Médecine. Le Dr Patrick Portecop dénonce la mort à terme du SAMU

« Le projet de loi adopté par le Sénat impose un numéro appel unique pour toutes les urgences alors que la demande des urgentistes est de disposer d’un numéro santé 113 dédié aux demandes médicales et d’un numéro secours 112 dédié aux secours incendie voir sécurité. »

« Le Sénat a adopté en première lecture, le 23 septembre, une proposition de loi du député Matras qui vient mettre en danger le système de régulation médicale qui fait la fierté des SAMU en France que de plus en plus de pays nous envient », dénonce dans un courrier circulaire le Dr Patrick Portecop, médecin urgentiste, directeur du SAMU de Guadeloupe.

Le Sénat, explique-t-il, « vient de supprimer la possibilité de généraliser le dispositif de Service d’Accès aux Soins (SAS) issue du Pacte de refondation des urgences de 2019 visant à l’amélioration de la réponse à la demande de soins des usagers au profit d’une expérimentation visant l’instauration d’un numéro unique et de plateformes communes de régulation. »

Le SAS a été, dit-il, « réaffirmé comme dispositif prioritaire dans les conclusions du Ségur de la Santé en 2020. « En structurant l’aide médicale d’urgence et les soins de ville non programmés, le « SAS » permettra à la fois d’améliorer le parcours du patient et de contribuer au désengorgement des services d’urgences » disait le Premier ministre Jean Castex dans son discours de politique générale. Alors que les expérimentations sont en cours avant la généralisation en 2022, le projet de loi adopté par le Sénat impose un numéro appel unique pour toutes les urgences alors que la demande des urgentistes est de disposer d’un numéro santé 113 dédié aux demandes médicales et d’un numéro secours 112 dédié aux secours incendie voir sécurité. »

La régulation médicale mise à mal

Le Dr Patrick Portecop poursuit sa démonstration: « En supprimant la possibilité de généraliser le SAS, c’est la remise en question de tout le système de la régulation médicale conçue pour déclencher la réponse la plus pertinente vers le demandeur et l’orientation à bon escient en lien avec les médecins libéraux dans le parcours de soins adapté et au type d’urgence. Comme nous l’observons déjà dans les pays n’ayant pas fait le choix, une sortie d’ambulance se traduit par l’adressage aux urgences dans 50% des cas à mauvais escient. »

Une absence de concertation étonnante

« Les conférences des Présidents d’universités, des Présidents de Commissions médicales d’établissements de CH, CHU s’inquiètent de l’absence de concertation sur la nouvelle définition de terrain de stages dans des services d’urgence qui serait fortement préjudiciable à la réponse aux besoins médicaux d’urgence, entrainerait une surcharge opérationnelle des pompiers et induirait des transports inadaptés aux urgences », révèle le praticien.

« La vision simpliste
d’un numéro unique représente
une évidente perte de chances. »

DR PATRICK PORTECOP

Il précise : « La disparition de la régulation médicale vient fragiliser une spécialité médicale la médecine d’urgence et l’ensemble de ses collaborateurs (médecins, ARM) qui viennent de montrer leur savoir-faire dans la gestion de la crise sanitaire. Les pionniers de la spécialité ont conçu la déclinaison préhospitalière pour proposer des progrès sur les prises en charges coordonnées de filières de soins dont les résultats bénéfiques ne sont plus à démontrer (AVC, asthme, infarctus du myocarde, traumatisé grave…).

L’intérêt des Français n’est pas de résumer la réponse aux urgences médicales à la disponibilité d’équipes de secouristes mais de garantir aux usagers une analyse de la demande par un spécialiste astreint au respect du secret médical. »

Sa conclusion est directe : « La vision simpliste d’un numéro unique représente une évidente perte de chances. Le concept d’un numéro unique relève d’une vision archaïque de la question du secours à personne et de l’aide médicale urgente et est totalement incompatible avec une vraie modernisation du système d’accès aux soins souhaitée de tous.

Tout doit être fait pour imposer une réécriture de ce projet de loi pertinent pour la consolidation du modèle de sécurité civile mais qui n’a pas vocation à rediscuter les prérogatives de la médecine d’urgence. »

La lettre aux députés du Docteur François Braun, président de Samu-Urgences de France :

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