Deux jours d’une intense navigation travers à l’alizé, avec son corollaire de vent soutenu, sur une mer agitée qui a bien bousculé organismes et matériels. Deux jours pleinement dédiés à la vitesse pure sur une route obstinément calée au Nord, sur un même bord tribord, avec au final et sur le plan comptable, une belle progression pour chacun des protagonistes, au maximum de leurs potentiels respectifs.
En capacité de tutoyer les 300 milles parcourus en 24 heures, le leader Italien IBSA Group fait parler la puissance et l’efficacité de son Mach 5 dernière génération. Alberto Bona et ses deux équipiers Pietro Lucciani et Pablo Santurde sont logiquement les premiers à entrer dans la première grande difficulté de cette transat d’Ouest en Est : la négociation d’une succession de zones anticycloniques, peu ventées par définition, préludes à l’arrivée en fin de semaine du système dépressionnaire et ses vents d’Ouest propices à une route portative vers les Açores.
Rapide route au Nord
Aux allures plus débridées qu’anticipé au moment du départ, les Class40 ont pu, ces dernières heures, progresser rapidement vers le Nord. Certes, le prix à payer en inconfort a été conséquent. Humidité permanente, bonds et rebonds incessants, hommes et bateaux sont entrés sans mise en jambe dans la réalité de ce parcours original qui passe invariablement par un cap plein Nord pour contourner l’anticyclone des Açores.
Les plus récents designs se montrent redoutables et scindent à près de 12 noeuds de moyenne la flotte, entre nouvelle et ancienne génération. Ils sont ainsi 6 à naviguer regroupés en une trentaine de mille, entre le leader IBSA et Everial à Erwan Le Draoulec (177), 6ème, tandis que Franz Bouvet et son Yoda (65) ferment la marche avec désormais plus de 135 milles de retard. Tous mettent insensiblement de l’Est dans leur route, accompagnant la légère rotation du vent à l’Est Sud-Est.
La mer se calme, le vent mollit, le soleil brille et l’humeur des 12 équipages (Jules Bonnier – Nestenn – Entrepreneurs pour la planète se débat toujours à Pointe-à-Pitre avec ses soucis de barreau de barre de flèche) est au beau fixe. Les températures commencent à baisser, rendant la vie à bord beaucoup plus agréable. La cavalcade débridée du début de course va très progressivement laisser place à une navigation plus posée, plus réfléchie, où le placement par rapport à l’évolution des zones de haute pression en approche va devenir de plus en plus prépondérant.
L’heure est à l’analyse, à la projection, à l’intuition aussi, tant la météo s’annonce instable, changeante, voire piégeuse. Entre le front en approche, et les zones de calme, le passage des Class40 rétrécit et les deux prochains jours imposeront aux navigateurs un délicat épisode de « tricotage », avant l’établissement en fin de semaine d’un régime de Sud-Ouest synonyme de changement d’amure et annonciateur des forts vents du système dépressionnaire en phase de construction du côté de la Nouvelle-Ecosse.
La belle progression de Marc
Lepesqueux (Curium Life Forward)
Le classement au tableau d’affichage n’a ainsi guère eu l’occasion d’évoluer depuis le départ de la Guadeloupe. Derrière l’impressionnant leader IBSA et son ébouriffant équipage Italo-Espagnol, c’est un autre team Italien, celui d’Ambrogio Beccaria et ses hommes d’Allagrande Pirelli (Gianluca Guelfi et Alberto Riva) qui résiste avec une belle âpreté aux assauts d’un Crédit Mutuel déchainé, au point d’arracher à Antoine Carpentier l’aveu suivant : « Ils vont vite ces italiens. Nous ne sommes pas parvenus à les contenir ! »
Aveu tout relatif au regard des 11 malheureux petits milles qui séparent l’équipage de Ian Lipinski (avec Rémi Fermin comme troisième homme), des navires Azzurri. Curium Life Forward et son équipage de double, Marc Lepesqueux et Renaud Dehareng se sont hissés à la quatrième place au bénéfice d’une route plus à l’Est. En lofant davantage que ses proches adversaires Everial et Tquila (Brian Thompson et Alister Richardson), le Normand signe la plus rapide progression de la flotte ces dernières heures.
Le relatif ralentissement de la flotte permettra-t-il aux retardataires de stopper l’hémorragie de milles ? Tous, d’Axel Tréhin, 7e à bord de Project Rescue Ocean, à Yoda en queue de peloton, naviguent au maximum de leurs potentiels. Plus que jamais la tactique et les choix de route s’avèrent déterminants pour les poursuivants, à l’heure où les leaders commencent à buter dans l’anticyclone.