Jacques Schwarz-Bart : « Pour réussir, la musique doit être une passion absolue »

Onzième album du saxophoniste guadeloupéen Jacques Schwarz-Bart, The Harlem Suite a été présenté en live au Fort Delgrès (Basse-Terre), à l’invitation du Conseil départemental. Des instrumentistes de haut vol, Arnaud Dolmen (batterie), Grégory Privat (piano) et Ian Quinton Banno (contrebasse) accompagnaient Jacques Schwarz-Bart.

Ce live au Fort Delgrès a marqué la fin d’une session d’échanges avec des élèves et musiciens amateurs de Guadeloupe, en collaboration avec le Conseil départemental. Cette transmission va-t-elle se poursuivre ?

Jacques Schwarz-Bart : Oui. J’ai souhaité ces échanges avec les scolaires, ainsi que les mater class. Depuis 8 ans, j’enseigne à Berklee à des étudiants du monde entier. Je trouve absurde de ne pas avoir l’occasion de transmettre ici à des Guadeloupéens. Nous savons que nous avons une foison de talents, mais qui souvent restent en friche. Je tenais à commencer ce travail d’exploration et de transmission. En octobre, j’ai pu rencontrer des élèves de différents établissements, ainsi que ceux de la section Musique du lycée Carnot qui ont du potentiel et sont en train de devenir de bons musiciens. Les master class ont réuni des jeunes, des quadras et plus, qui pratiquent en amateurs avec un niveau très avancé pour certains.

Comment cette collaboration, avec le Conseil départemental de Guadeloupe, pourrait se poursuivre au profit d’une nouvelle génération de musiciens ?

Après ce premier jalon, il s’agit de créer un pont entre la Guadeloupe, avec le Conseil départemental et Berklee, pour permettre à des jeunes de poursuivre leur éducation musicale là-bas et de trouver de nouvelles opportunités de carrière.

Peut-on considérer l’album The Harlem Suite comme votre « autobiographie » musicale ?

Oui ! Pour la période de Harlem, ce sont les 20 années formatrices où j’étais sorti de Berklee. J’ai vraiment appris auprès des plus grands cet art, mais pas seulement le jazz. J’ai aussi joué de la Soul Music, du compas avec Tabou Combo… J’ai collaboré avec le groupe du percussionniste Giovanni Hidalgo : nous avons joué avec les plus grands Cubains de l’école du Latin Jazz ! C’est vraiment l’époque où je me suis approprié tout l’héritage de la diaspora africaine.

Il était important pour vous de partager le fruit de cette expérience sur un album spécifique ?

Absolument. Sans cette partie de ma vie, je ne serais pas l’homme et surtout le musicien que je suis aujourd’hui ! Quand j’ai commencé à fouiller dans mes tiroirs, à voir toutes ces compositions qui s’étaient amassées durant cette période, elles étaient cohérentes, elles faisaient naturellement partie d’un projet et d’un concept d’écriture. Habituellement, je pose les bases de ce qui me motive émotionnellement et à partir de cela, je compose. Dans le cas de The Harlem Suite, le concept existait sans que je le sache : l’imagination humaine est surprenante !

Quelle est la qualité essentielle pour réussir et durer dans ce métier ?

Il faut une endurance mentale extraordinaire ! Beaucoup ont du talent, mais s’inclinent devant les circonstances. Après un voyage, par exemple, avec le décalage horaire, certains n’arrivent pas à lutter contre la fatigue pour se concentrer sur la musique. Il faut trouver une façon d’ignorer la fatigue, et parfois la douleur, pour se concentrer et donner le meilleur de soi-même. C’est une combinaison d’endurance physique et mentale et bien sûr, la persévérance dans le temps. Pour arriver à un certain niveau d’excellence, le maintenir et le développer, c’est beaucoup d’heures de travail quotidiennes sur des années et parfois, sans résultat concret, sans reconnaissance professionnelle. Il y a souvent de longues traversées du désert. Ce n’est pas l’idéal pour quelqu’un qui n’a pas une passion absolue pour la musique. Si la musique n’est pas une récompense pour celui qui la pratique, s’il fait de la musique pour la reconnaissance, il est probable qu’il ne dure pas mentalement.

Après l’Europe, les Etats-Unis, le Canada, et la Martinique, en juillet, la Guadeloupe a enfin découvert The Harlem Suite en live, avec trois instrumentistes de talent à vos côtés (Arnaud Dolmen, Grégory Privat, Ian Quinton Banno). Que vous apporte cette nouvelle génération ?

Culturellement, je me retrouve plus facilement avec cette nouvelle génération. Elle s’est beaucoup débarrassée des préjugés qu’on avait sur la race, le jazz pur, le gwoka pur, les différences entre Guadeloupe et Martinique… Cette nouvelle génération est plus connectée à la notion d’humanité ouverte.

Quelles sont vos projets pour les prochains mois ?

Je débute en Guadeloupe une période sabbatique. Je vais travailler sur des projets personnels, notamment un manuel d’improvisation moderne, une d’« autobiographie philosophique » concentrée sur les moments précieux, ceux où on se découvre soi-même. J’ai aussi plusieurs projets musicaux, dont la prolongation de The Harlem Suite, dont on a interprété un titre en rappel au Fort Delgrès. J’en profiterai aussi pour poser les jalons d’un autre projet, The Mosaic Project, où je vais me pencher sur les musiques racines de 10 pays de la diaspora africaine.

Avec Sonny Troupé et d’autres artistes de la diaspora, vous êtes membre du collectif Black Lives : From Generation To Generation qui était en tournée ces derniers mois en Europe. Quels projets pour 2024 ?

On vient d’enregistrer un nouvel album qui va sortir en mars 2024 : j’ai fourni deux titres. Il y aura aussi des tournées avec le collectif qui réunit des « poids lourds » de la musique venus du monde entier.

Entretien : Cécilia Larney

Ambiance cabaret au Fort Delgrès

Michel Mado, président de la commission Développement culturel et gestion du patrimoine du Conseil départemental.

Il fallait y être pour le croire. Initialement programmé en octobre, à l’issue de rencontres avec les scolaires et l’animation de master class, le concert du saxophoniste Jacques Schwarz- Bart autour de son nouvel album, The Harlem Suite a finalement eu lieu au Fort Delgrès (Basse-Terre), vendredi 15 décembre. Le site historique avait revêtu ses habits de lumière pour accueillir les nombreux spectateurs, amateurs de jazz et profanes, qui ont succombé au même plaisir musical, malgré le retard au démarrage. Les rappels réclamés par le public ont été satisfaits par le quartet qui a généreusement interprété un inédit de The Harlem Suite 2 !

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