L’économie martiniquaise est en berne. Ce qu’il ressort d’une étude de conjoncture de l’IEDOM pour le quatrième trimestre 2024.
- L’indicateur du climat des affaires (ICA) s’établit à 95,6, un niveau en deçà de sa moyenne de longue période (100), reflétant un contexte économique fragilisé.
- Le ralentissement de l’économie et les conséquences du mouvement social se reflètent dans le niveau d’activité des entreprises, de nouveau en baisse au dernier trimestre.
- La consommation des ménages, partiellement contrainte en raison du mouvement social, fléchit, et le marché du travail montre des signes de ralentissement.
- 55 % des entreprises interrogées estiment que les évènements survenus en marge du mouvement contre la « vie chère » modifient, au moins partiellement, leur stratégie de développement à court / moyen terme.
Le ralentissement de l’économie, qui était en cours depuis le début de l’année, s’est confirmé et même accentué au second semestre. L’ICA perd 8,5 points sur l’année. Les perturbations liées au mouvement social de lutte contre la vie chère ont amplifié une tendance déjà installée. Les prévisions des chefs d’entreprise pour le début d’année 2025 sont défavorables, mais pas davantage que le trimestre précédent, ce qui laisse augurer que le point bas pourrait être atteint.
Selon les chefs d’entreprise interrogés, le niveau d’activité, en recul depuis le début d’année, affiche une baisse plus marquée ce trimestre. La consommation des ménages, partiellement contrainte en raison du mouvement social, fléchit, et le marché du travail montre des signes de ralentissement, avec une hausse du nombre de demandeurs d’emploi.
Pour autant, le nombre de défaillances d’entreprises ne matérialise pas, pour l’heure, la dégradation de la conjoncture.
L’indicateur du climat des affaires reflète
un contexte économique dégradé
Au 4e trimestre 2024, l’ICA est stable par rapport au troisième trimestre à 95,6 points, mais recule de 8,5 points sur l’année. Il continue d’évoluer sensiblement en dessous de sa moyenne de longue période (100), signalant une conjoncture économique dégradée.
Les chefs d’entreprise ont notamment déclaré une nouvelle baisse de l’activité ce trimestre.
Ces difficultés se reflètent également sur la trésorerie des entreprises avec une dégradation des délais de paiement et des charges d’exploitation.
Les soldes d’opinion sur les effectifs sont globalement stabilisés et n’ont pas d’impact significatif sur l’ICA ce trimestre.
Les prévisions d’investissement contribuent à la stabilisation de l’ICA.
S’agissant des prix, le solde d’opinion se stabilise pour le deuxième trimestre consécutif. Cela tend à confirmer le ralentissement de la hausse des prix observé depuis plusieurs trimestres.
L’activité des entreprises se détériore
Le ralentissement de l’économie et les conséquences du mouvement social se reflètent dans le niveau d’activité des entreprises, en baisse depuis le début d’année. Selon les chefs d’entreprise, cette baisse s’est accentuée au troisième trimestre et de nouveau au dernier trimestre.
Le solde d’opinion relatif à l’activité passée est à son niveau le plus bas depuis la crise sanitaire. Les prévisions pour 2025 restent dégradées.
Le repli de l’inflation se poursuit
L’inflation poursuit son repli avec un indice des prix qui progresse de 0,4 % entre fin septembre et fin décembre
Les prix de l’alimentation sont en hausse de 0,3 % et les services de 1,6 %, alors que les prix de l’énergie et des produits manufacturés sont en baisse respectivement de 1,3 % et de 0,5 %.
En glissement annuel, les prix à la consommation augmentent de 1,8 % en décembre (+1,3 % pour la France entière), contre 2,4 % à fin septembre. Les prix progressent de 2,1 % pour l’alimentation, de 0,9 % pour les produits manufacturés, de 2,3 % pour l’énergie, et de 2,3 % également pour les services.
Le marché de l’emploi montre
des signes de fragilisation
Au quatrième trimestre, le nombre de demandeurs d’emploi (A, B, C) progresse de 1,0 % (CVS) par rapport au trimestre précédent. Il ressort à 42 140 (CVS). Cette hausse concerne principalement les femmes (+1,2 %, CVS) et les moins de 25 ans (+3,8 %, CVS).
Le solde d’opinion sur l’emploi extrait de l’enquête s’est stabilisé en fin d’année après une forte baisse début 2024. Au troisième trimestre 2024, les effectifs salariés étaient stables par rapport au deuxième trimestre.
La consommation des ménages ralentit
Au quatrième trimestre 2024, les conséquences de la mobilisation contre la vie chère (couvre-feux, difficultés de circulation) pèsent sur la consommation des ménages.
Les recettes de TVA et les recettes d’octroi de mer sont en baisse sur le trimestre (-2,6 % et -2,0 %, CVS, respectivement) et sur un an (-3,9 % et -2,1 %, respectivement).
Le solde d’opinion sur le niveau d’activité dans le secteur du commerce continue de se dégrader au quatrième trimestre, et ce malgré les fêtes de fin d’année.
En revanche, les importations de biens de consommation durables et non durables sont en légère progression sur le trimestre (+0,5 %, CVS, et +0,9 %, CVS, respectivement) et les ventes de véhicules aux particuliers progressent légèrement (+0,4 %, CVS).
Les indicateurs de vulnérabilité des ménages ne semblent pas évoluer défavorablement ce trimestre. Le nombre de dossiers déposés à la commission de surendettement est en baisse ce trimestre (-7,4 %), mais est en hausse tendancielle depuis le début de l’année (+13,0 %). Les incidents sur chèques (-4,8 %), le nombre de personnes physiques en interdiction bancaire (-4,0 %), et les incidents de paiements (-0,6 % mais en hausse de 3,6 % sur un an) sont en baisse. En revanche, les retraits de carte bancaire (+1,0 %) sont en légère hausse.
La dynamique d’investissement se maintient
Plus de la moitié (61 %) des entreprises prévoient d’investir dans les douze prochains mois selon l’enquête de conjoncture, avec de fortes disparités selon les secteurs. Les prévisions d’investissement sont bien orientées dans les secteurs agricole et des industries
agroalimentaires, des autres industries, et de l’hôtellerie/tourisme. Elles sont en revanche moins bien orientées dans les secteurs du BTP et du commerce.
Les immatriculations de véhicules utilitaires sont en forte baisse (-53,3 %, CVS, sur le trimestre, et -61,3 % sur un
an). Les importations de biens d’investissement sont en hausse de 3,8 %, CVS, sur le trimestre.
10 % des chefs d’entreprise interrogés craignent une défaillance de leur entreprise dans les douze prochains mois, contre 8 % un an auparavant.
Hors produits pétroliers, le déficit commercial se creuse
Au quatrième trimestre, les importations hors produits pétroliers progressent de 1,9 % (CVS). Cela s’explique par la hausse des importations de matériels de transport (+2,8 %, CVS), des autres produits industriels (+1,1 %, CVS) et des produits agroalimentaires (+1,8 %, CVS).
Les exportations hors produits pétroliers sont en recul de 4,7 % (CVS), en raison notamment de la baisse des exportations de produits agricoles (-5,1 %, CVS) et de produits agroalimentaires (-1,3 %, CVS). Les exportations de rhum (-0,6 %, CVS) et de bananes
(-4,8 %, CVS) sont en baisse. En conséquence, le déficit commercial hors produits pétroliers se creuse (+2,5 %, CVS).
Les exportations de produits pétroliers progressent de 15,7 % (CVS) et les importations de produits pétroliers de 30,9 % (CVS). Le solde, déjà négatif, se creuse de 36,9 % (CVS). Par rapport au troisième trimestre, le prix moyen du baril de Brent est en baisse (74,6 $, soit -6,6 %).
De fait, le déficit commercial se creuse de 7,0 % (CVS) par rapport au 3e trimestre 2024. Les exportations totales sont en hausse de 4,2 % (CVS) et les importations totales progressent de 7,4 % (CVS).
En 2024, le déficit commercial de la Martinique se maintient à 2,9 milliards d’euros. Sur l’année, la baisse des exportations compense la baisse des importations.
Comment se portent les filières économiques ?
Dans le secteur agricole et des industries agroalimentaires, l’activité fléchit encore au 4e trimestre, après plusieurs trimestres de baisse. Le volume total d’abattage (-2,5 %, CVS), les exportations de produits agricoles (-5,1 %, CVS) et les exportations de produits agroalimentaires (-1,3 %, CVS) sont en baisse.
Les charges d’exploitation ainsi que les soldes d’opinion sur la liquidité des entreprises (trésorerie, délais de paiement) du secteur se dégradent. Le solde d’opinion sur les effectifs est mal orienté, mais la tendance pourrait s’améliorer au premier trimestre 2025. Les prévisions d’investissement sont en revanche bien orientées.
La baisse d’activité est également marquée dans le secteur du BTP, et les prévisions pour le début d’année 2025 sont assez pessimistes. En cumul sur 12 mois, le nombre de logements autorisés ressort à 2 100 en décembre 2024, contre 2 200 en décembre 2023, soit une baisse de 4,5 %, et le nombre de logements commencés à 1 400 en décembre 2024, contre 2 000 en décembre 2023, soit une baisse de 30 %.
Les ventes de ciment reculent de 2,5 % (CVS) par rapport au troisième trimestre. Les charges d’exploitation et les trésoreries, qui avaient connu une timide amélioration le trimestre précédent, se dégradent de nouveau ce trimestre, et le solde d’opinion sur les délais de paiement demeure négatif. Les soldes d’opinion sur les effectifs et sur les intentions d’investir sont également orientés à la baisse.
Concernant les autres industries, les chefs d’entreprise attestent aussi d’une baisse activité et de perspectives moroses pour le début d’année 2025. Les charges d’exploitation et les trésoreries se dégradent encore légèrement ce trimestre, mais moins que les trimestres précédents. Les effectifs se sont resserrés en fin d’année et la tendance pourrait se poursuivre en début d’année prochaine.
Les entreprises du commerce font état d’une forte baisse d’activité en fin d’année, après déjà plusieurs trimestres défavorables. Les soldes d’opinion sont en net recul, reflet d’un dernier trimestre difficile pour les entreprises du secteur. Le niveau des trésoreries se dégrade fortement, tout comme celui des charges d’exploitation, et le solde d’opinion sur les délais de paiement est également mal orienté. Les effectifs sont stables, mais les prévisions sont défavorables. La dynamique d’investissement est atone.
Le secteur des services aux entreprises est également concerné par une baisse d’activité en fin d’année. Les charges d’exploitation et les trésoreries se dégradent. En revanche, les effectifs seraient en progression et les entreprises prévoiraient d’investir dans les douze prochains mois. Après le fléchissement observé les trimestres précédents, les prévisions d’investissement sont de nouveau bien orientées.
Enfin, dans le secteur du tourisme, l’activité est stable en fin d’année et les chefs d’entreprise du secteur semblent optimistes pour le début d’année 2025. Le nombre de nuitées hôtelières est en hausse de 6 % (CVS) et le nombre de passagers à l’aéroport de 1,3 % (CVS).
La majorité des soldes d’opinion évoluent favorablement (charges d’exploitation, trésoreries, délais de paiement).
Toutefois, les effectifs se seraient resserrés en fin d’année. Les prévisions d’investissement des entreprises du secteur sont bien orientées. Le bilan de l’année 2024 est mitigé dans l’ensemble pour le secteur du tourisme.
Bien que le nombre de passagers à l’aéroport soit en hausse de 1,7 % par rapport à 2023, le nombre de nuitées est en baisse de 2,7 % sur l’année.
Source IEDOM