Haïti. Rodney Saint-Eloi, Anne-Louise Mésadieu, Guy-Régis Junior honorés par la République française

Rodney Saint-Éloi, Anne Louise Mésadieu et Guy Régis Junior figurent parmi les personnalités honorées cette année par la ministre de la Culture de la France, Roselyne Bachelot. Saint-Éloi et Mésadieu sont nommées Chevaliers des Arts et des Lettres, alors que Régis est nommé Officier des Arts et des Lettres. Cette décoration honorifique française récompense les personnes qui se sont distinguées par leur création dans le domaine artistique ou littéraire ou par la contribution qu’elles ont apportée au rayonnement des arts et des lettres en France et dans le monde. 

Contacté par Le Nouvelliste ce mercredi, Guy Régis Junior estime très intéressante cette distinction. « Il y a une reconnaissance du travail accompli sur le terrain. Il faut saluer et apprécier tout ce qu’il y a de bon et qui concerne Haïti. Ce titre est assez intéressant. Parce qu’on n’est pas nombreux à l’avoir en Haïti », estime le dramaturge. 

« Il faut continuer à montrer cette autre image d’Haïti, afin qu’on arrive à parler d’Haïti autrement. »

GUY-REGIS JUNIOR

Selon Guy Régis Junior, cette distinction vient éclairer le travail qu’il réalise depuis quelques années.

Il croit qu’il a été honoré par le ministère de la Culture de France à la fois comme écrivain et comme opérateur culturel, initiateur du Festival Quatre chemins. « Au niveau de l’international, on se rend compte qu’il y a un travail qui se fait en Haïti. Il y a des gens en Haïti qui suivent aussi ce qui se passe. (…) Le ministère de la Culture en France s’intéresse beaucoup à ma carrière d’écrivain et de dramaturge. On me connait en tant que dramaturge et metteur en scène, mais aussi en tant que quelqu’un qui travaille en Haïti », a-t-il expliqué.

Cette reconnaissance survient dans un contexte très critique en Haïti. De l’avis de Guy Régis Junior, cela montre qu’il faut continuer de travailler afin de montrer une autre image d’Haïti. « Je viens de la rue Charéron, près de la grand-rue, près de Baz Atis rezistans. Je continue de travailler. Cette distinction nous encourage à continuer. Il faut continuer à montrer cette autre image d’Haïti, afin qu’on arrive à parler d’Haïti autrement. On a d’autres choses à montrer au monde. C’est pour cela que je continue à organiser un festival de qualité malgré les difficultés », soutient Guy Régis Junior.

Pour sa part, la Française d’origine haïtienne Anne Louise Mésadieu avait, en mai dernier, fait part de sa satisfaction après avoir reçu cette distinction. « J’avoue que ce n’est pas sans une certaine émotion que j’ai découvert mon nom sur la liste des personnalités décorées. Joie et fierté résument en somme mon état, eu égard à mon parcours de petite Franco-Haïtienne née à la maternité Isaïe Jeanty un 12 janvier en Haïti »,avait-elle confié au Nouvelliste.

Passionnée de culture, Anne-Louise Mésadieu œuvre depuis quelques années afin de promouvoir et favoriser l’accès à la culture au plus grand nombre. « Je suis particulièrement fière du café du forum des savoirs que j’ai initié et anime depuis plus de 10 ans, un samedi par mois, autour des sujets multiples et variés dans ma ville, à Chaville. Il y a aussi les soirées philo que j’organise une fois par trimestre avec de prestigieux philosophes, tels Étienne Klein, Raphaël Enthoven, Cynthia Fleury, François Xavier Bellamy… L’objectif étant d’inviter le public à la réflexion et à l’échange », avait ajouté Anne Louise Mésadieu. 

Conseillère régionale, madame Mésadieu estime que ce titre honorifique est une distinction individuelle pour un effort collectif. « Je pense pouvoir dire que cette distinction est le fruit du travail et résulte en partie de mon engagement à la région Ile-de-France auprès de Valérie Pécresse qui a fait choix de moi et m’a confié la présidence de la commission culture, des résidences d’écrivains et du fonds de soutien cinéma. C’est d’ailleurs un des membres du comité de lecture des scenaris, le producteur scénariste Djamel Bensalah qui a suggéré mon nom à la ministre de la Culture, Madame Roselyne Bachelot. Qu’hommage soit donc rendu à Valérie et Djamel avec une mention spéciale pour notre conseiller culture à la région, François Demas, qui n’a cessé de m’accompagner et me porter durant tout ce 1er mandat », a-t-elle déclaré.

Déjà en 2019, Rodney Saint-Éloi avait été nommé Compagnon des arts et des lettres du Québec en 2019. Cette année, il vient d’être honoré par la République française. Contacté par Le Nouvelliste, il explique avoir reçu cette excellente nouvelle chaleureusement.

Toutefois, il souligne qu’il garde encore les pieds sur terre. « Je ne me prends pas pour un autre. Je suis le même humain d’avant cette distinction. J’ai écrit à la ministre Bachelot-Narquin pour lui dire merci de m’avoir décerné le grade de Chevalier dans l’Ordre des Arts et des Lettres de la République française, pour ma contribution et mon engagement au service de la culture.  J’ai ajouté ceci : Cette distinction veut dire que je ne baisserai pas les bras. En tout cas, pas de sitôt. Je me remets au travail en toute humilité », a-t-il déclaré au journal. 

« Il faut hurler fort. Ne plus accepter le ronronnement d’un milieu où les élites politiques, économiques, sociales, culturelles et intellectuelles ont échoué. »

RODNEY SAINT-ELOI

Questionné sur le sens de cette reconnaissance pour sa carrière, Rodney Saint-Éloi a répondu ainsi. « Ma carrière est en route. Toujours en route. Je préfère parler de mes combats. Ma carrière, je ne sais pas trop ce que cela veut dire. Je travaille. J’écris. Je lis. J’édite. Je viens de publier un livre qui a été accueilli avec beaucoup d’enthousiasme : Les racistes n’ont jamais vu la mer, avec mon amie palestinienne, la romancière et éditrice Yara El-Ghadban. Le public me réconforte par l’accueil réservé à ce livre que l’on va devoir réimprimer au début de l’année. Mon roman Quand il fait triste Bertha chante, publié au Québec chez Québec-Amérique est repris en France chez Heloïse D’Ormesson à compter du 20 janvier 2022. Dans la fameuse collection Point (Seuil), quatre de mes recueils de poèmes ont paru en anthologie sous le titre Nous ne trahirons pas le poème et autres recueils. Mes livres sont traduits en allemand et en anglais en 2021. Je continue mes combats. En donnant voix à mes fantômes, je continue la route, en regardant demain, en forgeant l’horizon du vivre-ensemble », a-t-il dit. « Je veux continuer, avec ou sans reconnaissance. Je veux me réveiller tous les matins, et inventer le jour, et partir en quête d’une quelconque lumière », a-t-il poursuivi.

M. Saint-Éloi pense que ce prix est une petite tape dans le dos pour lui rappeler l’usage de sa présence au monde. « Je dois faire bouger les choses. Je dois avancer. Je dois bousculer les horizons. Je dois continuer à faire-refaire l’histoire. Continuer à penser au nouveau narratif. Continuer à appeler de tout mon cœur la beauté et la justice. Je veux être au rendez-vous de l’histoire. Et cette histoire, c’est moi qui dois le faire. Un écrivain n’attend rien. Il écrit. Je n’attends pas de prix. Les prix confirment une seule chose : je dois m’enfermer pour écrire, lire et éditer. Je dois parler à moi-même, me dire à moi-même un certain nombre de vérités, éviter de courir tous les jours après la gloire. Je veux simplement m’asseoir pour agir et regarder le monde. Je dois refuser tous les compromis et les horreurs. Je ne dois pas accepter l’inacceptable. Je dois penser la révolution. Pour devenir un humain responsable de moi-même, capable d’humanité et de beauté. Je dois simplement devenir plus grand que moi », croit-il. 

Dans un contexte marqué par l’insécurité et une crise multidimensionnelle en Haïti, Rodney Saint-Éloi appelle les écrivains à la révolte. « C’est la seule chose salutaire que je vois. Sinon, il n’y a pas d’avenir. Se révolter. Ne pas accepter ce qui est établi. Ce qui est établi doit être défait. Ce qui est établi a échoué. Lamentablement. La vérité est qu’il faut tout recommencer, même l’espoir. Il ne faut pas s’accommoder de cette déroute colossale. Il faut en faire table rase. Il faut oublier les petits moralistes. Il faut oublier les petits affairistes. Il faut oublier les banquiers de la misère. Il faut oublier les prophètes. Il faut hurler fort. Ne plus accepter le ronronnement d’un milieu où les élites politiques, économiques, sociales, culturelles et intellectuelles ont échoué et échoué de la pire manière. La seule promesse est dans la révolte », a-t-il rappelé.

Source : Le Nouvelliste

Lien : https://lenouvelliste.com/article/233315/rodney-saint-eloi-anne-louise-mesadieu-et-guy-regis-junior-honores-par-la-republique-francaise

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