L’argent se fait rare à Jérémie. Entre le manque de liquidités et la dégradation des billets de gourdes, les usagers, les banques et bureaux de transfert sont à couteaux tirés. Une situation qui n’est pas sans conséquence sur le quotidien des Jérémiens. Le Nouvelliste essaye de comprendre les causes et les conséquences de ce phénomène.
Le casse-tête des clients et des responsables
des maisons de transfert
On est le mardi 10 décembre 2024, 10 a.m. À l’entrée de certains de ces bureaux, ce sont d’interminables files d’attente. Impossible pour un client d’arriver à l’intérieur en vue d’effectuer une transaction, car bon nombre d’entre eux refusent de se conformer aux règles. Sur les visages de quelques-uns, c’est la désolation.
« Cela fait trois jours depuis que je suis en attente pour effectuer le retrait d’un transfert d’un cousin à l’étranger. Avec le numéro du transfert en main, à cause du manque ou de l’absence de liquidités dans les services de transfert, je ne réussis pas à finaliser la transaction », déplore Mario, un client qui pointe du doigt le responsable. D’autres personnes accusent les employés de ces bureaux. Ces derniers, aux dires des clients, leur réclament un pourcentage sur l’argent du transfert pour qu’ils puissent leur faciliter le paiement.
Contrairement à ce que les clients pensent, les responsables des maisons de transfert sont aussi, depuis quelques mois, dans la tourmente. Joint par téléphone par Le Nouvelliste, Me Edson Joseph, qui tient un bureau de quatre services à la rue Mgr Baugé, a fait le point. Selon l’homme d’affaires, sa principale source de liquidités, ce sont les banques. Mais cela fait un mois depuis que ces institutions sont dans l’incapacité de le desservir comme à l’accoutumée, se désole M. Joseph. Pour pallier cette situation, il s’est dit obligé de recourir à d’autres stratégies. Conséquence, indépendamment de sa volonté, il réduit l’horaire et le nombre de jours de fonctionnement de la maison.
Rareté et dégradation des billets
de gourdes, l’autre puzzle
A la banque, dans les boutiques, les petits commerces et le marché informel, la rareté et la dégradation des billets soulèvent des inquiétudes dans la cité des poètes. « Je voulais effectuer un retrait de 40 000 gourdes, ils m’ont autorisé à prendre seulement la somme de 25 000 gourdes. De plus, la majorité des billets de ladite somme qu’allait me remettre la caissière étaient en piteux état », s’est plaint Marx Villebrun, un client d’une banque commerciale, qui est obligé d’annuler la transaction.
Pour rappel, trois banques et une caisse populaire, à savoir la Banque nationale de crédit (BNC), la Unibank, la Sogebank et la Caisse populaire pour l’avancement de Jérémie (CAPAJ), desservent la population de la Grand’Anse.
Pas de crise de liquidités en Haïti
Ce qui est sûr, cette situation n’est pas liée à une « crise de liquidités en Haïti. Au contraire, l’économie haïtienne est en surliquidité. La BRH en a assez », a précisé un économiste haïtien contacté par le journal, qui a souhaité toutefois garder l’anonymat.
Selon le spécialiste, la rareté et la dégradation des billets constatées sont liées à l’insécurité, l’absence de vol international dans le pays. Autre facteur évoqué par notre interlocuteur est la restriction ou l’absence de transport interdépartemental dû aux activités des gangs armés. « Ces réalités empêchent la BRH d’alimenter les succursales en province, et en même temps de faire entrer sur le sol haïtien les nouveaux billets imprimés à l’étranger », conclut l’analyste.
Notons que les billets de dix, vingt-cinq, cent et deux cent cinquante gourdes sont presque introuvables à Jérémie.
Source : Le nouvelliste