Licenciée, une directrice de banque témoigne

Nommée en octobre 2019 à la tête d’un établissement bancaire en Guadeloupe, Patricia a été licenciée fin février 2021. Par la voix de son avocate, elle a entamé une procédure judiciaire contre son ancien employeur pour « harcèlement moral et pressions managériales ».

Le parcours de Patricia avec son ex-employeur n’est pas banal. Ancienne directrice d’une banque de l’Hexagone, à la tête d’une des agences les plus importantes du Nord de la France, et désireuse de mettre ses compétences et son professionnalisme au service des clients de Guadeloupe, Patricia n’a pas hésité à s’investir pleinement pour atteindre ses objectifs. Une implication personnelle qui l’a encouragée à entreprendre une formation, validée par un jury, à l’école des directeurs de l’établissement bancaire, avant d’embrasser ses nouvelles fonctions en Guadeloupe, loin de sa famille, restée dans l’Hexagone. Mais, qu’à cela ne tienne, Patricia est motivée par ce nouveau challenge. « Dans le milieu bancaire, on met souvent en avant la relation client, la satisfaction du client : il ne faudrait pas que cela reste que des mots ! Quand il faut acheter une voiture, on peut aider tout le monde, constate Patricia. Mais, quand il s’agit de quelque chose de concret, comme une maison, c’est tout de suite plus compliqué. Quand je suis arrivée, les clients s’en plaignaient déjà. »

« Une situation assez lourde… »

L’agence dont on lui confie la responsabilité est loin d’être une sinécure. Elle affiche des antécédents dont le Conseil d’administration de l’agence s’était saisi, suite à un rapport de la Fédération Antilles-Guyane de l’établissement bancaire qui donne à réfléchir. Le constat aurait pu faire renoncer plus d’un. Quand on sait que la précédente directrice a été en burn-out, ce qui n’a pas empêché sa hiérarchie de la sanctionner. « J’ai hérité d’une situation assez lourde avec des collaborateurs compliqués, dont l’une était victime de harcèlement moral de la part de certains de ses collègues… » Mais, volontaire, Patricia se met au travail. Nommée en octobre 2019, elle reconnaît que les quatre premiers mois se sont déroulés « normalement », compte tenu du contexte. « Le Covid est venu compliquer les choses : on s’est retrouvés à deux au lieu de sept pour faire fonctionner l’agence, raconte Patricia. Je me demande, encore aujourd’hui, comment j’ai pu tenir ce rythme, répondant au mieux aux nombreuses demandes de Prêt garanti par l’Etat. »

« Ce dossier était une vraie usine à gaz »

En juillet 2020, la nomination d’un nouveau directeur Antilles-Guyane, arrivé de métropole et basé en Martinique, va porter un coup à l’équilibre que Patricia tentait de maintenir entre ses obligations quotidiennes de directrice et les postes qu’elle cumulait. « Lors de notre premier échange au téléphone, il s’est montré compréhensif, compte tenu des antécédents de l’agence. Une fois sur place, lors d’une visite, son discours a été tout autre. » Un changement d’attitude qui ne sera que le début d’une relation conflictuelle avec son supérieur. Mais, Patricia encaisse. Jusqu’à un dossier concernant un prêt accordé à un client pour la construction de sa maison, avant l’arrivée de Patricia dans l’agence. Ce client avait un besoin urgent de fonds complémentaires. « Une vraie usine à gaz, commente Patricia. Il y a eu beaucoup de problèmes dans la construction et dans le montage initial du dossier, à tel point que le client s’est retrouvé à ne pas pouvoir finir la construction, alors qu’il était encore en location. Il demande une rallonge de 80 000 euros pour terminer sa maison. Je me rends sur place avec un expert immobilier. Sur son avis, je monte un dossier de financement sous forme de regroupement de prêt personnel de 56 000 euros, incluant le rachat de l’encours de prêt personnel de 18 000 euros. Je voulais que le client garde la même mensualité pour ne pas augmenter son endettement. Le dossier étant un peu tendu, je prends une hypothèque, sachant que, dans cette banque, ce n’est pas une obligation en deçà de 75 000 euros. J’envoie le dossier au comité de crédit, pour validation. »

Une demande de médiation restée sans réponse

En directrice « responsable et autonome », Patricia débloque les fonds fin novembre, en sachant que le client avait pu obtenu un rendez-vous chez le notaire pour signer la garantie. Une dizaine de jours plus tard, Patricia est interpellée par son directeur à ce sujet. « Je lui ai répondu que j’avais toute confiance dans ce client, et que sinon je n’avais pas ma place dans cette banque. Il m’a rappelé que c’était la raison du licenciement d’une précédente collaboratrice, alors que ces cas ne sont absolument pas comparables. »

Loin d’être terminé, l’épisode du prêt se poursuit avec une lettre, en date du 14 janvier 2021, d’entretien préalable pour sanction disciplinaire pouvant aller jusqu’au licenciement. « Je n’ai pas pensé un seul instant qu’il s’agissait de ce dossier : ce sont des choses que l’on fait couramment en métropole, raconte Patricia. Quand j’en ai parlé à d’autres collègues, ils sont tombés de leur chaise ! A ce moment, cumulant trois postes et les portefeuilles de clients, submergée par les tâches et sans renfort depuis des mois, sans renfort depuis des mois, j’ai même pensé que j’avais laissé passer quelque chose de répréhensible. »

Attérée, convaincue que son supérieur en fait une affaire personnelle, Patricia fait une demande de médiation qui reste sans réponse. Nommée en octobre 2019 en Guadeloupe, elle a été licenciée pour « faute grave », fin février 2021. Par la voix de son avocat, elle a entamé une procédure judiciaire contre son ancien employeur pour « harcèlement moral et pressions managériales ». « J’ai vraiment bossé dur pour cette boîte et j’étais contente du boulot que j’arrivais à faire malgré les circonstances. J’ai vraiment fait ce que je devais faire. C’est comme une mauvaise rencontre. On tombe sur la mauvaise personne et ça se passe mal. J’ai laissé ma famille en métropole, parce que j’avais envie de revenir en Guadeloupe pour accompagner au mieux les clients, et ça se passait super bien. Aujourd’hui, je m’interroge : j’ai suivi la même formation que les directeurs de banque de métropole. Pourquoi ce qui est permis là-bas, ne le serait pas ici ? »

Cécilia Larney

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