Haïti. Recherché par le FBI, sa tête mise à prix, il reçoit CNN non loin de l’ambassade des USA

Sur ses gardes mais en situation de contrôle de son fief, à Tabarre, non loin de l’ambassade américaine, Vitelhomme Innoncent, 37 ans, puissant chef du gang Kraze Baryè, a passé plus de cinq heures avec une équipe de CNN.

En interview avec la chaîne américaine d’informations en continu, Vitelhomme Innocent, sanctionné par les USA pour « graves violation des droits humains » et placé sur la liste des 10 personnes les plus recherchées par le FBI pour kidnapping et l’assassinat, n’a pas nié les morts, les incendies, les viols ou les enlèvements commis par les gangs.    

Le criminel a déclaré à CNN qu’il avait commis « quelques erreurs ». Il a qualifié les derniers mois de violence meurtrière dans les rues de dommages collatéraux. Les décès, tant accidentels qu’extrajudiciaires, ont également été causés par la police, souligne-t-il, police qui « refuse d’engager le dialogue », selon lui. Son seul regret, dit-il, cité par CNN, est de s’être engagé dans la politique. Le regroupement de gangs dénommé Vivre ensemble est comme une entité progressiste. « Notre rêve est de nous débarrasser des oligarques qui empêchent le pays de progresser », a déclaré le chef de gang. Au plan politique, il a affirmé que les gangs s’opposent maintenant au Conseil présidentiel de transition. 

Pour le redoutable chef de gang qui s’est exprimé en partie dans le confort d’une maison, il a étalé ce qu’il pense être une « solution ». « Asseyez-vous et écoutez Viv Ansanm. Ensuite, il y aura une résolution dès que possible », a-t-il dit. 

Le criminel recherché que l’on voit montrer les ruines de sa maison détruite par les police, a critiqué le Conseil présidentiel fraîchement installé. Outre son désir de se débarrasser des « oligarques », les anciennes élites politiques doivent disparaître, selon Vitelhomme Innoncent, qui a une nouvelle fois soutenu que les gangs ont longtemps entretenu une relation symbiotique avec les dirigeants du pays. Ceux-ci utilisaient des groupes armés pour exercer une pression sur leurs rivaux par le biais d’enlèvements et d’autres attaques. « Oui, j’ai un groupe armé. Je les dirige », a déclaré Innocent, interrogé sur l’implication de Kraze Baryè dans les enlèvements. « Mais, quand on y réfléchit bien, est-ce que ces gars ont vraiment une idée de qui kidnapper et de qui ne pas kidnapper ? Pas du tout », a-t-il dit, avant d’accuser des politiques d’être les donneurs d’ordre de crimes. Il indique avoir obtenu des armes de gens puissants. 

« Prenons un exemple clair. Nous ne pouvons pas voyager. Nous ne pouvons pas importer. Nous ne pouvons pas exporter. Pourtant, il y a toujours des armes qui arrivent. Il y a toujours des balles. Et nous n’avons aucun représentant à la frontière. Nous n’avons pas de représentants à la douane. Pourtant, tous ces matériels passent exactement par ces canaux. Comment parviennent-ils jusqu’à nous ? », a avancé Vitelhomme Innocent dans cette interview.

Pour un article, sur le même sujet, CNN a donné la parole à des voix contradictoires, dont la journaliste Marie Lucie Bonhomme Opont et son mari Pierre Louis Opont qui ont été kidnappés par le gang de Vitelhomme Innocent. Marie-Lucie Bonhomme Opont, 55 ans, journaliste bien connue de la radio et de la télévision qui a vécu à Tabarre, a une vision différente de ce qui a transformé le quartier en l’endroit désolé qu’il est aujourd’hui. Elle a été attaquée par des membres de Kraze Baryè en juin de l’année dernière puis kidnappée et amenée à rencontrer Innocent lui-même. « C’était au milieu de la nuit et je dormais quand j’ai soudain entendu un énorme vacarme en bas de chez moi, se souvient-elle. Une trentaine de personnes armées ont fait irruption dans ma maison et ont commencé à la piller, prenant des objets et même de la nourriture dans la cuisine. »

Les cambrioleurs ont exigé de l’argent, puis, apparemment insatisfaits, l’ont emmenée avec eux. Ils ont roulé pendant environ 45 minutes, selon Mme Opont.

«J’ai eu tellement peur,  j’étais choquée que cela puisse se produire chez moi. Je sais que ce sont des violeurs, ils ont commis des viols atroces et d’autres crimes », explique Marie Lucie Bonhomme Opont. Ils se sont finalement arrêtés dans l’obscurité. » Mme Opont raconte à CNN qu’Innocent lui-même s’est alors approché de sa voiture et lui a demandé si elle reconnaissait sa voix. « Bien sûr que oui, dit-elle. Il avait l’habitude de donner des conférences de presse et était très actif sur les médias sociaux. Il a semblé la reconnaître également, s’adressant à Mme Opont par son nom. Bien sûr qu’il savait qui j’étais, dit-elle. Tout le monde dans le quartier sait que c’est notre maison. Mais je ne sais pas pourquoi ils m’ont emmenée. Je me le demande encore. » Elle a été libérée tôt le lendemain matin, sans explication.

Son mari, enlevé une semaine plus tard, n’a pas été aussi bien traité. Retenu de force pendant plusieurs jours sans ses médicaments, Pierre-Louis Opont n’a été libéré par Kraze Baryé qu’après avoir obtenu une forte rançon de sa famille, dit-elle à CNN. 

Le couple Opont a immédiatement quitté Tabarre. « C’est ce que nous appelons en Haïti un territoire perdu », dit-elle en parlant de son ancien quartier.

« C’est une zone rouge, précise Mme Opont. Quelques jours après l’enlèvement de mon mari, des membres de gangs se sont installés dans une maison près de la route principale et ont tiré sur les véhicules qui passaient. » Elle se questionne sur les motivations des chefs de gangs qui prétendent se battre pour libérer Haïti.

« Pourquoi attaquer des gens ordinaires si vous essayez de défendre le peuple ?, se demande Mme Opont. Tout le quartier est constamment terrorisé par des bandits armés. Comment les gangs peuvent-ils dire qu’ils travaillent pour le bien du pays alors qu’ils commettent aussi des enlèvements et que tant de femmes ont été victimes de viols brutaux ? », s’est interrogée Marie Lucie Bonhomme Opont, citée dans ce papier de CNN. 

Source : Le Nouvelliste

Lien : https://lenouvelliste.com/article/247915/recherche-par-le-fbi-sa-tete-mise-a-prix-il-recoit-cnn-non-loin-de-lambassade-des-usa

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