Haïti. Nouvel hommage à Mikaben

Le mari, le père, le fils, le frère, l’ami et l’artiste. Depuis le Miramar Cultural Center, dans le Sud de la Floride, le monde a été témoin de toutes les facettes de la vie de Michaël Benjamin, a.k.a Mikaben, dimanche 6 novembre 2022.

La mort brutale du chanteur est survenue sur la scène de l’Accor Arena, à Paris, après une prestation mémorable, le 15 octobre dernier, lors du concert de réunion du groupe CaRiMi. Après l’enquête judiciaire et l’autopsie, le corps a été transféré aux USA puis incinéré lors d’une cérémonie intime devant les parents et amis, le 2 novembre 2022. C’est en présence d’une urne que fans, amis et artistes ont apporté, dimanche 6 novembre, leur soutien à la famille de Mika.

Pendant plus de quatre heures, les témoignages ont campé la vie de l’homme. Mikaben a été décrit sous toutes ses coutures par des proches, des amis et des artistes. Entre chants, larmes, rires et souvenirs, la première célébration de la vie de l’interprète de « Nwèl tristès », son premier succès, a été riche en émotions. Comme un spectacle grandiose.

Mikaben, c’était le papa « cool et funny » de Gaby, de Leïa et d’une autre petite fille, qui naîtra bientôt.

« Mon papa était toujours heureux. Il souriait. Il riait. Il faisait toujours des blagues… », décrit, en riant, Gabriel Benjamin, le fils aîné du chanteur. Gaby a été à la hauteur des talents de son père. Tantôt seul, tantôt avec sa mère, la première femme de Mikaben, Gaby a ému l’assistance à chacune de ses apparitions sur la scène et même avant quand dignement il recevait les condoléances de la nombreuse assistance. Une personne à la fois, il était disponible. Comme un grand.

Le fils affectueux de Lionel et de Roseline Benjamin. Le père Noel haïtien, Lionel Benjamin, a dépeint celui qui partageait la même passion que son père pour la musique ou encore cet élève hyper fougueux de l’Institution Saint-Louis de Gonzague.

« Les frères de l’école nous convoquaient tout le temps pour nous avertir qu’on allait l’expulser de l’école parce qu’il n’était pas capable de se tenir en place. C’était comme ça, année après année. Mais il a fini par boucler toutes ses études classiques à Saint-Louis de Gonzague », se souvient Lionel Benjamin avec une petite once d’ironie dans la voix. Si la mère, Roseline, a prêché le dépassement et l’harmonie, le père a partagé des moments intimes avec son fils, sa façon de composer de la musique, de demander conseils. Il a aussi dit : « Il est bien parti, Misye byen ale ».

Le petit frère respectueux de Ti Lionel et de Mélodie qui égare tout avant de tout retrouver, à un point que son frère et sa sœur croyaient qu’il « avait tout le temps un ange gardien avec lui ». « Cependant, c’est maintenant que je réalise que l’ange c’était lui. D’où pourquoi tout s’est ainsi déroulé », confie Mélodie Benjamin. Ce témoignage croisé de deux aînés avait la candeur exquise des disputes de famille. À chaque fois que Mélodie prenait la parole, Ti Lionel disait qu’elle abordait un point qu’il avait lui aussi préparé. Normal : ils se partageaient le même petit frère.

L’homme ayant flashé sur Vanessa Fanfan, essuyant refus après refus, avant de finalement gagner son cœur. Persévérant, Mika épousera cette ancienne crush, le 14 novembre 2020, dans les jardins de Satigny, à Thomassin 36, dans les hauteurs de Port-au-Prince.

« Malgré tous mes refus d’accepter de sortir avec lui, il n’a jamais abandonné. Jusqu’au jour où il m’a donné une blague. Je ne me souviens pas de laquelle honnêtement et j’ai dit ‘’Ah bon, tu peux être marrant ? Tu peux me faire rire’’. Et depuis, on se parlait régulièrement chaque jour… Il faisait désormais partie de ma routine quotidienne », se rappelle l’épouse de Michaël Benjamin. Celle que Mika considérait comme son « last stop » a déroulé un récit sublime pour parler de son mari.

À quelques semaines d’accoucher de la deuxième fille de Mika, Vanessa, Vanou, a été une Fanm Solid. Son speech a été impeccable. Rempli de détails et de traits d’humour. Elle décrit leur première rencontre et la métamorphose de la vedette en un Mika attentionné, donnant des blagues à n’en plus finir, cuisinier, homme au foyer, guéri de sa nonchalance de départ. Mikaben, chez lui, n’était pas une vedette, mais un mari, un père et un amant, a longuement expliqué Vanessa.

L’artiste avec une passion débordante pour la musique. Mikaben, le chanteur touche à tout. Le compositeur tourmenté par ce mot exact qu’il n’était pas capable de trouver pour ses lyrics et qui demandait de l’aide à son papa, lui-même compositeur.

La bête de scène qui pouvait appeler Richard Cavé jusqu’à 6 fois pour lui dire qu’il avait trouvé une nouvelle idée pour un de leur show sur scène. « Ce n’est pas l’argent qui le motivait, mais le travail bien fait », a témoigné son ami de longue date.

L’ami d’Olivier Duret, de J-Perry, de Richard Cavé, de Carlo Vieux, d’Atys Panch, le cousin d’Olivier Dupoux… Le collaborateur d’une pléiade d’artistes du secteur musical haïtien.

« Pendant mes 6 ans d’absence dans le secteur musical, Mika était le seul avec qui j’avais gardé contact. On se parlait régulièrement. Il me faisait écouter ses projets. Il était un vrai ami et je ne pense pas que je n’ai jamais trouvé quelqu’un dans l’industrie musicale haïtienne avec un aussi grand cœur que lui. Je ne vais jamais oublier. Cette même semaine de la réalisation du concert, il m’avait fait écouter une chanson qu’il comptait sortir très prochainement et à chaque fois que je me retrouve seul, je la joue en boucle. Sa mort est un choc qui m’accompagnera durant toute ma vie », confesse un Carlo Vieux, avec des sanglots dans la voix.

Mikaben est né et a grandi avec la musique. Il a passé ses derniers instants sur une scène dans un concert mythique aux côtés du trio de CaRiMi à Bercy, le 15 octobre 2022. Mika a tiré sa révérence en musique, devant environ 15 mille spectateurs.

« Ce jour-là, il n’y avait pas de CaRiMi. On était juste un groupe musical qui accompagnait Mikaben dans ses derniers moments. Je souhaite une bonne traversée à Mika. On continuera de célébrer son nom, de faire vivre sa musique », avance Mickael Guirand, avec qui, la voix d’« Ayiti Se… » a échangé une dernière étreinte dans la salle de l’Accor Arena, avant de s’effondrer sur le podium.

« Mikaben cheri pou jan nou renmen w, pa gen anyen k ap jan m fè nou bliye w », ont chanté en chœur plusieurs artistes venus lui rendre hommage ce dimanche 6 novembre. Une rare connexion, une rare union, une rare fratrie sur cette scène du Miramar Cultural Center. Entre musiciens oui, mais surtout entre tous les Haïtiens qui lui ont rendu hommage un peu partout à travers Haïti et dans la diaspora, comme jamais aucun artiste avant lui, aucun Haïtien avant lui.

L’histoire retiendra qu’à 41 ans, en s’envolant pour finalement cueillir les étoiles qu’il voulait tant, Mikaben aura accompli son rêve de redonner espoir à tout un peuple.

Merci Mikaben.

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