Michel N. Christophe, la CIA… et puis la Guadeloupe

Chef de programme pour le développement en leadership à la CIA, l’une des agences de renseignement les plus connues, le Guadeloupéen Michel N. Christophe est de retour au pays natal.

Après 27 années aux Etats-Unis, dont 17 consacrées à sa carrière à la CIA, Michel N’youngou Christophe a rassemblé sa vie américaine dans un container à destination de Basse-Terre, Guadeloupe, en avril 2020.

Son allure imposante se démarque dans ce café de Baie-Mahault en ce matin pluvieux. Vêtu d’un costume bleu marine, armé de plusieurs romans, Michel N. Christophe inspire la curiosité, comme si l’on pouvait déceler sans le connaître l’incroyable aventure qu’a pu être sa vie.

Né à Basse-Terre, d’un père camerounais et d’une mère guadeloupéenne, Michel N. Christophe fait l’aller-retour entre l’Hexagone et l’île d’origine de sa mère jusqu’à ses 18 ans. Etudiant à Baimbridge (Les Abymes), il se remémore une adolescence difficile due à une quête d’identité permanente, tenaillé entre ses deux cultures. N’ayant jamais connu son père, ni son héritage camerounais, Michel N. Christophe se lance à sa recherche au fil des années tout en étudiant en parallèle à Créteil, puis à la Sorbonne et en Angleterre.

Recruté par la CIA

Pour terminer un doctorat à 24 ans, Michel N. Christophe s’envole vers les Etats-Unis en 1992. Il enseigne le français dans une université privée, à Chestertown, dans le Maryland. Son besoin de reconnexion avec ses racines paternelles ne s’étiole pas malgré la distance. L’écriture devient une évidence quand il rencontre Maryse Condé, l’auteure guadeloupéenne, à l’University of Maryland College Park, où elle enseigne. « J’ai rencontré Maryse Condé quand j’étais petit. Plus tard, quand je l’ai retrouvée, je savais que je voulais travailler avec elle. Pendant une année, j’ai été son collègue et j’ai aussi assisté à ses cours, explique Michel N. Christophe. J’écrivais déjà, mais elle m’a encouragé à continuer à écrire et m’a donné des conseils pour mon premier livre. »

Michel N. Christophe : « Les problèmes que connaît la Guadeloupe sont souvent liés à l’absence
de self-leadership, de gestion du personnel,
d’esprit d’initiative. » (Photos : Jessy Schuster)

Une nouvelle étape dans sa vie marquée par un tournant historique aux Etats-Unis : les attentats de New-York, le 11 septembre 2001. Michel N. Christophe décide de quitter le monde universitaire et commence une nouvelle carrière au sein du gouvernement américain. Il est recruté par la CIA en 2003 en tant que chef de programme pour le développement du leadership.

Un réseau puissant

Les 17 années suivantes, Michel N. Christophe se consacre à l’apprentissage et l’expertise du leadership transformationnel qu’il enseigne dans différentes agences gouvernementales américaines telles que le FBI, ou le National Reconnaissance Office. « Notre instrument de travail principal, c’est le cerveau : nous devons utiliser la créativité des collaborateurs et les motiver en leur donnant plus d’autonomie et de responsabilité », explique Michel N. Christophe.

Au cours de ses nombreux déplacements professionnels en Haïti, Guinée, France hexagonale, Suisse…, Michel N. Christophe établit un réseau où son expertise ne laisse pas indifférent. Après plusieurs années, ponctuées de promotions et de multiples interventions internationales, Michel N. Christophe se prend à rêver d’entrepreneuriat et d’indépendance. Suit une profonde remise en question et l’idée de quitter les Etats-Unis pour rentrer en Guadeloupe s’esquisse petit à petit. « Je me suis rendu compte que je passais mes journées à aider les autres à atteindre la réalisation de soi, mais je ne l’appliquais pas dans ma vie. Quand je venais en vacances en Guadeloupe, ma famille m’emmenait à la rivière ou la plage, et nous passions du temps ensemble. Ici, les gens se reposent le week-end. Aux Etats-Unis, je ne connaissais pas cela : nous avons 15 jours de vacances par an. Là-bas, nous travaillons en moyenne 60 heures par semaine. »

Retour au pays

La carrière de Michel N. Christophe le confronte également à la réalité sociale américaine. Le racisme et les injustices sociales quotidiennes côtoient la soif de pouvoir et la consommation à outrance. « J’ai appris ce qu’était l’Amérique profonde et tous ses problèmes, explique-t-il. Je ne voulais plus y rester, même si, en Amérique, chacun peut avoir sa chance, s’il a les diplômes et les compétences nécessaires. »

La décision de quitter le territoire américain fut une évidence pour Michel N. Christophe. Il pose sa démission en janvier 2020 et déménage en Guadeloupe en avril, en pleine crise sanitaire. « J’ai mis 22 heures pour arriver en Guadeloupe. Deux jours de voyage, mais ça en valait la peine ! »

Motivé dès son arrivée par ses années d’expérience et la possibilité de mettre son expertise au service des professionnels, entreprises et particuliers en Guadeloupe, Michel N. Christophe crée une filiale française de sa compagnie américaine. ProficiencyPlus veut aider chacun à « atteindre ses objectifs et connaître le succès. » Spécialisé dans le coaching des managers, collaborateurs et chefs d’entreprise, Michel N. Christophe anime gratuitement des discussions en anglais, à Baie-Mahault. « Comme aux Etats-Unis, je veux aider les gens à envisager une voie claire qui leur permettra d’accomplir des actions pour leur famille, leur carrière, pour eux, pour leur pays. »

Jessy Schuster

Quête identitaire

Le déclic littéraire a été une forme de thérapie pour Michel N. Christophe. Il raconte, à travers plusieurs de ses romans, son histoire personnelle et sa quête d’identité. « J’écrivais et je laissais les manuscrits dans un tiroir », confie-t-il. En 2016, il publie six de ses romans. L’un d’eux, Au Royaume de mon père, relate son voyage au Cameroun à la recherche de son père. Il le retrouve suite à un avis de décès sur Internet en 2001. Ce père tant recherché décède malheureusement une semaine avant que Michel N. Christophe ne parvienne à retrouver sa trace.

Facebook
Twitter
LinkedIn
WhatsApp
Email

Actualité

Politique

Economie

CULTURE

LES BONS PLANS​