Les cercueils pourraient-ils manquer en Guadeloupe ?

Quand le système hospitalier sature sous la vague de contamination à la Covid-19, la morgue du CHU de Pointe-à-Pitre est submergée par une surmortalité brutale. Les pompes funèbres entrent en surchauffe. Et, les importateurs de cercueils frôlent la rupture.

Cette surmortalité liée à la Covid-19, ils ne l’ont pas vu venir. Les délais d’inhumation sont passés de 3 jours à 10 jours. Les cérémonies funéraires s’enchaînent, jusqu’à deux par jour – et souvent pour les membres d’une même famille – aussi bien dans les cathédrales, les églises que les chapelles. Le crématorium de Morne-à-L’Eau affiche jusqu’à 15 jours d’attente…

En ce début de semaine, le dépôt de Victor Ramlall, l’un des importateurs de cercueils en Guadeloupe et en Martinique, est bien vide. On n’y compte plus que quelques pièces – les dernières – en attente d’être livrées. « En général, je prévois mes commandes en fonction des 3 500 à 3 600 décès qu’on enregistre chaque année en Guadeloupe, hors pandémie, explique Victor Ramlall, gérant de Dom Tom funéraires. Mais, cette année, avec la pandémie, je crois qu’on n’est pas loin d’avoir atteint le nombre de décès annuels en 3 ou 4 mois. » Résultat : quand les derniers cercueils dont il dispose auront été livrés, il sera en rupture.

Système D

En effet, août est traditionnellement la période de « trêve » des fabricants de cercueils qui reprennent leurs activités la dernière semaine du mois. Ensuite, il faut compter le délai d’acheminement. Qu’ils viennent de France hexagonale, de Roumanie, d’Italie, de Chine, une fois fabriqués (il faut compter un mois), les cercueils sont livrés aux Antilles entre 13 et 16 jours plus tard. Aucun nouvel arrivage ne sera donc possible avant la mi-septembre. Comment faire en attendant ? Certaines sociétés de pompes funèbres se dépannent entre elles. Et, les plus astucieuses trouvent un plan B.

« Si ça dure, on prendra du contre-plaqué ! »

Thierry Roder, Concept funéraire.

Cette violente surmortalité en Guadeloupe surprend aussi Thierry Roder. Fils et petit-fils d’opérateurs funéraires, il a repris l’activité familiale avec sa sœur. Gérant de Concept funéraire, Thierry Roder est importateur de cercueils en Guadeloupe et en Martinique et gérant de sociétés de pompes funèbres dans plusieurs communes de l’archipel. « On ne s’attendait vraiment pas à cette vague de décès ! C’est la première fois qu’on vit une activité aussi intense dans le domaine funéraire en Guadeloupe. Je ne comprends vraiment pas ce qui nous arrive, lâche Thierry Roder. On sera bientôt en rupture de stock. On arrive à jongler, mais si cela doit durer, il n’y aura plus de cercueils en Guadeloupe. On sera obligé de prendre du contre-plaqué ! »

« Je ne comprends pas ce qui nous arrive »

Habituellement, le gérant se fait livrer tous les trois mois un stock de 195 cercueils. Sa prochaine commande de cercueils ne quittera la Hongrie que le 3 septembre. Ensuite, il faudra compter 20 jours de transport jusqu’en Guadeloupe. Faute d’avoir pu anticiper la vague de décès déplorés quotidiennement en Guadeloupe, il ne lui reste plus que 50 cercueils parmi les plus accessibles financièrement et une quarantaine de modèles « de luxe ». Pas de quoi fouetter un chat.

Elevé dans le funéraire, Thierry Roder cultive l’art de la débrouille. « Je ne peux pas me permettre d’être en rupture. En plus d’être grossiste, j’ai aussi une activité de pompes funèbres à Sainte-Anne, au Moule, à Marie-Galante et j’interviens avec des associés au Gosier et à Lamentin. On trouvera des solutions. »

Chef d’entreprise avisé, Thierry Roder possède un atout de poids. Convaincu qu’un jour, elle serait nécessaire, il a fait installer il y a quelques années, une « chambre catastrophe » pouvant stocker jusqu’à 30 corps. Un investissement qui trouve, avec la pandémie, sa pleine utilité. Pour ses structures de pompes funèbres, mais pas seulement…

Cécilia Larney

Le prix des cercueils augmente

Il faut désormais intégrer un nouveau paramètre, conséquence de la forte demande depuis plus d’un an, l’augmentation du prix des cercueils. « Mes fournisseurs habituels m’ont déjà indiqué que les prix vont augmenter de plus de 20 %, confie Victor Ramlall. Depuis le début de la pandémie, avec le nombre exceptionnel de décès et de cercueils à fabriquer, le volume de bois a diminué et la valeur a augmenté. Ce coût supplémentaire, je vais devoir le répercuter sur mes clients pour les prochaines livraisons de septembre. »

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