Président de la République, Emmanuel Macron salue un géant de la musique française et mondiale. A sa famille, ses amis, ses admirateurs, il adresse ses plus sincères condoléances.
Monstre sacré du zouk, guitariste hors pair, voix emblématique des Antilles, Jacob Desvarieux était tout cela à la fois. La légende du groupe Kassav’, qui a fait danser le monde entier et a jeté des ponts entre les Antilles, l’Europe et l’Afrique, s’est éteinte hier.
Né à Paris en 1955, Jacob Desvarieux grandit entre la Guadeloupe, la Martinique, et le Sénégal avant de rejoindre la capitale et Marseille. A dix ans, il voulait un vélo, mais sa mère préféra lui acheter une guitare, sur laquelle il ne commença vraiment à faire ses gammes qu’au Sénégal, sous la férule amicale d’un voisin qui deviendrait plus tard le bassiste de Youssou N’Dour.
Retour aux sources de la musique antillaise
Dans la cité phocéenne, ensuite, il rejoignit un groupe de rock et devint arrangeur. Il avait déjà trouvé sa voie, mais il lui fallait encore définir son cap. Celui-ci se dessina par la grâce d’une rencontre, celle de Pierre-Édouard et de Georges Décimus, qui avaient un espoir en tête et un projet à cœur : créer un groupe qui revienne aux sources des musiques antillaises pour partir à l’assaut du monde. Puiser au particulier pour viser l’universel, en somme. Le nom du groupe était déjà tout trouvé : Kassav’, « galette de manioc » en créole. C’est ainsi que le groupe naquit en 1979, et il s’ouvrit bientôt à d’autres talents issus de Martinique avec Jean-Philippe Marthély, Jocelyne Béroard et Jean-Claude Naimro, et de Guadeloupe avec Patrick Saint-Eloi et Claude Vamur.
Une musique qui conquit la planète
C’est en puisant au plus profond de l’héritage antillais que la musique de Kassav’, dont le chant entièrement en créole avait valeur de manifeste, sut faire chalouper les corps et ouvrir les esprits dans le monde entier. En 1984, Jacob Desvarieux et Georges Décimus composèrent à Haïti un tube devenu légendaire : Zouk la sé sèl médikaman nou ni. Cette chanson donna son nom à la musique de Kassav’ : le zouk, un genre musical nouveau qui conquit la planète en mariant les musiques de la Caraïbe, comme le konpa haïtien, le reggae jamaïcain ou le gwoka guadeloupéen, et les rythmes internationaux du jazz, du rock et du funk.
Avec le zouk, Kassav’ venait ainsi, au cœur des années 1980, d’inventer un hymne à la fête et de lancer au monde une grande invitation à la danse. Le groupe donna à la musique antillaise son passeport pour un succès international sans précédent, tout en affirmant son identité plurielle et métissée, issue du drame de l’esclavage dont Jacob Desvarieux portait la mémoire à travers la musique.
Des millions de disques vendus, une Victoire de la musique
Monument dans toutes les Antilles, groupe star dans l’Hexagone et en Afrique, Kassav’ fut la première formation française à remplir le Stade de France. En mai 2019, le groupe fêtait ses 40 ans au complet dans la plus grande salle de concerts d’Europe, celle de La Défense Arena, à Paris. Pendant ces quarante années, les musiciens de groupe auront publié, ensemble ou en solo, plus de 80 albums, vendu des millions de disques, remporté une Victoire de la musique, joué plus de 60 fois au Zénith, et fait des tournées aux quatre coins de la planète.
Encensés par Miles Davis dans son autobiographie, acclamés dans des stades pleins en Afrique depuis leur première tournée sur le continent en 1985, les Kassav’ n’ont jamais cessé de rassembler les foules sur tous les continents, portés par la formidable machine à danser que faisait tourner Jacob Desvarieux et le reste du groupe. Lui a rejoint hier, au panthéon de la musique, les idoles de son enfance, Chuck Berry et Jimi Hendrix.