Dans la Guadeloupe des années 1960, quel avenir pour les rêves d’un adolescent en quête de repères et d’une autre vie ? Louis Zou en parle dans son roman, La Compassion des sabliers (éd. Jets d’encre).
Heureux retraité, Louis Zou se consacre à l’écriture, au chant choral, au dessin. Une vie paisible qui lui laisse amplement le temps d’explorer ses souvenirs et d’observer l’évolution de la société. À ce quotidien propice à la création, est venu se greffer le confinement lié à la pandémie de Covid-19. Cette période de « turbulences » qui a jeté un voile d’incertitudes sur l’avenir, engendré des tensions dans la société, au sein des familles, des cercles d’amis…, sans parler des pertes humaines, a provoqué un déclic chez Louis Zou pour ce roman auquel il pensait depuis un moment.
« Je voulais développer un récit autour d’un jeune en quête de repères, qui rêve d’évasion, de quitter la Guadeloupe et qui fait face à plusieurs déconvenues, explique Louis Zou. En 1963/64, les choses n’étaient pas si différentes en Guadeloupe ! Il y avait déjà des incertitudes quant à l’avenir. Comme une sorte de mur, on ne voyait pas bien où on allait. Il n’y avait pas de débouchés, rien de concret. »
« La place de la Victoire était magnifique ! »
Ce retour dans le temps a permis à Louis Zou de nourrir son roman. Le premier tome de La Compassion des sabliers, son 4e ouvrage, a été édité par Jets d’encre. Le roman se déroule à Pointe-à-Pitre. L’auteur fait renaître la Place de la Victoire des années 1960 avec ses majestueux sabliers. « J’ai habité non loin, à la rue du Commandant Mortenol, sans savoir qui il était, ironise l’auteur. À cette époque, la Place de la Victoire était magnifique avec ses grands sabliers. »
Le titre du roman fait référence à ces arbres, mais aussi aux sabliers, marqueurs du temps, qui se vident chacun à leur rythme. « Dans le titre, j’évoque aussi la compassion de toutes les personnes qui m’ont aidé, qui ont été compatissantes envers moi, précise Louis Zou. Le premier tome du roman est sous-titré Les Passerelles : elles peuvent être physiques ou désignées des situations que l’on vit… ».
Errance, addictions, homosexualité…
Renvoyé de l’école, ajourné à la visite médicale de la Marine, en conflit avec son « paternel », l’avenir ne s’annonce pas des plus sereins pour ce jeune Guadeloupéen rêveur. Il n’a qu’une idée en tête : fuir ! Ses proches, opposés à son départ. Fuir, cette île qui n’offre que peu de perspectives. En distillant quelques éléments autobiographiques dans son récit, Louis Zou construit quelques passerelles entre hier et aujourd’hui autour de plusieurs thématiques fortes : l’errance, les addictions, l’homosexualité, les violences faites aux femmes, l’eau… « En 1964, il n’y avait pas d’eau à Pointe-à-Pitre. J’ai dû me débrouiller pour résoudre certains problèmes d’hygiène et je n’étais pas le seul dans ce cas », se souvient Louis Zou.
Lauréat du concours d’instituteur, major de sa promotion, enrichi par un parcours qui n’était pas écrit d’avance, à la lumière des difficultés qu’il a surmontées, Louis Zou n’a qu’un conseil pour tous ceux qui, comme lui dans les années 1960, ont l’impression d’étouffer, sans perspectives réelles : « Il faut créer et vivre ses rêves ! »
En son temps, jeune lycéen porté par des rêves contrariés, Louis Zou a su trouver une échappatoire pour se construire. Un chemin de résilience qui sert de trame à La Compassion des sabliers.
Cécilia Larney