Un camion vient de distribuer plusieurs caisses de produits alimentaires à Miragoâne, mercredi 18 août, tard dans la soirée. « Nous avions une mission dans les Nippes, particulièrement à Miragoâne, parce que nous constations que les organisations non gouvernementales ont abandonné ce département, cependant quand nous sommes arrivés, on ne voyait aucune trace de dégâts. Nous avons distribué rapidement les produits alimentaires pour pouvoir retourner à Port-au-Prince dans la soirée », raconte M. Jacques, l’air fatigué.
Cette situation aurait pu arriver dans beaucoup d’autres grandes communes du département des Nippes. À Plaisance, Anse-à-Veau ou Petite-Rivière, le tableau des arbres qui cachent la forêt de détresse est peint avec la même couleur
« C’est un séisme des milieux ruraux. Dans une même localité, la réalité du milieu urbain et suburbain peut masquer grandement les dégâts incommensurables en milieu rural », explique le Dr Jim Victor, un épidémiologiste attaché à la direction sanitaire des Nippes.
L’ambiance festive qui a lieu chaque soir au carrefour Desruisseaux à Miragoâne, moins d’une semaine après le séisme du 14 août 2021, est loin d’être le thermomètre de la situation dans les Nippes.
Il ne faut absolument pas rester dans les grandes villes, conseille un agent de santé communautaire. « Quand on vous dit qu’il faut aller à Anse-à-Veau, l’Asile, Plaisance-du-Sud, Arnaud, Paillant, etc., il ne faut pas rester dans ces communes. Faites-vous accompagner par des guides locaux, arpentez les sections communales et vous verrez l’ampleur réelle de la catastrophe. La catastrophe des oubliés », invite ledit agent.
Avec une équipe de médecins sur le terrain, un guide traverse une dizaine de kilomètres pour orienter quelques organisations locales et internationales vers une localité perdue dans la commune d’Arnaud. Une zone presque sans nom constituée d’une trentaine de maisonnettes, désormais détruites, maladroitement érigées le long d’une colline.
L’horreur post-séisme est aussi palpable à Anse-à-Veau. Elle l’était bien avant. À présent, c’est la course au pire.
« On pensait que c’était la fin du monde, on sortait pour regarder le ciel, et c’est ce qui nous a sauvés d’ailleurs. Depuis samedi, on dort à la belle étoile; on soigne les blessés avec nos feuilles », rapporte M. Jeff Lainé, leader communautaire à Bord de mer, interrogé alors qu’il se rendait à Anse-à-Veau à la recherche de produits alimentaires pour les siens.
A quelques encablures de la maison détruite de M. Lainé se trouve Chrislène, à la rue du Quai. « Ma maison a été complètement détruite. Des amis m’ont offert un petit espace pour me reposer. Je suis à bout de souffle avec mes 3 enfants », s’époumone Chrislène, qui a vu l’ouvrage de sa vie détruit en moins de 10 minutes. « J’habite ici depuis une vingtaine d’années; cette maison était tout ce que j’avais », se désole-t-elle, attendant l’arrivée des secours qui mesurent trop souvent la réalité des petites localités à l’aune de ce qui se passe dans les grandes communes.
Dire que les secours n’arrivent pas dans ces petites localités difficiles à identifier sur la carte est un euphémisme. La situation est catastrophique dans les Nippes. Cependant elle est occultée par celle des principales communes de ce département.
Source : Le Nouvelliste