Marché noir, perte de change, laxisme du gouvernement… la pénurie de carburant persiste.
Le terminal pétrolier de Varreux livre de moins en moins de produits pétroliers sur le marché local.
La livraison quotidienne est passée en moyenne d’un million de gallons de carburant en juillet dernier à environ 500 000 pour ce mois d’août.
« Deux compagnies pétrolières ont cessé de placer des commandes. Le terminal de Varreux a reçu un bateau le 9 août contenant 60 000 barils de gazoline. La prochaine commande arrivera au pays le 15 août avec environ 60 000 barils de diesel et 32 000 barils de kérosène », ont confié jeudi au Nouvelliste des opérateurs pétroliers.
« L’arrivage du 15 août ne représente que 5 à 6 jours de consommation nationale. Pour le moment, il n’y a pas d’autres commandes placées », ont souligné nos sources.
Depuis deux ans, le pays fait face à une pénurie de carburant dans les stations d’essence alors que le marché noir fleurit.
C’est le chaos total dans les quelques rares stations-service qui livrent le précieux liquide. Comme tout le monde, le gouvernement constate la situation et ne fait rien.
Intervenant jeudi matin à l’émission Panel Magik sur radio Magik9, Jean Jackson Marseille, propriétaire de station d’essence, a critiqué les autorités d’hier et d’aujourd’hui qui n’ont jamais respecté la loi de 1995 sur la fluctuation des prix de l’essence sur le marché international.
La consommation nationale en carburant n’a pas diminué alors que les commandes ont diminué, a-t-il fait remarquer.
Des particuliers concurrencent
les stations-services
Interrogé sur l’alimentation du marché noir, Jean Jackson Marseille a déclaré qu’il y a des particuliers qui sont détenteurs d’une patente les autorisant à placer des commandes de carburant tandis qu’ils n’ont pas de stations d’essence.
Il a souligné que ce sont ces individus qui alimentent le marché informel en carburant.
Prenant la défense des responsables des stations d’essence souvent accusés d’alimenter le marché noir, M. Marseille a indiqué que les propriétaires de stations-service sont aussi des victimes de cette situation.
Selon lui, une fois une commande arrivée dans une station d’essence, les marchands de l’informel l’envahissent avec des gallons jaunes et empêchent la bonne distribution du produit.
Pour résoudre la pénurie de produits pétroliers et le marché noir, il faut importer le carburant en quantité suffisante pour alimenter le pays, a estimé Marc-André Dériphonse, président de l’Association des propriétaires de stations d’essence (ANAPROS), qui intervenait aussi à l’émission Panel Magik.
« Les commandes placées ces derniers jours ne peuvent alimenter le pays que pendant quelques jours », a-t-il rappelé.
Selon Dériphonse, à cause du doute dans l’approvisionnement à temps du marché local, les grandes entreprises du pays comme celles qui évoluent dans les télécommunications stockent beaucoup de produits pétroliers pour pouvoir continuer de fonctionner.
Le président de l’Association des propriétaires de stations d’essence a admis cependant qu’il y a des propriétaires de stations d’essence de mauvaise foi qui alimentent le marché noir.
Marc-André Dériphonse a par ailleurs souligné que les gens qui viennent acheter à la pompe avec des gallons jaunes sont très agressifs.
« Dans certaines zones, des chefs de gangs prennent le contrôle des stations d’essence et commercialisent eux-mêmes le produit. Ils achètent tout le stock pour le revendre eux-mêmes au marché noir », a-t-il dénoncé.
Le président de l’Association des professionnels du pétrole (APPE), Randolph Rameau, qui participait à la matinale de Magik 9 lundi 1er août 2022, avait dit entrevoir le spectre de faillite de compagnies pétrolières et de stations d’essence opérant en Haïti.
« Les prix des produits pétroliers augmentent. Le dollar est rare, les compagnies commandent pour les dollars obtenus. Elles saturent leurs lignes de crédit. Leurs créanciers leur demandent de payer. Cela ne m’étonnera pas que des compagnies arrêtent leurs opérations. C’est le jonglage qui se fait. Des compagnies ont plus de ressources que d’autres. Si cette situation perdure, beaucoup de stations d’essence feront faillite. Je ne doute pas que des compagnies s’éclipseront parce que la situation sera devenue intenable », avait averti Randolph Rameau, évoquant des pertes de change importantes après la réception de la subvention payée par l’État pour que le consommateur ne paie as à la pompe le prix d’achat des produits pétroliers. »
« Quand l’État paie la subvention en gourdes après 15 jours, 22 jours, il faut transformer ces gourdes en dollars pour placer la prochaine commande. Très souvent, vu le temps pris, convertir ces gourdes en dollars relève du défi. Vous ne trouverez pas 60 millions de dollars américains sur le marché haïtien en deux, trois jours. Le peu que vous parvenez à acheter, vous êtes obligé de le payer au prix fort. La structure des prix est calculée sur le taux moyen d’acquisition (TMA) aujourd’hui de 117, 118 gourdes pour 1 dollar. Si l’État me donne l’équivalent de 60 millions de dollars en gourdes, il n’est pas évident que je vais acheter 60 millions de dollars à 117 gourdes. Dans la plupart des cas, les compagnies sont obligées d’acheter à 142, 143 gourdes pour 1 dollar. De pareils taux sur le marché informel, cela ne fait aucun sens. Mais pour accepter que le produit arrive, il y a des compagnies qui acceptent d’accuser des pertes. C’est ça la situation », a expliqué Randolph Rameau. « Même quand l’État, je l’admets, fait beaucoup d’efforts, beaucoup de jonglage, avec l’accompagnement de la banque centrale, les faibles montants que nous recevons ne suffisent pas en général à placer une commande », avait-il souligné.
Source : Le Nouvelliste