Le point de vue d’Hector Poullet. Atout : mots

Toute la Guadeloupe n’est pas encore convaincue de la nécessité d’étudier le Créole. Nombreux sont encore ceux qui continuent à penser que le Créole est un patois, qu’il gène ou empêche un bon apprentissage du Français. 

Je ne sais pas si certains d’entre ceux-là liront cet article et si je parviendrai à les convaincre du contraire. 

Un jour de retour d’une sortie en mer avec un marin-pêcheur, comme je sautais sur le quai, l’homme me dit en créole : Voyé lòsyè-la ban-mwen ! Alors que je le regardais interloqué, il prononça le mot qu’aucun marin ne dit de bon cœur :  E wi, mòso kòd-la ! 

Une fois rentré chez moi, je me suis mis à chercher d’où pouvait venir ce mot « losyè ». Après mille supputations, j’ai fini par trouver dans mon vieux dictionnaire Robert, puis dans le Littré, car à l’époque Internet était encore balbutiant : Haussière  ou Aussière, nom féminin, cordage du haleur servant à touer ou amarrer. Je venais d’enrichir mon vocabulaire d’un mot français d’origine latine grâce au créole !

Depuis cet exemple, vieux de quarante ans, l’occasion  s’est multipliée  de nombreuses fois pour moi d’entendre des mots créoles et d’en découvrir derrière un mot bien français.

Ainsi  une femme qui s’était séparée de son compagnons me dit un jour: Misyé-la té ka rété adan planché an-mwen kon kòniflè.

Le verbe « kòniflé » existant également en créole. 

Kòniflè : écornifleur, écornifleuse, pique-assiette, parasite.

Ainsi ce que cette personne me disait c’est que cet homme vivait à ses crochets.

Ou encore il m’est arrivé d’entendre : Jòdi-la mwen anpach ! 

Je voyais bien que la personne qui prononçait cette phrase signifiait qu’elle était épuisée, et je connaissais le pach de « pach a kafé », je me doutais qu’il devait exister en français le mot parche . Mais « parche » n’est plus dans le Robert , aujourd’hui on peut le trouver avec Google et découvrir son dérivé « parchemin » ou dans la culture du café,  « éparcher », « éparcheuse ».  Etre en parche est donc être en miettes, bien pire que être « si jant » à plat, sans ressort. 

Récemment une parente de Terre-de-Bas à qui je demandais de me donner quelques mots et expressions typiques des Saintes, me donne entre-autre « Kralu ». Traiter quelqu’un de « kralu » là-bas ou « krali » dans la prononciation  des gens de Guadeloupe, c’est lui dire qu’il est un moins que rien, tout juste de la raclure. Mais comment était-on passer de « raclure » à « cralure ». En poursuivant mes recherches je suis arrivé sur « écalure », qui a pu parfaitement donner « kalu » et par hyper-correction « kralu »

D’après le dictionnaire Larousse :

Ecalure : pellicule qui entoure certaines graines comme les écalures de grains de café.

La liste est longue des mots créoles qui nous permettent d’enrichir notre vocabulaire de langue française et de faire ensuite des effets de style en écrivant,  bailler dans la culture de la fin du moyen âge français, laisser croire qu’on a lu tout Rabelais avec Gargantua ou Pantagruel et autres livres d’auteurs du Français ancien.

Je pourrais tout aussi bien montrer comment, de bien connaitre la grammaire du Créole, peut nous aider à mieux comprendre la syntaxe du Français ou de l’Anglais. Ce sera pour une autre fois.

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