Haïti. Massacre à Wharf Jérémie : une centaine de morts, accusés d’avoir jeté un sort sur un enfant

« Mon père, 76 ans, adventiste du Septième jour, s’est couché tôt après l’ouverture du sabbat, vendredi soir. Trois hommes sont venus le chercher vers 10 heures du soir. Ils ont poignardé mon père. Son cadavre a été brûlé », a confié l’enfant d’une des victimes du massacre du Wharf Jérémie, sur les rives de la baie de Port-au-Prince.

Les bilans diffèrent d’une source à l’autre. Les plus conservateurs font état de plus d’une centaine de morts, dont une majorité de personnes âgées accusées par le chef de gang Micanor Altès d’avoir jeté un sort à son enfant.

Entre la mer, le terminal portuaire de Port-au-Prince, le boulevard Harry Truman et les vestiges du sinistre Fort Dimanche où les tortionnaires et sbires exécutaient les opposants au régime des Duvalier, il y a « Wharf Jérémie », l’un de ces quartiers précaires de la commune de Cité Soleil dont l’État a perdu le contrôle. Le week-end des 6, 7 et 8 décembre, le chef de gang qui dirige le quartier et toute la zone portuaire, Micanor Altès, alias « Wa Mikanò », membre de la coalition de gangs dénommée « Viv Ansanm », a décidé d’y perpétrer un massacre.

Les bilans font état de plus d’une centaine de morts. La majorité des victimes, des personnes du troisième âge, ont été accusées par le chef de gang Micanor Altès d’avoir jeté un sort son enfant, a confié à Radio Magik 9 Fritznel Pierre de Konbit pour la paix.

Le directeur exécutif du RNDDH, Pierre Espérance, interrogé par Le Nouvelliste, a indiqué que son bilan, « très conservateur », fait état de 110 morts. Le vendredi 6 décembre, au moins soixante personnes âgées ont été tuées par balle. « Samedi 7 décembre, Micanor et son groupe ont tué au moins cinquante autres personnes à l’arme blanche : machette, couteau, a expliqué Pierre Espérance.

184 personnes ont été tuées dans des violences orchestrées par le chef d’un puissant gang de la capitale haïtienne, Port-au-Prince, dans le quartier de Cité Soleil. Ces derniers meurtres portent le nombre de morts à 5 000, rien que pour cette année en Haïti », a indiqué Volker Türk, chef des droits de l’homme des Nations unies, lors d’une conférence de presse la veille de la Journée des droits de l’homme le 10 décembre.

Le gouvernement condamne, assure que les auteurs de ce massacre seront punis. « Le Gouvernement de la République condamne avec la plus grande fermeté le massacre abject perpétré les 6 et 7 décembre 2024 à Wharf Jérémie (Cité Soleil) par le chef de gang Micanor Altès, alias Wa Mikanò, et consorts », peut-on lire dans un communiqué du gouvernement qui a lui aussi évoqué un bilan faisant état de plus d’une centaine de morts.

« Cet acte de barbarie, d’une cruauté insoutenable, a coûté la vie à plus d’une centaine de femmes et d’hommes, principalement des vieillards sans défense. Ce crime monstrueux, a indiqué le communiqué du gouvernement, constitue une attaque directe contre l’humanité et l’ordre républicain. »

« Le Gouvernement, sous la direction du Premier ministre Alix Didier Fils-Aimé, s’engage solennellement à ce que de telles horreurs ne restent impunies. La machine répressive de l’État sera déployée dans toute sa force et avec la plus grande célérité pour traquer, capturer et traduire devant la justice les auteurs et complices de ce carnage inqualifiable », selon le gouvernement.

Carnage et absolue cruauté

Les récits glacent le sang. « Mon père, 76 ans, adventiste du Septième jour, s’est couché tôt après l’ouverture du sabbat, vendredi soir. Trois hommes sont venus le chercher vers 10 heures du soir. Ils ont poignardé mon père. Son cadavre a été brûlé », a confié l’enfant d’une des victimes. « Je n’ai pas pu lui dire au revoir », se lamente la voix cassée de cette personne qui affirme connaître au moins une trentaine de personnes âgées qui ont vécu de longues années à Wharf Jérémie emportées par cette furie meurtrière de Micanor. « Je connais au moins une trentaine de victimes comme « Supporte », qui avait une boutique et cette vieille femme qui vendait de la confiserie », a poursuivi notre source. L’un de ses amis pleure aussi la mort de son père, de sa mère et d’un enfant, a poursuivi notre source.  

Pierre Espérance du RNDDH, interrogé par Le Nouvelliste, a confié que les rapports ont permis de confirmer l’identité de vingt (20) victimes, dont des membres respectés de la communauté, tels que Ti Kepi, M. Spaghetti, Macky-Siyo, Bos Roro, M. Verdieu, M. Jacque, M. Henry et son épouse, Madame Colonel, et Marcel Cangé.

« Les témoignages des communautés suggèrent que le nombre réel de morts est beaucoup plus élevé, car des corps mutilés ont été brûlés dans les rues. Plusieurs jeunes, dont des chauffeurs de motos-taxis, ont également été tués alors qu’ils tentaient de sauver des habitants », a rapporté Pierre Espérance.

« Depuis le massacre, Wharf Jérémie a été placé sous un siège informel, avec des restrictions de mouvement strictes imposées par Micanor et son groupe Viv Ansanm, qui continuent de cibler les résidents âgés et les praticiens du vodou », a-t-il dit.

« Purge sanglante »

Le gang de Micanor a assumé ce massacre. Pour ce gang, il s’agit d’une purge. Leurs cibles, des gens accusés d’avoir jeté un sort à l’enfant de Micanor et d’avoir provoqué la mort mystérieuse de quatre personnes, a confié une source qui croit savoir que ce sont 178 personnes qui ont été tuées. Des gens ont été interpellés chez eux pour être interrogés. Des « hounfor » ont été fouillés. Des gens ont dénoncé d’autres gens. Des gens qui vivent à l’extérieur de Wharf Jérémie sont dans le viseur, a expliqué notre source.  « C’est possible qu’ils aient dit tout cela pour se justifier », a poursuivi notre source, qui a dit prendre au sérieux le système de croyance des gangs armés, leur propension à verser le sang, à massacrer, comme si cela faisait partie d’un rituel pour se protéger et se renforcer à la fois. Notre source, plus loin, a laissé entendre qu’il est pour le moment difficile d’avoir un bilan consolidé de ce massacre. « Ils ont tué et brûlé des corps. Ils ont la mer, des espaces du littoral pour disposer des restes humains », a confié cette source.  

Lundi, en début de journée, rien n’indiquait qu’un massacre de cette ampleur avait été perpétré durant le week-end. Les camions et containers sortaient des terminaux, a appris Le Nouvelliste. Mais il y a un siège pour les habitants de Wharf Jérémie. « Oui, il y a un siège. Des gens qui le voudraient ne peuvent pas fuir Wharf Jérémie », ont confirmé plusieurs sources qui collectent des informations pour se faire un portrait plus fiable et plus détaillé de ce massacre du gang de Micanor. « Ce n’est pas la première fois que Micanor fait preuve d’une telle brutalité. En juin 2021, il avait exécuté douze (12) femmes âgées accusées de sorcellerie », a rappelé le secrétaire exécutif du RNDDH, Pierre Espérance.

Enième promesse et sympathies sans suite 

« Le Gouvernement réaffirme son engagement total et irrévocable à éradiquer les groupes armés criminels qui sèment la terreur et sabotent les fondements de notre nation. Chaque ressource, chaque institution de l’État sera mise à contribution pour rétablir la paix et la sécurité », a promis le gouvernement du Premier ministre Alix Didier Fils-Aimé qui, aux familles endeuillées et aux proches des victimes, « adresse ses profondes sympathies et assure que justice leur sera rendue ». « Le sacrifice de ces âmes ne sera pas vain, et la République ne reculera devant rien pour restaurer l’ordre, la dignité et la sécurité de la population », peut-on lire dans ce communiqué qui intervient après un énième massacre perpétré par les gangs qui, selon l’ONU, contrôlent 85 % de la capitale, Port-au-Prince. Le Conseil de sécurité ne prendra une décision sur la transformation ou pas de la Mission multinationale d’appui à la sécurité en une mission onusienne qu’au début de l’année 2025. Entre-temps, rien ne semble inquiéter les gangs de la coalition « Viv Ansanm ».

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