Le Sénat se penche sur la santé mentale des jeunes

De plus en plus de jeunes connaissent un état dépressif, certains allant jusqu’à attenter à leurs jours.

En séance publique ce mercredi 17 janvier, le Sénat examinera la proposition invitant le gouvernement à ériger la santé mentale des jeunes en grande cause nationale. La sénatrice Nathalie Delattre porte le dossier avec plusieurs de ses collègues.

Selon l’Observatoire de la vie étudiante, en 2021, près de 43 % des étudiants ont déclaré s’être retrouvés en situation de détresse psychologique contre 29 % l’année précédant la pandémie de Covid. Un rapport adopté en mars 2023 par le Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge (HCFEA), révèle des chiffres inquiétants sur la consommation médicamenteuse des enfants : près de 5 % d’entre eux ingèrent des psychotropes. Entre 2014 et 2021, la prescription a progressé de 49 % s’agissant des antipsychotiques, de 155 % pour les hypnotiques et sédatifs et de 63 % concernant les antidépresseurs. En 2023, malgré la disparition de la crise sanitaire, les indices psychiques restent élevés au sein de la tranche d’âge 11-17 ans.

Des causes multiples

Si les causes du mal-être sont propres à chaque individu et parfois complexes à établir, les études sur la santé mentale en recensent plusieurs communes à de nombreux jeunes. Sur le plan physiologique, la puberté est une période difficile pour les adolescents en ce qu’elle induit l’acceptation plus ou moins facile du changement corporel et l’appréciation rarement indifférente du regard des autres durant cette période de la vie.

L’isolement des étudiants coupés de leurs proches peut être anxiogène, en particulier en milieu urbain. A contrario, dans d’autres cas, l’entourage peut se révéler déstabilisant, par exemple lorsque les parents exercent une forte pression pour la réussite de leur enfant. Les violences morales, physiques ou sexuelles au sein de la famille, ou en dehors de celle-ci, sont également à l’origine de troubles psychiques.

Harcèlement et réseaux sociaux, un cocktail explosif

Dans l’exposé des motifs qui incitent à accorder une réelle importance à la santé mentale des jeunes, le Sénat relève que « le harcèlement scolaire a pris une tournure encore plus dramatique depuis son irruption sur les réseaux sociaux. Le harcèlement scolaire se distingue de la « simple violence traditionnelle » telle que les préaux et cours d’école ont pu la connaître de longue date ». En 2021, vingt enfants et adolescents victimes de harcèlement scolaire ont mis fin à leurs jours.

La violence visuelle, avec l’addiction aux écrans, s’ajoute aux maux les plus courants. Enfin, des événements conjoncturels tels que les crises géopolitiques peuvent inquiéter nos jeunes, sans oublier la pandémie qui a eu des conséquences très difficiles sur leur quotidien en raison des confinements successifs. Le changement climatique pourrait générer une « éco-anxiété », un mélange de peur, de colère et de tristesse pouvant déboucher sur des états dépressifs.

« À cela, indique la sénatrice Nathalie Delattre, il faut ajouter les inégalités qui affectent les jeunes différemment selon leur milieu social ou leur genre. La précarité peut être un facteur de dégradation de la santé mentale. Bien souvent, certains étudiants endossent la double peine : leurs difficultés financières constituent une préoccupation qui peut tourner à l’anxiété, ces mêmes difficultés pouvant les empêcher de se soigner. Autre inégalité, les études sur les troubles psychiques soulignent qu’en raison de la prévalence de la violence faite aux femmes, la dépression touche davantage les jeunes filles. »

Prévenir dès le plus jeune âge

Tous ces facteurs conduisent à un constat clinique dramatique : troubles du sommeil, phobie scolaire, anorexie, troubles obsessionnels compulsifs (TOC), dépression, schizophrénie, consommation abusive d’alcool, drogue, agressivité, isolement social et acte suicidaire dans les cas les plus tragiques.

Face à cette situation préoccupante, quelles réponses spécifiques apporter ? Lors de la séance des questions d’actualité du Sénat du 29 mars 2023, le ministre de la santé et de la prévention rappelait : « la santé mentale, particulièrement celle des jeunes, est une priorité pour ce gouvernement. L’état de santé psychique des enfants et des adolescents est l’un des principaux déterminants de leur santé future : 35 % des pathologies psychiatriques adultes débuteraient avant 14 ans, 48 % avant 18 ans et 62,5 % avant 25 ans, ce qui confère à la pédopsychiatrie, outre sa dimension thérapeutique immédiate, une dimension majeure de prévention en santé à long terme », relève la Cour des comptes dans son rapport publié en mars 2023.

Parce que les jeunes d’aujourd’hui construisent la société de demain, leur vitalité doit être préservée du mieux possible et au commencement des troubles. La proposition de résolution du Sénat invite le gouvernement à ériger la santé mentale des jeunes en grande cause nationale.

Le parent pauvre de la médecine

La psychiatrie est le parent pauvre de la médecine. On compte seulement 600 pédopsychiatres pour près de 10 millions d’enfants et 800 médecins scolaires, soit un médecin pour 15 000 élèves. Si la France se situe dans la moyenne des pays européens, l’offre d’équipements ambulatoires et hospitaliers du secteur infanto-juvénile est répartie de façon inégalitaire sur le territoire. Au sein de cette offre, les centres médico-psychologiques infanto-juvéniles (CMP-IJ), principal point d’entrée pour un parcours de soins, sont dépassés par les demandes.

Pour constituer une offre robuste de première ligne, plusieurs dispositifs méritent d’être poursuivis et développés, selon le Sénat : MonParcoursPsy pour les moins de 18 ans, les Maisons des Adolescents, le Fil Santé Jeune (FSJ) d’aide à distance, les campagnes nationales de sensibilisation telles que « En parler, c’est déjà se soigner » ou Recontact ViglianS qui consiste à organiser autour de la personne ayant fait une tentative de suicide, un réseau de professionnels de santé qui garderont le contact avec elle.

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