Kolo Barst : « La nouvelle génération de guerriers verticaux ne trahira pas Fanon ! »

Infirmier libéral de profession, observateur de nos sociétés, Kolo Barst est surtout la voix – mais aussi la voie – de la conscientisation. Il sera en concert à Tropiques Atrium (Fort-de-France), samedi 22 mars.

Voix des « sans-voix », Kolo Barst est un inlassable militant contre l’injustice, particulièrement celle qui frappe les « petites gens ». Limiè lorizon, son troisième album qu’il présente comme le dernier d’une trilogie, est un nouveau témoignage de son engagement.

Votre troisième album, Limiè lorizon, sorti en septembre vous conduit – enfin ! – sur scène…

Kolo Barst : Depuis la sortie de l’album, le 22 septembre 2024, pour mon anniversaire, nous avons fait des petites prestations pour accompagner la sortie. Etant infirmier libéral, je n’ai pas eu le temps d’organiser une tournée sur plusieurs dates. Ce passage à Tropiques Atrium sera notre première grande scène en live.

Le premier concert du Carême de Tropiques Atrium, à la demande de Manuel Césaire, le directeur. Ce qui tombe bien pour une musique d’écoute. On espère que ce concert va susciter d’autres demandes en Guadeloupe, en France hexagonale…

Votre musique autant que votre engagement sont bien connus, en Martinique et ailleurs. Pourtant, Limiè lorizon n’est que votre troisième album ?

Oui ! Le précédent date d’il y a 15 ans, en 2010. C’est une musique intemporelle, ce qui nous a permis d’être en concert à Tropiques Atrium en 2017.

Je remercie vraiment le public pour tout l’amour qu’il me porte tous les jours. C’est cet amour qui me permet de les aimer encore davantage. Les générations se retrouvent autour de ma musique. Mamie fait beaucoup écouter à ses enfants et c’est tant mieux. Aujourd’hui, ces enfants ont grandi et ils emmènent mamie au concert. Surtout, le titre Févryé 74 rappelle l’histoire chaque année : c’est l’occasion de replonger dans notre bain culturel, notamment dans les écoles.

Qu’est-ce qui a provoqué le déclic pour ce troisième album ?

« Avec le thème, Le linge propre sèche en famille, nous entrons dans une dynamique de solidarité. » (Photo : Edmond Lahoul)

C’est le résultat d’un cheminement et de l’observation. Les choses arrivent au moment où elles doivent arriver. Avec Limiè lorizon, je suis dans une trilogie. C’est mon troisième album et je pense qu’il s’agit de mon dernier album. Après, je vais écrit pour d’autres.

Pourquoi ?

Je me dis que 3, c’est la trinité, et l’album comprend 7 titres, le chiffre de la perfection. C’est la fin du début d’autre chose.

En plus, le thème central du concert est lié à mon évolution spirituelle. Avec l’album Limiè lorizon, nous allons rentrer dans du positif avec un thème : « Le linge propre sèche en famille ». Il faut que nous arrêtions de dire : « Le linge sale se lave en famille » pour entrer dans une dynamique de solidarité. Je pense que le linge propre peut sécher en famille. Le bon, le positif peuvent exister dans la famille qui représente le peuple, la nation, donc nous !

C’est la ligne d’horizon que vous visez ?

Exactement ! C’est la lumière et la ligne d’horizon du concert : le linge propre sèche en famille ! D’ailleurs, au cours du concert, pour chaque titre interprété, nous projetterons un tableau réalisé par ma fille, artiste-peintre. Chacun pourra faire travailler son imaginaire entre ce qu’il entend et ce qu’il voit.

L’un de vos titres les plus connus reste Févryé 74 qui dénonce la violente répression de la grève des agriculteurs le 14 février 1974. Qu’est-ce qui a changé en 2025 ?

Rien ! Je me dis que j’aurais pu sortir ce titre aujourd’hui : la problématique est la même, l’injustice est la même, les injustices liées au chlordécone sont présentes, les coups de matraque, les revendications, les non-lieux alors que nous avons raison…

Comment l’expliquez-vous ?

Il y a une même constance : nous étions une colonie en 1974 et nous le sommes toujours en 2025. La colonie va nous faire croire que nous avons évolué. Or, nous sommes de plus en plus dans un système de consommation par rapport à la colonie qui envoie tout, gère tout…

Dans l’un de mes titres, je dis : « Nou lé konsomé lokal, mé fou-y rivé abò bato ! » C’est le propre de la colonie. Quand vous essayez de mettre des choses en place pour vous émanciper de ce système, parallèlement, ils créent autre chose : on va vous donner des jeux, du plaisir, du champagne… Pour dire « non », il faut être dans une dignité, une verticalité semblable à celle de nos ancêtres « mawon ». Mais cette verticalité va se heurter à autre chose : « Choisir d’être un homme libre affamé ou un esclave qui mange ? »

Votre vision de l’avenir ?

Nous avons eu une génération qui s’est « auto-sacrifiée ». Mais, je compte sur la nouvelle génération consciente : celle qui chante le bèlè, danse le gwoka, décroche des bac+5 pour revenir au pays. Cette génération ne va pas trahir Fanon : elle va accomplir sa mission. On est dans l’accomplissement avec ces guerriers verticaux. D’où le travail que je fais d’aller le dire, de montrer, prouver que nous sommes des génies et qu’on peut être grands, qu’on veut être grands et qu’on se bat pour être grands !

Entretien : Cécilia Larney

  • Concert à Tropiques Atrium (Fort-de-France), samedi 22 mars, à 19 h 30. www.tropiques-atrium.fr
  • Avec Kolo Barst (chant, guitare, tanbou bèlè) : Jean-Denis Césarine (tanbou bèlè, ka, udu, djembé), Tony Polomack (flûte, clarinette, chœurs), Jean Manon (basse, chœurs, tibwa), Mickaelle Césaire (chœurs, chacha, chant), Baby’Youl (chœurs). Invités : Mario Masse (piano), Dominique Mondor (saxophoone soprano), Earl Lewis (steel pan), Jerry Spartacus (guitare), Michel Cilla (tanbou di bass), Nicolas Pierrel (kora).
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