In memoriam Solange Coudrieu, martyr de 1967

Solange Coudrieu, victime des événements de mai 1967 à Pointe-à-Pitre, est décédé.

Les 26, 27 et 28 mai 1967, la Guadeloupe a connu l’horreur. Un véritable massacre qu’il est toujours difficile de comprendre cinquante ans plus tard. 

80 victimes officiellement, on a dit 200… des Guadeloupéens qui manifestaient sur la place de la Victoire pour quelques francs de plus, mais aussi des gens qui passaient dans la rue… Une affaire d’Etat qui n’a pas trouvé d’explication malgré une commission d’enquête historique conduite par Benjamin Stora.

Abattu dans la rue

Au nombre de ces victimes, mutilé à vie, Solange Coudrieu, professeur d’éducation physique, abattu dans la rue, alors qu’il était venu à Pointe-à-Pitre acheter un cadeau pour la fête des mères…

Solange Coudrieu n’est plus. Il a quitté ce monde tourmenté. L’annonce de sa mort fait remonter dans les esprits ces témoignages qu’il apportait, rarement, car Solange Coudrieu était un homme debout, fier. 

On m’avait dit qu’il était méfiant, peu enclin à se livrer. Pourtant, un jour de 2017, je lui ai téléphoné, j’ai pris rendez-vous. Il a accepté, m’a reçu chez lui à Baie-Mahault. Un long entretien, difficile, poignant, avec un homme profondément marqué par ce qu’il considérait comme une atrocité, une injustice terrible. 

Je l’ai revu, plus tard, la dernière fois à l’hippodrome d’Anse-Bertrand, avant la pandémie. Il était souriant, heureux de se détendre avec des amis. Nous avons échangé quelques phrases. 

C’est un grand témoin de l’histoire de la Guadeloupe qui disparait. 

André-Jean VIDAL

L’interview vérité

Quatre extraits de cette interview vérité donnent le ton. 

« En 1967, j’étais professeur d’éducation physique et sportive, entraîneur d’athlétisme et maître-nageur sauveteur. La seule politique que je faisais, c’était celle du sport. « Venez au stade ! » »

Solange Coudrieu est à Pointe-à-Pitre avec son épouse. Ils se séparent, font de courses… En fait, la Guadeloupe ne sait pas ce qu’il se passe à Pointe-à-Pitre où des patrouilles armées sillonnent les rues, tirant sans sommation, sans discernement.

« J’ai entendu comme une détonation. Je me suis dit que c’était une vitre qui avait explosé. Tout de suite après, j’ai senti un choc violent à l’arrière de la jambe. La jambe droite. La jambe qu’on coupait aux esclaves qui s’étaient enfuis. Quatre hommes ont été ainsi tirés à la jambe droite, ces jours-là. Ce n’est pas une coïncidence. Je me suis écroulé sur le trottoir. J’ai fait le mort. » 

Des gens qui passent là le voient, sur le trottoir, grièvement blessé. On l’embarque dans une voiture et on le conduit à l’Hôpital Ricou. Les premiers soins, en urgence, l’anesthésie. Le réveil dans une chambre. Dans un semi brouillard, Solange Coudrieu voit défiler des médecins, des infirmières, des amis, son épouse. 

« J’avais une forte volonté malgré la douleur. Les gens qui venaient me voir me parlaient des difficultés que j’aurais… Bref, personne ne me le disait jusqu’à ce que ma femme me dise : « On t’a amputé. » Voilà. »

La vie a repris, Solange Coudrieu est sorti de l’hôpital, il a su ce qui s’était passé. Il a poursuivi sa vie. Avec courage. A 80 ans, quand nous l’avons rencontré, il était encore marqué par ce drame personnel. Mais, tout autant révolté contre une société qui peut se permettre de massacrer une population sans que jamais on ait désigné les responsables de cette tuerie d’Etat. 

« Je suis aujourd’hui, malgré les douleurs qui persistent, les coups d’électricité que me fait mon moignon parfois, toujours debout. Un homme debout. »

Guy Losbar : « Lonnè é respé pou on vayan nonm ! »

C’est « avec une profonde tristesse » que le président du Conseil départemental Guy Losbar a appris le décès de Solange Coudrieux, « un homme engagé, particulièrement attachant qui a laissé son empreinte dans l’Histoire de la Guadeloupe.
Marqué dans sa chair et son cœur par les événements de mai 1967, il aura toute sa vie durant milité pour que cette sombre page de notre Histoire soit connue du plus grand nombre, notamment au sein de l’association Anmwé 67.
D’une grande humanité, toujours soucieux de son prochain et d’une abnégation sans faille, il fut un combattant de la vie, particulièrement actif au service de la cause des personnes porteuses de handicap.

Le Président Losbar et l’ensemble des élus du Conseil Départemental, tiennent à adresser leurs condoléances attristées à sa famille et à ses proches.

Ary Chalus : « La mémoire vivante
de mai 1967 s’en est allée »

Le président de Région, Ary Chalus, salue la mémoire de Solange Yvon Coudrieu, « symbole et grand témoin d’une des pages de l’Histoire de la Guadeloupe. »

« Blessé dans sa chair lors des événements de mai 1967, ce qui lui a valu une amputaLon de la jambe, il n’a eu de cesse de témoigner au nom des sans voix et de ceux qui ont perdu la vie lors de ce massacre, notamment au sein de l’associaLon Anmwé 67.
La Guadeloupe perd aujourd’hui une de ses mémoires vivantes. Solange Yvon Coudrieu restera l’un des symboles de Mai 67. »

Au nom des élus régionaux, le président Chalus adresse à sa femme, ses enfants et à ses proches, ses sincères condoléances.

Et aussi…

Une réaction du Mouvement International pour les Réparations

Le Mouvement International pour les Réparations de Guadeloupe apprend avec stupeur la disparition de Solange Coudrieu.

L’ensemble de notre mouvement s’associe à la douleur de votre famille pour la perte de cet être cher. Nou ka voyé un gran kyenbé rèd pou zòt é nou ka di zòt fòs é kouraj.

Nou ka gloryé :

  • Ce jeune professeur d’éducation physique dont la vie a basculé lors des évènements de mai 67 et qui fut un modèle pour de nombreuses générations de guadeloupéens.
  • Un grand résistant, victime de la violence des forces coloniales qui se déchainèrent en mai 1967 à Pointe-à-Pitre, malgré la perte de sa jambe arrachée par une balle « doum-doum », il continua le combat devant les tribunaux pour réclamer justice à l’État colonial français
  • Un homme courageux qui sera partie prenante à Paris lors du procès des patriotes guadeloupéens
  • Un grand témoin qui alla au-devant des nouvelles générations pour démystifier les actions violentes menées par les autorités françaises en Guadeloupe.
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