Haïti. Mario Andrésol légitime un manque de confiance envers une police nationale border line

L’ex-directeur général de la Police nationale d’Haïti Mario Andrésol estime que le gouvernement haïtien ne devrait pas s’étonner face à la réticence de la communauté internationale à lui venir en aide afin de combattre les gangs. Selon lui,  les faiblesses de la PNH sont un facteur qui en est à l’origine.

La demande d’aide du gouvernement haïtien visant à adresser la montée de l’insécurité a été classée sans suite jusqu’ici. Les pays amis se sont contentés de se renvoyer la balle. L’ex-directeur général de la police Mario Andrésol, en analysant les faits, dit croire que « nous ne devrions pas nous étonner par rapport à la réticence de l’international à nous vendre du matériel, nous fournir une aide quelconque puisque, a-t-il dit, les acteurs internationaux n’ont pas en face d’eux  une institution fiable qu’ils devraient venir supporter ; une institution en laquelle la population croit et qui s’inscrit dans une démarche institutionnelle pour aborder la question de sécurité. » 

Intervenant sur Magik 9 le mardi 14 mars 2023, Mario Andrésol a rappelé qu’au cas où ils accepteraient de fouler le sol national, il faudrait établir un modus operandi. « C’est sûr qu’à un moment donné, s’ils ont une suspicion que dans la force de la police certains agents sont impliqués dans des dossiers louches et illégaux, ils ne pourraient pas endosser la responsabilité de faire la police à notre place », a-t-il expliqué, croyant que pour combattre l’insécurité dans le pays les acteurs de l’international seraient dans l’obligation de faire la police en Haïti, parce que dans le pays, il n’y a pas d’institutions existantes qu’ils pourraient soutenir. « Cela pose problème. Deuxièmement, lorsque la majorité des policiers n’étaient pas entraînés pour ce genre de situation et qu’on demande à acheter des fusils d’assaut, des hélicoptères, des chars qui peuvent servir pour l’armée, là encore quelle image on va projeter d’eux puisqu’au préalable il y a un problème de confiance et de formation à la base qui fait qu’ils ne pourront investir leur argent et qu’ensuite la situation se retourne contre eux », a-t-il expliqué, se questionnant sur le rôle qu’aurait à jouer l’international. « Il faut poser tout ça en termes de leur engagement sur le terrain. S’il y a des dommages collatéraux, qui endossera la responsabilité ? Eux ou nous? La réticence est compréhensible », a admis M. Andrésol.

Par ailleurs, l’ex-numéro un de la PNH se demande si le gouvernement haïtien est clair dans sa demande. « Si nous ne le sommes pas, ils ne pourront pas avancer à notre place. Le problème c’est nous qui en avons connaissance et nous qui devrions dire comment l’aborder. C’est à nous de venir avec notre projet, notre plan. Ils ne peuvent pas le faire à notre place », a souligné Mario Andrésol, qui dit constater que les gens sont dans l’expectative et attendent le signal de l’international. Selon M. Andresol, les autorités devraient prendre des initiatives locales.

Mario Andrésol pense que les autorités ont perdu le momentum, mais les invite à agir pour ramener la paix dans le pays. « Je pense que c’est une opportunité qui nous est offerte de résoudre des problèmes au niveau sécuritaire, car notre édifice sécuritaire s’est effondré depuis 1986. Je pense qu’on pourrait former des éléments de la PNH pour se pencher sur la question parce qu’aujourd’hui on ne fait pas face seulement à un problème de sécurité publique, mais de sécurité nationale. Et lorsqu’on a un problème de sécurité nationale, une force de police ne peut pas y faire face », a-t-il avancé. Par conséquent, il a plaidé pour un renforcement des Forces Armées d’Haïti (FAD’H) qui pourraient intervenir dans le processus de rétablissement de la sécurité à travers un plan élaboré. « À moyen et à long terme , il faut reconfigurer la gouvernance de la sécurité en Haïti. L’État doit définir un plan pour indiquer à la communauté internationale la direction à prendre », a préconisé  M. Andrésol.

Pour ramener la crédibilité au sein de la PNH, M. Andrésol croit qu’il faut une interface pouvant parler à la communauté internationale pour indiquer la voie à suivre dans l’intérêt de la population haïtienne. « Un cadre logique sur comment nous voulons évoluer. C’est une affaire de respect des normes et des principes. Puisque nous ne respectons pas les normes, c’est normal qu’ils soient réticents, encore plus parce que l’on parle de sécurité et des armes », a-t-il laissé entendre.

Mobilisation des gangs,
les espaces de pouvoir menacés

Mario Andrésol pense qu’il est plausible que les gangs s’accaparent des centres de pouvoir. « Les autorités doivent établir des priorités, par exemple sur comment faire pour protéger les centres de pouvoir. Donc là encore il faut anticiper. Si l’on apporte les mêmes réponses aux mêmes problèmes ils resteront non résolus, Il faut prendre des initiatives, créer, transcender. Le pays est en danger, nous avons besoin de sécurité plus que jamais pour avancer. Nous ne pouvons pas nous contenter de faire rien d’autres que de la politique », a-t-il tempêté. 

Pour Mario Andrésol, « il est évident qu’il y a un problème de gouvernance à l’intérieur de la police nationale qui existe depuis bien longtemps. Et cela rentre également dans la conception des dirigeants politiques, de ce qu’ils appellent institution, lorsqu’ils sont en position de diriger le pays. Donc le problème de gouvernance remonte à la création de la police, dans la mesure où on considère le contexte de la formation de la PNH, de sa création », a-t-il retracé. À cette époque, s’est-il souvenu, les leaders voulaient se débarrasser de l’armée en faveur de la création de la PNH. Et ils ont confié la tâche aux étrangers. « Les personnes à qui on a demandé de le faire étaient de la communauté internationale; ils n’avaient aucune idée de la réalité haïtienne, du milieu. Ce qui fait qu’on n’avait pas l’implication de la contrepartie haïtienne, des personnes participant à la création du corps pouvant de dire quel type de police on avait besoin pour Haïti. À ce  moment-là, les étrangers ont donné ce qu’ils croyaient être bon, mais à la vérité ce n’était pas ce dont on avait besoin. Nous avions besoin d’une institution qui devait être au service de la population, qui devait divorcer d’avec certaines pratiques que l’on reprochait à l’armée avant », a tranché Mario Andrésol.

« Nous étions mal partis. Ont surgi les problèmes du respect des lois, de règlement interne de la police, des principes, des normes établies», a-t-il rappelé. Ces problèmes ont bousculé l’institution policière dans une routine. « Ce qui fait que la police était obligée de gérer l’urgence de l’heure et après 10 ans, elle s’est effondrée C’était prévisible. De 2005 à 2012, la mission était de redresser l’institution, regagner la confiance de la population. Il y a avait un problème de confiance à côté du problème de gouvernance », a mis en lumière M. Andrésol.

La police se heurte à des obstacles politiques notamment. « Lorsqu’on essaie d’aborder la question sur le plan légal, l’on rencontre des obstacles, parfois même du côté des politiques, qui prétendent que la police doit être apolitique. La routine a été établie et jusqu’à nos jours, il y a un ensemble de problèmes auxquels la police est confrontée, qui existaient bien avant et qui ne sont pas encore résolus », a-t-il soutenu, croyant qu’avec de la volonté, un plan équilibré des autorités la police pourrait sortir la tête de l’eau.

Facebook
Twitter
LinkedIn
WhatsApp
Email

Actualité

Politique

Economie

CULTURE

LES BONS PLANS​