La CTM dit « Non » à la série Tropiques Criminels

Mercredi 5 mai, en séance plénière, l’assemblée de la Collectivité Territoriale de Martinique a rejetée la demande de soutien financier à la série Tropiques Criminels, de la chaîne nationale France Télévisions.

Une décision qui intervient au moment même du tournage de la troisième saison dans l’île. Cette décision, qui a déjà fait beaucoup couler d’encre et fait largement intervenir les internautes sur la toile, fait suite à une récente lettre ouverte qui dénonçait certaines pratiques de la production.

Un courrier anonyme qui émane de professionnels locaux qui dénoncent une représentation négative de la Martinique et le faible taux d’embauche d’intervenants (techniciens, comédiens) locaux pour des rôles et des postes de valeur.

Pour d’autres, comme Karine Mousseau, présidente du Comité du Tourisme de Martinique, en charge du développement et de la promotion du tourisme à la Martinique, il s’agissait là d’une vitrine à moindre coût pour la visibilité de la Martinique. 

Une subvention décriée
par la majorité des élus 

Une subvention d’un montant de 500 000 euros que Marie-Hélène Léotin, conseillère exécutive en charge de la culture et du patrimoine à la Collectivité Territoriale de Martinique, estime être un bon investissement : « Quand nous mettons 500 000 euros, nous récoltons plus de 2 millions d’euros comme retombées économiques immédiates, puisque pour venir tourner quatre mois, il faut qu’ils mangent, ou soient logés par exemple », expliquait-elle en plénière.

Pour autant, la majorité des élus de l’assemblée a voté contre le renouvellement de la subvention à la série très populaire par ailleurs et présentant à l’affiche Sonia Rolland, Miss France 2000.

Sonia Rolland qui incarne Mélissa, excellente enquêtrice d’origine martiniquaise, qui se retrouve malgré elle chef d’une section crime sur une île où elle n’a jamais mis les pieds. Gaëlle (rôle tenu par Béatrice de la Boulaye), vivant en Martinique depuis son enfance, est directe et indépendante. Elles vont devoir travailler ensemble.

Après cette décision, le tournage de la série pourra-t-il se poursuivre en Martinique ? Vers une autre destination ? La production n’a pour le moment pas réagi, tandis que Sonia Rolland postait ce même jour sur son compte Instagram des moments privilégiés passés sur l’île en compagnie de ses filles. Une affaire à suivre… 

Rodolf Etienne 

La lettre du collectif :

Chers élu(es),

Nous vous prions de trouver joint la lettre du Collectif des artistes…. en vous souhaitant une bonne réception

Le Collectif. 

Le Collectif des Artistes, Comédiens, Acteurs et Techniciens de la Culture.  
S’adresse aux Conseillères et Conseillers de l’Assemblée de Martinique.

Mesdames, Messieurs,

Il n’est pas de coutume, pour nous, de vous interpeller, mais, aujourd’hui, c’est au nom des artistes, comédiens, acteurs et techniciens du spectacle de la Martinique que nous le faisons.

Notre collectif vous sollicite pour avoir des réponses concernant la série policière intitulée « Tropiques Criminels » pour laquelle vous devez prendre une décision lors de la plénière du 5 Mai 2021.
Vous avez accordé, lors des 2 précédentes saisons, les sommes de 600 000€ et 500 000€.

Néanmoins, les arguments contenus dans le rapport ne correspondent ni aux témoignages des artistes martiniquais engagés dans cette « aventure », ni au vécu de certains d’entre nous. Le tableau « idyllique » exposé dans ce rapport est, en effet, très différent.

Dire que ce titre « Tropiques Criminels » participe à la promotion de la Martinique, est-ce une bonne vitrine pour la Martinique ? 
Quand, dans le contenu, on ne fait que montrer des exactions, des viols, des trafics de drogue, c’est-à-dire tout ce qui se fait de plus négatif, de plus mauvais dans un pays, nous ne sommes pas sûrs que ça fasse la promotion de la Martinique comme on l’entend.

Ne serions-nous pas tous complices ou même coupables de cette image et de l’opinion que l’on a de nous sous les « tropiques » ? Comment penser faire la promotion d’un pays en parlant de criminalité ?

Si cette série était intitulée « Sous le soleil » par exemple, malgré l’aspect « doudouiste » de ce titre, ce serait plus « vendeur » que de l’appeler « Tropiques Criminels ».

Comment a été montée cette série ?

Cette série a été montée avec, comme d’habitude, des gens venus d’ailleurs, qui arrivent en Martinique et qui sous estiment les martiniquais. La société de production vient avec sa structure, son équipe déjà constituée, les postes restants ne sont que des postes de bas niveau. Ils ont leur réseau depuis la France, ça se passe entre copains, par exemple, toute la structure qui loue tout le matériel est une structure qui a été montée quelques mois auparavant, comme par hasard, avant l’arrivée de la série et qui a obtenu des fonds pour acheter du matériel et qui a l’exclusivité de la location de l’ensemble du matériel sur cette série ; là, il faut être interpellé dessus.

Beaucoup parmi ceux qui ont été embauchés sur les 2 premières saisons peuvent témoigner des emplois et des tâches sous qualifiés qui leur ont été attribués.
La société de production vient avec sa structure et son équipe technique déjà constituées, les postes restants ne sont que des postes de bas niveau.

En ce qui concerne les techniciens locaux qui sont arrivés sur la 1ière saison, alors qu’ils occupaient des postes comme chefs opérateurs, ingénieurs du son…, pensant qu’ils allaient avoir des postes à leur niveau de compétences, ont accepté d’être des assistants, parce que c’est ce qu’on leur avait « vendu », et ils pensaient avoir mieux la 2nde année.

La 2e saison, ils ont vu arriver d’autres techniciens, qui eux, venaient faire leur première expérience en Martinique, comme si nous, techniciens martiniquais, à compétences égales, ne pouvions pas le faire, ce qui est inadmissible ! Il en est de même pour les poste de son, lumière, et pour un certain nombre de chefs de postes qui sont sur cette série.
Ce qui prouve que cette série ne rapporte rien à la Martinique, ni pour son image, ni pour la formation de nos techniciens qui, pourtant, nous serait précieuse pour l’avenir de notre cinéma.

Pour ce qui est de nos comédiens locaux, le même problème s’est posé. Il n’y a pas eu un comédien de Martinique qui a pu se dire qu’il se « ferait un nom » sur cette série, et avoir, peut-être, une chance d’avoir un rôle, par la suite, dans une autre série.
Tous les rôles proposés étaient des rôles de passage, c’est-à-dire que de la figuration, assis dans un bus ou dans une salle d’attente, ou à lancer des pierres sur une maison, par exemple.

En clair, nous considérons que les rôles proposés aux locaux sont des « sous rôles », pour lesquels ils ont gagné moins que s’ils allaient présenter un petit spectacle à l’Atrium !
Ils ne tournaient jamais plus de 3 à 5 jours, pour n’obtenir que 200€ brut par jour pendant 5 jours, ils ne gagnaient même pas 1 000€ !

De plus, la production affecte de grosses sommes dans la location de grandes villas de luxe pour les 2 ou 3 mois de tournage, ces mêmes villas sont encore occupées quelques mois après le tournage par les mêmes membres de l’équipe. Autrement dit, ces villas de luxe ont été louées au prix fort pour 3 mois, mais que font encore ces équipes, là, 2 mois après ?  Quand, en général, on sait à qui appartiennent les villas de luxe en Martinique…

Ces personnes viennent récupérer de l’argent « aux Antilles », alors qu’elles ont déjà un gros budget attribué par France Télévision, elles ne font qu’arrondir ce budget ici, en Martinique, avec des fonds publics, alors qu’elles n’ont pas besoin de cet argent car elles font de grosses marges avec cette série. La CTM aurait dû exiger qu’on s’appuie sur une structure de production martiniquaise, ayant une certaine expérience.

Nous nous posons un certain nombre de questions relatives au suivi rigoureux de la CTM dans cette série.
* La CTM, étant co-investisseur, avec nos fonds publics, a-t-elle suivi, sur le terrain, la progression artistique des artistes, comédiens, et techniciens martiniquais lors des 2 premières saisons ?
Si oui, peut-elle fournir des éléments ou des témoignages valorisants pour nos techniciens et comédiens ?
* La CTM, a-t-elle pris connaissance des contrats d’embauche des artistes et techniciens locaux ?
Si oui, pourquoi la CTM n’a-t-elle pas exigé que les comédiens martiniquais soient rémunérés au même taux horaire que les autres participants ?
* La CTM peut-elle prouver aux martiniquais que nos artistes, comédiens, et techniciens ont été valorisés au niveau de leur CV sur cette série d’une saison à l’autre ?
Sinon, quel est l’intérêt d’utiliser l’argent du contribuable pour n’avoir que le logo de la CTM, au coût de 500 000€, dans le générique d’une série télévisée ?
L’argument qui consiste à dire que « ça a fait travailler quelques-uns » ne se résume pas à faire travailler un petit noyau, environ 10 personnes, qui font quelques heures de « congé spectacle » sur un tournage.

Mesdames et Messieurs les élu(es) de l’Assemblée de Martinique, vous avez, aujourd’hui, à prendre une décision, au nom et dans l’intérêt des martiniquais.
Avant de prendre cette décision, et après tout ce qui a été dénoncé précédemment, nous souhaiterions qu’un audit soit réalisé sur les 2 précédentes saisons de cette série « Tropiques Criminels ».

Pourquoi un audit ?

Un audit pour savoir quelle utilisation a été faite de l’argent public pour cette série.
Un audit pour savoir ce que sont devenus tous les techniciens et les collaborateurs qui ont participé aux 2 premières saisons.
Un audit pour savoir s’il est possible d’avoir une indication, c’est-à-dire si, par exemple, les ingénieurs du son ont pu ajouter sur leur CV « j’ai été sondier en chef sur cette série » et ainsi pouvoir se « vendre » sur une autre.
Un audit pour savoir si les acteurs, techniciens, comédiens ont été valorisés, quand on sait que certains martiniquais, parmi eux, ont refusé de travailler de nouveau sur cette 3e saison, des personnes pourtant qualifiées, mais qui ont été considérées comme « porteurs d’eau ».
Un audit pour savoir combien cette série a, véritablement, rapporté à la destination Martinique. Sinon, autant réaliser un spot publicitaire, au même coût, ou encore un film, comme l’a déjà fait le Comité Martiniquais du Tourisme.

POUR 500 000€, LE JEU EN VAUT-IL LA CHANDELLE ? 

(Ce Collectif vous sollicite de façon anonyme, par crainte des représailles)

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