« C’est une fille de la campagne… » En une phrase, Prévert Mayengo, qui sera sur sa liste, a résumé la personnalité profonde de Maxette Pirbakas devant un auditoire d’une cinquantaine de personnes, protocole sanitaire oblige. C’était justement dans la campagne normalienne, à Béguette, dans les mornes. An Ranch la, le nom du lieu. Une carcasse d’avion de tourisme, on devine des vaches pas loin (il y a du crottin partout), des manguiers, un van oublié mais pas de cheval visible. Il fait bon, l’air est pur.
Beau coup de filet !
Ses collègues de Bruxelles, où Maxette Pirbakas siège au Parlement européen dans le groupe de Marine Le Pen, ne reconnaîtraient pas la députée européenne, juchée sur ses talons hauts, pantalon slim, petite veste assortie, chemisier ouvert, cheveux lâchés, les yeux révolver, le sourire très large. Là, elle est chez elle, souriante et charmante, un peu sur ses gardes (avec les médias qui ne l’épargnent pas puisque « c’est la copine de Marine ») et en même temps à l’aise, entourée de ses amis et de ses colistiers réels ou présumés. Les uns étant aussi les autres.
On voit des têtes connues, dont la plus étonnante est celle de Germain Paran. Germain Paran est le président du Comité de défense des usagers de l’eau. Beau coup de filet, serait-on tenté de dire. Et puis il y a des grands témoins qui disent, avec des envolées de mains, qu’ils souffrent, que la Guadeloupe souffre et que Maxette Pirbakas est la solution. « La » en capitales !
« Je ne vais pas là
où ce n’est pas bon »
Les témoignages sont intéressants. Jean-Marie Latchman, qui est entrepreneur du BTP (petit entrepreneur, il le rappelle), va dire : « Il faut changer la classe politique qui a pris de mauvaises habitudes. » Le ton est donné qui sera celui de tous les intervenants : Maxette Pirbakas et son équipe vont nettoyer la Guadeloupe, faire revenir le sourire sur les visages.
Chantal Duverseau, femme et marin-pêcheur a un discours intéressant : elle explique longuement comment l’administration s’est débarrassée de toute la paperasse dont elle s’occupait auparavant pour des marins-pêcheurs pas très à l’aise avec les formulaires administratifs. « Ils ont décidé que nous étions, dit-elle, des chefs d’entreprises. Il faut voir tous les papiers qu’il faut remplir. Et si vous n’avez pas un papier, pas d’aides des collectivités ni de l’Etat ni de l’Europe puisque votre dossier ne sera pas complet. »
Marcienne Annicette est demandée au micro. « J’avais tout mis dans un tiroir avec cette politique », dit-elle avec ses mots. En fait, la dame est bien connue au Moule et ailleurs. Vice-présidente de la Fédération de quadrille, collectionneuse d’objets (de tout), passionnée de culture (musique, danse, soirées lèwòz), elle a fait de la politique un temps, candidate au moule dans un canton. « Je ne vais pas là où c’est pas bon ! » Formule bien à elle mais qui veut tout dire. « J’ai choisi Maxette ! »
Nicolas Pajamandy est un jeune homme, agriculteur et transporteur. « Il y a de la place pour les jeunes en Guadeloupe. » Il a raison, c’est dommage de partir quand on a une grande famille. Le transport, c’est aussi une affaire de famille. Nicolas Pajamandy regrette que l’on ne fasse pas pus d’efforts pour le transport interurbain. Il a raison, c’est du n’importe quoi !
Germain Paran, c’est du lourd : l’homme a du charisme, il connaît son dossier. Il rappelle les factures, les huissiers au petit matin, les misérables qu’on traque alors qu’on leur fait payer l’eau qui n’a jamais coulé de leurs robinets.
« Quand j’serai présidente »
Maxette Pirbakas parle, parle. Elle ne dit pas qu’elle va raser gratis — sinon, elle perd la moitié de son électorat et l’on sait que les femmes votent plus que les hommes — mais elle pose en revue les problèmes et martelle sa volonté de les résoudre, avec son équipe, quand elle sera présidente. Quand j’serai présidente la la la la la…
Le discours mérite d’être peaufiné mais les idées sont là, une évidente bonne volonté aussi. Fort de son magnifique score local aux Européennes (elle a enfoncé toutes les autres formations politiques), elle peut y aller et voir ce qu’il se passe. Une phrase résume sa pensée : « Je suis pour le localisme et contre la mondialisation. » Et pour cette campagne, elle n’a pas d’étiquette lepeniste. « Je suis Guadeloupéenne ! Mon étiquette politique, c’est la Guadeloupe. »
Une recette : produire, certes mais plus important : transformer. Vivre et produire, consommer au pays. Se ressourcer. Beau programme.
On va voir à l’usage (il reste six semaines, c’est court) si Maxette est une sprinteuse ou une marathonienne.
André-Jean VIDAL