Wyclef qui a su montrer toute sa polyvalence et prouver, s’il en était encore besoin, qu’il était bien un artiste accompli. Un artiste à la hauteur de sa légende.

Ce concert de luxe a mis des étoiles dans les yeux et un délicieux bourdonnement dans les oreilles de tous ceux qui ont eu la chance d’y assister. Wyclef est parfait pour un concert extraordinaire au Carnegie Hall (2001), la finale de la Coupe du monde au stade olympique de Berlin (2006), la cérémonie de remise des Prix Nobel à Stockholm (2009) ou un jam avec n’importe quel musicien ou orchestre au monde.

Source : Le Nouvelliste

Lien : https://lenouvelliste.com/article/239533/avez-vous-deja-vu-wyclef-supporte-par-un-orchestre-de-chambre

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