Enseignante-chercheuse en neurosciences cognitives à l’université de Lyon, Irène Cristofori est invitée du Salon du livre régional de la Région Guadeloupe, jusqu’au 9 décembre au MACTe (Pointe-à-Pitre).
La dématérialisation favorise-t-elle la lecture ?
Irène Cristofori : Je ne pense pas : les jeunes, la plupart du temps, utilisent les écrans pour d’autres activités que la lecture. Les recherches montrent que le temps passé sur l’écran pour les loisirs est disproportionnellement plus important que le temps consacré aux travaux scolaires.
Quels sont les effets de l’écran sur le cerveau ?
Beaucoup d’études montrent des effets multiples, et négatifs pour la plupart, à tous les niveaux de la cognition : l’attention, la mémoire, le langage… On a même observé du retard dans le langage chez les enfants qui ont été exposés trop tôt, avant l’âge de 3 ans, aux écrans. D’ailleurs, l’Organisation mondiale de la santé déconseille l’exposition aux écrans avant un certain âge. Les écrans ont aussi un effet néfaste sur le sommeil écourté, on a des difficultés à s’endormir parce le cerveau est en état d’excitation. Les écrans favorisent aussi l’obésité parce qu’on ne pratique pas d’activité physique. Et, on a moins d’interactions sociales.
Comment déconnecter les plus jeunes des écrans, qui font partie de leur quotidien ?
On planche sur le sujet. Parmi les alternatives, il y a la lecture, les activités sportives, sociales, comme les sorties entre amis, apprendre des choses nouvelles. Il faudrait aussi mettre en place des actions de prévention : on peut agir sur les enfants dès la Maternelle et aussi les parents avec une éducation aux écrans pour les informer des effets des écrans sur le cerveau et des bienfaits de la lecture.
Que révèlent vos observations de la lecture d’un ouvrage en ligne ou sur support papier ?
La lecture en ligne d’un roman est moins efficace en termes de mémorisation d’information que sur le papier. Des études montrent que sur l’écran, on décroche plus rapidement du livre que pour la version papier. De la même manière, on observe qu’il y a beaucoup de cours en ligne qui se sont développés pour tous les publics et on a noté un fort décrochage : les inscrits ne terminent pas les cours. Nous avons aussi eu l’exemple avec nos étudiants pendant le Covid : il y a eu un gros décrochage, une baisse importante des notes… Nous sommes des êtres sociaux, nous avons besoin d’être en interaction avec les autres. L’apprentissage à travers l’écran n’est pas plus efficient : l’implication, l’aspect émotionnel, la motivation, l’engagement ne sont pas les mêmes.
Entretien : Cécilia Larney