Haïti. Partis en quête de vie meilleure en Turquie des centaines d’Haïtiens reviennent au pays

Ils sont des centaines de ressortissants Haïtiens à arriver à l’aéroport international Toussaint-Louverture, vendredi 23 février, en provenance de la Turquie. Partis à la recherche d’un mieux-être, ces Haïtiens reviennent au pays après un passage marqué de déception.

Nelson, 27 ans, vient de descendre du bus qui transporte les ressortissants arrivés de Turquie. Ce jeune Thomassiquois a fait le grand voyage en 2018. À l’époque, Nelson venait d’échouer aux examens de 9e année fondamentale. Plein de rêves, Nelson part à l’aventure, il avait alors 21 ans.

« Je suis parti en quête d’une vie meilleure, raconte Nelson d’un air songeur, debout sous la tente installée par les agents de l’Organisation internationale de la migration (OIM). Au départ, c’était une belle expérience », dit-il.

En Turquie, Nelson a rencontré celle qui est devenue sa femme et a accueilli son premier enfant qui vient de fêter ses 8 mois. Pourtant, Nelson a fait le choix de quitter la Turquie et de revenir sur sa terre natale. « C’était mon choix de revenir au pays. Je me suis manifesté volontairement à l’une des cellules où j’ai passé huit jours avant de pouvoir fouler ma terre natale », explique-t-il. Un choix, selon Nelson, qui est motivé par les mauvais traitements que subissent les Haïtiens en Turquie.

Comme Nelson, Maria* s’est envolée pour la Turquie en 2021. Auparavant, elle travaillait au sein d’une organisation internationale, avant de démissionner pour faire le grand voyage afin de fuir l’insécurité et rejoindre son compagnon établi au pays depuis 2019. « À mon arrivée, tout se passait bien. J’ai obtenu ma carte de résidence et j’ai commencé à travailler. Fin 2022, ma carte n’a pas été renouvelée et depuis c’est l’enfer », conte Maria.

« Je vivais dans une situation proche de la clandestinité. Je ne pouvais pas aller travailler et je ne pouvais pas sortir à ma guise car les contrôles policiers sont devenus plus fréquents », a-t-elle expliqué. Début janvier, son mari a été approuvé dans le cadre Humanitarian parole, alors Maria choisit de rentrer au pays avec son enfant âgée d’à peine un an.

« Je suis retournée au pays de manière volontaire, mais j’ai fait comprendre à mes proches en Haïti qu’on m’avait forcé car quand je leur ai dit que je comptais revenir, ils m’ont fait comprendre que cela ne pourrait pas être pire qu’Haïti », a-t-elle indiqué.

La vie des ressortissants Haïtiens en Turquie

« Je ne retournerai plus jamais dans ce pays », vocifère une dame faisant partie des ressortissants arrivés au pays.

« Je gagnais 13 000 livres turques (environ 400 dollars américains) par mois. Avec cette somme je ne pouvais rien faire. Pour payer le loyer, j’étais obligée de me mettre en colocation avec 6 autres compatriotes. En plus des mauvaises conditions de travail, les habitants du pays sont xénophobes et racistes », rapporte l’originaire de Ouanaminthe, qui explique avoir travaillé dans une compagnie de textile 12 heures par jour juste pour joindre les deux bouts.

Maria qui vivait à Istanbul, où est concentrée la communauté haïtienne en est témoin. « Parfois, vous faites l’objet d’une interpellation, juste pour n’avoir pas compris un ordre d’un agent de police. Or, la majorité des Haïtiens vivant en Turquie ne parlent pas le turc », affirme-t-elle.

Financer ces voyages un lourd tribut pour les familles haïtiennes

Sur la cour de l’aéroport, un homme serre dans ses bras deux enfants et une dame. James* avait une boutique de vente d’appareils informatiques et de gadgets électroniques. En 2018, à la suite des évènements des 6 et 7 juillet, la boutique est pillée.

2019, il tente de relancer son activité, mais les épisodes de peyi lòk ne lui facilitent pas la tâche. Début 2020, il rentre en République dominicaine, d’où il se rendra en Turquie. Un voyage qui lui a coûté au plus de 3 500 dollars américains. À son départ, son premier enfant avait 3 ans et le deuxième, un an et demi.

Nelson, lui, avoue avoir dépensé 4 000 dollars américains pour rejoindre le pays qu’on lui a présenté comme l’eldorado.

G.E, 65 ans, raconte avoir vendu une propriété foncière dont il avait possession au Cap-Haïtien, pour financer son voyage dont le prix s’élevait à 3 000 dollars américains. Même cas de figure pour Emmanise, qui a vendu son studio de beauté et tous les matériels dont elle disposait pour trouver l’argent et partir.

« Je ne vais pas rester en Haïti »

« Je suis revenu mais mon âme est restée en Turquie. Je ne vais pas rester en Haïti. Peut-être je ne vais pas retourner en Turquie mais je ne vais pas rester vivre ici, je vais rentrer au Cap-Haïtien, prendre un peu de temps pour réfléchir et voir quelle direction je vais prendre », raconte G.E.

Comme pour les autres migrants Haïtiens, l’expérience turque n’a pas semblé si mauvaise pour ce père de cinq enfants qui a rejoint la Turquie en 2021. « Je gagnais l’équivalent de 500 à 600 dollars par mois. Et grâce à cette somme, je pouvais payer mon loyer, me nourrir et économiser pour faire des transferts pour mes proches », explique le sexagénaire.

« Moi, j’ai ma carte de séjour. Elle m’a été délivrée en décembre dernier mais je suis revenu car bon nombre de mes amis ont pris la décision de quitter le pays. Mon patron ne voulait pas que je parte mais c’est ma décision », détaille G.E.

Comme G.E, beaucoup de ressortissants rencontrés à l’aéroport ce vendredi disent ne pas vouloir rester au pays et espèrent tenter une autre chance dans un autre pays, loin des cieux d’Haïti.

D’autres Haïtiens sont toujours bloqués en Turquie faute de documents d’identité. « Ma fille de 20 ans est restée bloquée dans une cellule à Istanbul car le passeport de son enfant de 3 ans a été égaré », rapporte Emmanise avec une voix empreinte de tristesse avant de fondre en larmes. À Istanbul, aucun Haïtien ne peut quitter le territoire sans un passeport valide, ajoute-t-elle.

Nelson a également laissé sa femme et son enfant de 8 mois, dans son cas, la demande de passeport de son enfant n’a pas encore abouti.

À Port-au-Prince, les nouveaux arrivants sont pris en charge par l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) et l’Office national de la migration (ONM). Ils reçoivent à leur arrivée un plat chaud, de l’eau, de l’assistance médicale et psychologique et un frais de transport d’environ 6 000 gourdes.

Selon une source bien informée, les vols « sont organisés par la Turquie et le gouvernement d’Haïti reçoit le manifeste seulement quelques jours avant ». Entre ce vendredi et le vol qui est arrivé plus tôt cette semaine, ils sont 467 Haïtiens à revenir au bercail. D’autres vols sont prévus au cours de la semaine prochaine, a-t-on été informé.

Contacté en début de soirée, le consul honoraire de Turquie en Haïti, Hugues Josué, a indiqué que : « Les Haïtiens revenus au pays le font volontairement car ils n’ont pas pu s’intégrer vu les écarts (culturelles, linguistique…) entre Haïti et la Turquie. Le gouvernement turc ne fait qu’aider ces Haïtiens ».

Plus loin, M. Josué a souligné que dans le contexte actuel, aucun gouvernement n’accorde de visa de transit aux Haïtiens ce qui ne facilite pas leur retour au pays, d’où l’intervention du gouvernement Turque. Quant au sort des ressortissants Haïtiens bloqués dans les cellules parce qu’ils n’ont pas de documents d’identités valides, Hugues Josué a informé qu’Ankara a fait la demande auprès du gouvernement Haïtien, d’octroyer un document d’identité à ces ressortissants, précisant que dès la semaine prochaine ces Haïtiens pourront faire leur retour au pays.

Tous les noms marqués sont des noms d’emprunts.

Source : Le Nouvelliste

Lien : https://lenouvelliste.com/article/246937/partis-en-quete-de-vie-meilleure-en-turquie-des-centaines-dhaitiens-reviennent-au-pays

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