Haïti. Littérature : L’amour au temps des cagoulards, de Dischler Marcelin 

Connaissez-vous Dischler Marcelin ? L’auteur de L’amour au temps des cagoulards a plusieurs cordes à son arc. Journaliste, écrivain, enseignant, comptable, il est le cofondateur et actionnaire de la société Communication Plus S.A. C’est un écrivain haïtien.

Dischler Marcelin a été tour à tour secrétaire général de l’Association des Journalistes Haïtiens (AJH), directeur de l’Information à la Radio Nationale d’Haïti (RNH), directeur administratif à la Télévision Nationale d’Haïti (TNH), directeur général de la Radiotélévision Nationale d’Haïti (RTNH). Cet amant des belles lettres est à son deuxième roman. Il a déjà publié tout un florilège de recueils de poèmes ; le plus connu est Une âme dans le vent, Éditions Fardin, 1984. À son compteur : cinq essais dont Le Banditisme, arme fatale de gouvernance (2011-2021), Pro Éditions, 2022. Un sujet toujours d’actualité. En 2016, l’Université Royale d’Haïti (U.R.H.) a décerné à cet auteur qui signera L’amour au temps des cagoulards, le grade de Docteur Honoris Causa (DHC) en communication.

Que raconte L’amour au temps des cagoulards ?

Dischler Marcelin : L’amour au temps des cagoulards est une histoire amoureuse entre deux jeunes empêtrés dans la réalité familiale haïtienne traditionnelle de l’époque où les relations sentimentales entre copains se développent d’abord dans la clandestinité avec, le plus souvent, des conséquences néfastes pour la suite quand les parents s’en mêlent.

Aventure compliquée.

Dischler Marcelin : Eh oui. Cette aventure amoureuse compliquée est loin de faire exception à la règle dans un contexte politique mouvementé avec un régime dictatorial qui étend ses tentacules sur l’ensemble du territoire; tous les coups bas étaient permis : les accusations, les dénonciations, les complots et les persécutions pour des motifs politiques étaient devenues monnaie courante, à la limite une chose normale. Les élites, toutes confondues, qui représentaient le verrou de protection de la société face aux menées autoritaires d’une classe dirigeante autoritaire, s’étaient transformées en des simples collabos ou expulsées du pays.
L’amour au temps des cagoulards est l’histoire d’une relation sentimentale qui va conduire deux jeunes gens à un destin incertain que seul le temps pourrait dire le dernier mot.

Des évènements réels de la vie quotidienne de l’époque

Est-ce une fiction ou une œuvre tirée de la réalité ?

Dischler Marcelin : L’amour au temps des cagoulards, est à la fois une fiction parce que sortie dans l’imagination du narrateur. Et à la fois une réalité car les faits racontés d’une façon romancée sont pour la plupart des évènements réels de la vie quotidienne de l’époque. Certains épisodes sont des moments vécus et décrits comme une fiction dans un roman à suspense. Les portraits grimaçants de certains thuriféraires du pouvoir dictatorial des Duvalier prennent leur source dans une triste vérité. Quelques survivants, très âgés se la coulent douce soit dans leur patelin, loin de la capitale ou à l’étranger tranquillement. C’est peut-être un paradoxe de présenter une œuvre comme fiction et réalité à la fois. N’étant pas un critique littéraire, je laisse la tâche à ceux qui ont l’expertise de me donner raison ou de me contredire. Ce serait à bon droit et je me courberai et apprendrai à mieux définir fiction et réalité. (Rires).

Un titre de Marcelin qui renvoie à Marquez

Le Nouvelliste : L’amour au temps des cagoulards me rappelle un roman du grand sorcier de la littérature sud-américaine, « L’amour au temps du choléra » de Gabriel Garcia Marquez? Quel rapport avec votre roman?

Dischler Marcelin : Cela me fait rire. Parce que, justement vous êtes le frère de mon collègue de bureau, je veux parler de François Sérant, qui m’a posé cette même question dans un échange sur WhatsApp, depuis l’étranger, alors que le roman était encore sous presse. Quelle coïncidence !

Je vous donne la même réponse, puisque je ne peux rien inventer, sinon je serais dans l’embarras de répondre. À la vérité, le livre du sorcier colombien de la littérature, Gabriel Garcia Marquez, titré : « L’amour au temps du choléra », pour vous répéter, n’était pas du tout dans ma pensée. Oui, j’ai lu des extraits, des commentaires sur « Cent ans de solitude », de l’auteur précité, un chef-d’œuvre, à mon humble avis.

Un chef-d’œuvre absolu.

Dischler Marcelin :  Tout est subjectif. La vérité est qu’à la lecture de mon manuscrit titré « Le temps des cagoulards », par mon éditrice, Anaïse Chavenet, mon associé à Communication Plus, elle m’a demandé, par ailleurs, as-tu déjà lu « L’amour au temps du choléra » de Gabriel Garcia Marquez ? J’ai répondu non, sans ambages. Elle de rétorquer : va faire une petite recherche, on en discutera après du titre. Effectivement, mes recherches m’ont permis de relever à travers des extraits et des commentaires, un personnage principal dudit roman qui a le même statut professionnel que le personnage central de mon roman, sauf que le sujet est traité de façon nettement différente: le côté érotique chez Garcia Marquez est très osé pour ne pas dire libéral. Avant, je n’ai jamais lu le texte de Gabriel Garcia Marquez. Après cette découverte il m’était impossible de trouver l’ouvrage pour une lecture approfondie.


Voilà, si « L’amour au temps des cagoulards » a des similitudes avec l’œuvre majeure du « sorcier colombien de la littérature », ce n’est que pure coïncidence ou une simple réincarnation heureuse d’une petite œuvre, d’un romancier haïtien. Mais toutefois ce serait un immense honneur de voir les critiques littéraires faire un tel rapprochement. Sauf que je ne rêve pas. (Rire).

Un extrait de l’œuvre de Marcelin

Seriez-vous généreux pour offrir un extrait de cette œuvre?

Dischler Marcelin : « Au moment où tu liras ces lignes je serai déjà, sans doute, très loin de ton cœur, privé de ton affection et aussi loin de ma terre natale chérie, Haïti. Je veux que tu le saches, mon amour, je suis un fugitif malgré moi. Désormais le maquis est mon nom, et peut-être même que l’univers sera ma nouvelle demeure, si je n’arrive pas à trouver une terre d’asile clémente. Je pars incognito. Mes seules sensations de bonheur sont les empreintes de tes douces mains sur mon corps qui faisaient vibrer toutes les fibres de mon être. Mon plus grand cadeau c’est ta virginité que tu m’as offerte sans rechigner. Les seuls souvenirs palpables, ce sont tes photos que je ne quitterai jamais des yeux, sauf si les fossoyeurs, les architectes de ma sépulture éternelle viendront me fermer les paupières avant que je n’atteigne ma nouvelle terre d’exil. »

Un hommage à sa mère

On dit que les gens s’intéressent de moins en moins à la lecture en Haïti. Pourquoi persistez-vous à écrire aujourd’hui encore et surtout un roman ?

Dischler Marcelin : Quelle pertinente question ! Moi, j’aime la lecture. Curieusement la personne qui m’a initiée à la lecture ne savait ni lire ni écrire. J’ai découvert cette triste réalité en classe humanitaire à l’époque. Parce que cette chère et exceptionnelle personne tenait très souvent « tèt anba » les ouvrages scolaires dans lesquels elle me faisait réciter. Elle n’était autre que ma tendre mère, une paysanne venue de Carrefour Sanon, une bourgade à quelques kilomètres de la ville de Jérémie. Rendez-moi fou ou sage, cette femme n’était autre qu’une victime du système d’apartheid de notre société. Elle était ma première instructrice. Je veux lui rendre un hommage éternel là où elle se trouve dans les nuages. Elle était la première philosophe qui m’a enseigné la lecture d’un ouvrage. Bref, c’est une façon pour mieux placer ma réponse. Secundo, l’écriture ou le métier d’écrivain chez nous, dans mon cas particulièrement, est une façon de dégager ma frustration, ma colère, un peu plus de rattraper mes heures d’ennuis et d’insomnie.

L’écriture pour moi est une belle femme que j’aime, qui prend mon temps, ma journée, voire mes heures de distraction sans rien me donner en retour. Le pire, le faible pourcentage de lecteurs qui achètent mon ouvrage ne sont que des amis fidèles qui, après l’avoir acheté, l’oublient quelque part en ne lisant seulement que la dédicace. Si je mens, vous autres écrivains, menez une enquête auprès de vos amis les plus proches.

Autrefois, notre référence était les bibliothèques. À présent vous risquez de tomber en syncope quand un jeune étudiant universitaire de surcroit vous dit bibliothèque : connais pas. Tout est sur mon portable intelligent… on ne lit pas, on ne réfléchit pas. Moi, je continue à écrire rien que pour chasser mes frustrations et mes désarrois d’une autre façon. C’est mon opinion, il n’engage que moi. La technologie, dans une certaine mesure, a fait plus de mal à l’intelligence. Si la révolution industrielle a montré la dimension de l’intelligence de l’homme, la révolution technologique a détruit le sens de réflexion de l’humain.

Propos recueillis par Claude Bernard Sérant pour le Nouvelliste

Lien : https://lenouvelliste.com/article/249708/lamour-au-temps-des-cagoulards-de-dischler-marcelin

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