Par Katarina Jacobson, archéologue
Les archéologues ont mis en évidence plusieurs phases dans le peuplement et les dynamiques d’occupation de l’archipel.
L’Age Archaïque correspond aux premières traces de peuplements par des groupes de chasseurs-pécheurs nomades, vers 4500 av. J.-C. en provenance du nord-ouest de la Caraïbe.
Les sites étaient principalement situés en zones côtières et dans les mangroves et ont livré des outils en silex, en pierre, en coquillage et sporadiquement en céramique. Durant l’Age Archaïque, on parle des cultures Casimiroïde et Ortoiroïde. L’arrivée d’agriculteurs, artisans potiers marque le début d’une nouvelle ère que les archéologues ont dénommée l’Age Céramique.
Cette nouvelle vague de migration se situe vers 400 av.J.C., en provenance du bassin de l’Orénoque au Venezuela. L’Age Céramique a communément été divisé en 2, à savoir l’Age Céramique ancien (Early Ceramic Age) et l’Age Céramique récent (Late Ceramic Age), lui-même partagé entre une phase ancienne ou Early phase et une phase récente ou Late phase.
Il faut noter ici que le modèle français est un peu différent et découpe l’Age céramique en 4 périodes : le Céramique ancien, moyen, récent et tardif. A partir de 400 av. J.-C., dans les Grandes Antilles comme dans les Petites Antilles, les communautés se multiplient et sont organisées en réseaux sociaux sur de grandes distances avec circulation de populations, d’idées et d’objets.
Durant cette période, les productions potière, lithique et en coquillage expriment un « système symbolique complexe » marqueur d’une identité culturelle partagée. Les assemblages archéologiques sont culturellement affiliés au Huecoïde, Saladoïde et Barrancoïde.
A partir de 600-700 ap.J.C., se produisent des changements endogènes, avec une densification de la population entrainant l’accroissement de l’occupation des îles. Les réseaux d’échange à longue distance diminuent, les pratiques funéraires changent. Dans les Petites Antilles, les sociétés gardent essentiellement un système égalitaire et développent une hétérogénéité culturelle. L’affiliation culturelle associée est le Troumassoïde.
Par contre, dans les Grandes Antilles, les structures sociale, économique et politique changent. Les villages densément peuplés sont organisés dans des systèmes complexes. Les ensembles culturels associés sont le Saladoïde, l’Ostionoïde et le Meillacoïde. Puis vers 950 ap.J.C. émergent à l’est d’Hispaniola, de nouvelles formations sociales hiérarchisées, des chefferies ou cacicazgos, affilié culturellement au Chicoïde.
Les Petites Antilles du Sud se retrouvent être le lieu de nouvelles vagues migratoires venues des côtes nord du continent sud-américain tout en maintenant les réseaux avec les Grandes Antilles. Les réseaux d’échanges se tournent ainsi vers le nord et vers le Sud. Les ensembles culturels associés à cette période sont le Suazoïde et le Cayoïde dans les îles des Petites Antilles du Sud ainsi que le Troumassoïde (style marmora) et le Chicoïde dans les îles plus au Nord. En 1492, Christophe Colomb débarque dans les Grandes Antilles.
A cette période, nommée Période Historique, la Caraïbe est peuplée de nombreux groupes linguistiques/culturels, tels que les Ciguayos, les Macorix à Hispaniola, les Lucayos à Turks and Caïcos, Bahamas, ou encore les Kalinagos et Igneris dans les Petites Antilles. Cependant la mauvaise compréhension européenne des dynamiques et interactions en place dans la région a figé les populations dans une dichotomie des gentils Taïnos des Grandes Antilles versus les méchants belliqueux Caraïbes des Petites Antilles.
Cette labellisation a eu un impact fort car il a été relayé par les chercheurs au point que cette terminologie est devenue la référence pour désigner les habitants de la Caraïbe ainsi réduits à deux grands peuples au 15e siècle.
■ L’héritage L’histoire de la colonisation a effacé la présence amérindienne et son héritage. Mais les contacts et échanges que les Amérindiens ont entretenus avec les Africains et les Européens ont été l’occasion de transmission de savoir et connaissances dont les transferts et emprunts sont perceptibles dans différents domaines.
Qu’il soit visible ou invisible, cet héritage est présent aussi bien à l’échelle régionale qu’internationale, dans la linguistique avec des mots tels que maïs (marik), barbecue (barabicu), canoë ( canoa), hamac (hammock) , tabac ( tabako), colibri / (soursoap, hurican, shark…), les mots de fruits : papaye, goyave, d’animaux molocoi, ravet..
Dans l’alimentation, le calalou, les cassaves nous viennent des amérindiens tout comme les techniques de pêche, de vannerie, ou l’usage de certaines plantes médicinales Conscient ou inconscient, cet héritage amérindien est fondamental et doit être pris en compte pour reconstituer l’histoire caribéenne dans sa continuité et nous permettre de mieux aborder notre identité créole qui prend corps dès ces temps anciens.