L’Alliance Nationale Guadeloupe ou Alyans Nasyonal Gwadloup, ANG, a tenu son premier congrès, son congrès fondateur. Pour en savoir plus, nous avons interviewé… l’ANG, qui ne se reconnaît pas de leader, mais un groupe de représentants. C’est d’une seule voix qu’ils ont répondu à notre curiosité.
La structure du parti n’est-elle pas très contraignante ? Même si c’est un collège de représentants qui préside. Et peut-être même à cause de cela ?
Il faut d’abord rappeler dans quel contexte s’est déroulé ce Ier congrès de l’ANG. Ce congrès fondateur de la nouvelle ANG est un congrès « administratif ». Il s’est agi pour nous de transformer notre rassemblement non déclaré de militants nationalistes en organisation politique officielle afin d’ancrer davantage l’ANG dans le paysage politique guadeloupéen,
lequel paysage, ki nou vé ki nou vé pa, est régie et conditionné par les lois françaises. Il existe une loi qui encadre les formations politiques et qui veille, en particulier, à établir un cadre de transparence du financement des partis politiques, comme il existe, par ailleurs, une loi encadrant les syndicats. Nous pourrons ainsi recevoir des dons tout au long de l’année, et pas seulement en période électorale. Des dons qui nous permettront, certes de financer nos futures campagnes électorales mais aussi et surtout de développer nos actions citoyennes et économiques. Ce passage administratif obligatoire opéré, nous nous donnons rendez-vous dans 4 mois pour un deuxième congrès, qui sera lui un congrès politique. Ce IIe congrès sera l’occasion pour l’ANG d’adopter un texte important : « Orientations et
stratégies politiques. Voies et moyens de la construction nationale et de l’émancipation du peuple guadeloupéen ».
Notre charte indique clairement notre volonté de prise du pouvoir et que nous devons marcher sur deux jambes : la jambe électorale et la jambe citoyenne. Maintenir cet équilibre organisationnel est le plus sûr moyen de ne pas tomber dans l’électoralisme, c’est-à-dire dans une vision borgne qui considère que la politique se réduit à une accumulation de postes électifs.
La structure collégiale de décision et la recherche du consensus constituent l’ADN de l’ANG. Nous devons tout faire pour conserver cette originalité. La Guadeloupe a trop souffert des postures de petit chef restreignant l’expression du plus grand nombre. Nous refusons de toutes nos forces le « timalisme » car nous croyons en l’intelligence collective.
Cette nouvelle étape nous permettra aussi d’assurer un déploiement dans les communes, au plus près des préoccupations des Guadeloupéens.
Votre résultat des régionales va-t-il ouvrir la voie de la participation à des élections dépassant le cadre local ? Je pense aux législatives.
Pour le moment, l’urgence est de consacrer notre énergie à la transformation de la vie politique en Guadeloupe. Il faut d’abord augmenter le taux de nationalisme dans la conscience des Guadeloupéens. Et pour cela, nous devons dépasser le cadre obsolète de la départementalisation et doter notre pays d’un statut qui convienne à notre réalité historique et culturelle et à nos intérêts économiques. Mais nous n’avons aucune question taboue. Les élections, quelles qu’elles soient, sont des moyens au service de la Cause nationale et non une fin en soi. Notre position dans l’avenir sera le résultat d’une analyse politique collective froide et non la réponse en urgence à la libido législative d’individus.
La crise sociale. Si l’on ne peut tout résoudre, comment amener les parties concernées à la table des négociations ?
La question de la crise sociale est bien plus profonde que les questions de Passe et d’obligation vaccinale. La plupart des thèmes abordées dans les revendications sont plus sociétales, et beaucoup datent de plusieurs années et ont été laissées de côté. Nous prônons la Civilisation de la Parole : discuter, échanger, écouter tous les points de vue, afin d’aboutir à un consensus apaisé. C’est ce que la situation actuelle exige. Que toutes les parties retrouvent le chemin de dialogue, en abandonnant tout préalable à l’ouverture de négociations. Tant que chacun campera sur ses positions sans faire un pas vers l’autre, nous serons dans une impasse.
Nous n’avons eu cesse, qu’il s’agisse de l’ANG seule, ou du collectif des mouvements patriotiques, d’appeler au dialogue, à la raison. Nos Mo Maké des dernières semaines ont insisté sur la nécessité impérieuse de la discussion et de l’écoute mutuelle. C’est ainsi que nous pourrons construire la Guadeloupe de demain.
L’autonomie est dans les tuyaux. Mais quelle autonomie proposeriez-vous si vous deviez négocier celle-ci ? La Guadeloupe est-elle prête pour un changement de statut ?
Ce débat doit être ouvert sans hypocrisie et de façon pragmatique car il en va de l’existence du peuple guadeloupéen. Par exemple, dans le domaine de la santé, il faut pouvoir s’interroger sur nos problématiques spécifiques, nos atouts, parce que nous en avons, et explorer la manière dont on peut financer un système plus adapté à nos besoins. C’est d’ailleurs un des chantiers que nous allons ouvrir cette année. Aujourd’hui, presque toute la
classe politique reconnaît que la départementalisation est dépassée sans pour autant agir en cohérence avec ce constat. Les Guadeloupéens sont prêts mais attendent des responsables politiques capables d’indiquer une marche à suivre, capable de créer les financements nécessaires plutôt que de les réclamer. Les Guadeloupéens souhaitent pouvoir se projeter et ne plus être l’objet du mépris des gouvernants français. Ils veulent se développer hors d’un carcan inadapté et percevoir les voies possibles, c’est ce qu’on appelle EXISTER.
Avant d’être un statut politique, l’autonomie est une attitude et une volonté : trouver les solutions soi-même à ses problématiques, développer ses atouts, prendre ses responsabilités.
L’ANG est convaincue que nous en sommes collectivement capables. Cela demande d’abandonner les postures et d’y travailler concrètement.
Revenons à l’ANG. Trois priorités sur lesquelles vous allez militer auprès des Guadeloupéens pour obtenir leur concrétisation de la part des autorités (collectivités, État) ?
Notre priorité sera toujours l’action citoyenne. Nous sommes persuadés que les actions portées par tous sont celles qui produisent le plus d’effets. Nous aurons à prendre des initiatives économiques fortes car un peuple qui n’a pas le pouvoir sur sa terre et son économie n’a en réalité aucun pouvoir sur son présent et son devenir. Sans contrôle de la terre et de l’économie, nous ne pourrons produire que du bavardage idéologique et de l’impuissance.
Ensuite, nous remettrons cent fois sur le métier notre protocole sanitaire, et plus largement nous martèlerons notre volonté de décider dans le domaine de la Santé. Aujourd’hui, nos collectivités ne sont que des instances consultatives en ce qui concerne les décisions majeures. C’est de la pure infantilisation, de la pure irresponsabilité institutionnelle. Nous l’avons vu à l’occasion de la crise mais aussi quand l’ARS a pris des décisions unilatérales concernant le cyclotron. Dans ce domaine qui touche tout le monde, les règles doivent évoluer radicalement afin que nos médecins, nos soignants, les collectivités qui financent soient au cœur des stratégies.
Nous serons très attentifs aux travaux et propositions en particulier ceux relatifs au mix énergétique. En tant que petit territoire, la crise climatique nous menace particulièrement.
C’est encore un domaine où nos atouts sont sous exploités, sans doute pour favoriser des profits particuliers.
Enfin, la jeunesse est une thématique qui revient à l’envi. Il nous semble nécessaire de favoriser l’intégration de ceux qui seront les adultes de demain dans la vie publique de leur pays. Nous ne pouvons pas faire l’économie d’espace d’échanges afin d’entendre leurs propositions. Nous devons dépasser cette infantilisation systématique, ce sont ces jeunes
qui présideront à la destinée du pays. Les jeunes de Guadeloupe ont des trajectoires très diverses. Une part non négligeable ne s’épanouit pas dans le système scolaire et le quitte sans diplôme, souvent en difficulté avec l’écriture et la lecture. Et on multiplie les dispositifs, les interlocuteurs au lieu de partir de leurs problématiques pour porter des réponses justes.
Aucune société ne peut vivre contre sa jeunesse ou en la laissant en marge, c’est la question centrale de la cohésion globale. Au sein de notre Boula (organe directeur) de l’ANG, nous avons deux jeunes de moins de 26 ans, et nous avons confié à l’une d’entre elles la présidence de l’association de financement de l’ANG. Qui dit mieux ? Nous ne faisons que poursuivre dans la voie des régionales puisque notre liste avait donné une bonne place à la
jeunesse.