La création de l’ordre médical, encouragée par le ministère de la Santé publique et de la Population à travers les directions départementales, fait débat.
Le ministère a déjà accompagné la mise en place de plusieurs comités dans les 10 départements géographiques du pays dans un contexte où beaucoup de personnalités et d’associations médicales estiment que l’initiative est précipitée. « Le sujet est trop sensible et les parties prenantes ne sont pas assez impliquées », disent-ils. Au-delà de toutes ces considérations, le directeur de la formation et de perfectionnement en sciences de la santé du MSPP, le Dr Vladimir Larsen, estime qu’il s’agit « d’une urgence sanitaire » qui nécessite un traitement prioritaire.
« Ce n’est pas seulement l’insécurité qu’on voit dans les rues qui doit nous inquiéter. Aujourd’hui, il y a une insécurité sanitaire liée aux multiples désordres constatés dans la pratique médicale. La création de l’ordre médical va aider à résoudre ces problèmes », explique d’entrée de jeu le Dr Vladimir Larsen.
Pour ceux qui pensent que la création de l’ordre n’est pas appropriée en ce moment, le Dr Larsen évoque deux arguments clés :
1) Le momentum est favorable parce que le ministère de la Santé publique et de la Population, qui a un rôle fondamental à jouer dans la régulation, y tient. Il n’y aura pas de conflit entre l’ordre et le MSPP.
2) En dépit des avis émis par des opposants à la mise en place de l’ordre médical, le Dr Larsen dit constater dans tous les départements du pays un grand enthousiasme de la part des médecins.
Qu’à cela ne tienne, il rappelle que l’ordre, qui est de nature à protéger la population et valoriser les professionnels qui respectent la déontologie, est autorisé par un texte de loi de l’État haïtien, soit le décret du 11 mars 2020.
« Lorsque ce décret est sorti en 2020, il est clairement dit dans l’article 36 que les professionnels ont 6 mois pour mettre en place leur ordre. Donc, il n’y a pas de précipitation à vouloir mettre en place un ordre médical 4 ans plus tard », argumente le Dr Vladimir Larsen.
À la question de savoir qui va faire partie de l’ordre, le Dr Larsen se contente de répondre que ce sont les médecins. Si la réponse est évasive, il ne manque pas de souligner que le MSPP ne fait que booster une initiative qui va l’aider dans sa fonction de régulation. « L’ordre sera autonome », soutient-il.
« L’ordre va veiller à la qualité des soins; s’assurer du respect de la déontologie et du bien-être des malades; s’assurer de la qualité de la formation; s’assurer de la compétence des médecins et de la formation continue afin que ces derniers puissent s’améliorer continuellement ; l’ordre va également protéger la société même par rapport à des médecins étrangers qui pratiquent en Haïti et qui échappent à la régulation », énumère le Dr Vladimir Larsen quand il s’agit de citer les aspects de la pratique médicale qui seront concrètement améliorés avec la création de l’ordre.
Cette entrevue exclusive accordée au quotidien Le Nouvelliste fait suite à un débat contradictoire soulevé par certains professionnels de santé qui estiment ne pas avoir suffisamment d’informations sur la création de cet ordre qui prendra des décisions imposables à tous. L’assemblée départementale de l’Ouest prévue le 25 juin 2024 a été reportée sine die. Les professionnels ont des avis partagés sans jamais nier la nécessité d’un ordre médical dans un pays où tout effort de régulation se heurte à des obstacles rédhibitoires liés à des expériences passées ou à une peur pas toujours justifiée. Le Nouvelliste ouvre ses pages à toutes les personnalités et les associations qui souhaitent s’exprimer sur le sujet pour faire avancer le débat.
Source : le Nouvelliste