L’Institut Monfort, une école dédiée à l’éducation des sourds-muets et des sourds-aveugles, situé à Duval 30, localité de la commune de la Croix-des-Bouquets, a été la cible d’une attaque armée des bandits opérant dans cette zone dans la nuit du vendredi 2 au samedi 3 août 2024. « Des bandes armées ont pris d’assaut les locaux, désarmé les agents de sécurité et pillé les lieux », informe l’institution dans un communiqué.
« L’attaque a eu lieu dans la soirée du vendredi 2 août. Les bandits ont pénétré le campus de l’école aux environs de 10 heures du soir, ils étaient plus de 40. La cour de l’école était infestée de garçons armés », a expliqué Sœur Lamercie Estinfort, directrice de l’institut, encore sous le choc après avoir vécu cette scène.
Au moment de l’attaque, plus d’une cinquantaine d’enfants à besoins spéciaux se trouvait dans les dortoirs de l’école. « On a procédé à la remise des carnets le 30 juillet, et avant cette date on avait une centaine d’enfants logés à la pension. Après la remise des carnets, on a demandé aux parents de venir récupérer les enfants pour les vacances et ils ont commencé progressivement à les récupérer », a expliqué Estinfort contacté par Le Nouvelliste dans la soirée du mardi 6 août.
La scène est surréaliste, selon Sœur Lamercie qui parle ʺd’une nuit infernaleʺ. « Au moment de l’attaque, les sœurs, le personnel et les enfants étaient déjà dans leurs chambres. On a entendu beaucoup de bruit et on frappait de partout. Ils ont coupé l’électricité, ce qui a provoqué la panique chez des enfants. À cause du noir et des bruits, les enfants ont ouvert des fenêtres et ont commencé à crier avant que les bandits ne pointent leurs armes dans leur direction les menaçant de tous les fusiller », a décrit sœur Lamercie, expliquant que les enfants ont pu se calmer grâce aux membres du personnel qui sont intervenus, soulignant toutefois que les enfants ont passé une nuit apeurée.
Suite à cette attaque, le personnel et les enfants ont pu évacuer le campus dans la matinée de samedi. « On a quitté le campus de justesse, a indiqué la directrice, car on n’a pas de moyens de transport. On a expliqué aux enfants qu’on allait quitter le site et on est sortis ensemble. On a laissé les gardiens sur place », a poursuivi sœur Lamercie.
Peu d’heures après avoir quitté le campus, selon les propos de la religieuse, les bandits sont revenus à la charge et les agents de sécurité ont dû fuir le site. Depuis, aucun responsable n’a pu se rendre sur les lieux, informant que les bandits contrôlent totalement l’espace et sont en train de piller systématiquement le campus.
Pour l’heure, les enfants qui étaient sur le campus au moment de l’attaque, sont en lieu sûr mais sont tout de même inquiets. Dans le communiqué suite à cette attaque, L’Institut Montfort et les Amis de Montfort appellent à l’aide « [les] personnes et [les] organismes qui peuvent assurer le transport des enfants déplacés pour être relocalisés vers d’autres campus ».
Si au cours de l’attaque aucune perte en vie humaine n’a été déplorée, « l’attaque a entraîné des dommages importants à l’institut », indique le même communiqué.
« La ferme de subsistance a été saisie, des véhicules ont été volés et du bétail, dont plus de 100 porcs, 30 vaches et de nombreuses chèvres, a été emportée. Les gangs contrôlent toujours le campus de l’école Croix des Bouquet en date du lundi 5 août », lit-on dans le communiqué.
Par ailleurs, sœur Lamercie a souligné que les pertes sont chiffrées en centaines de milliers de dollars américains. Le campus abritait une école professionnelle, une salle d’informatique avec une trentaine d’ordinateurs, 18 salles d’atelier de travail moderne avec des machines de très bonne qualité, 24 salles de classe pour les enfants du préscolaire jusqu’à la terminale, les bâtiments pour les dortoirs avec une capacité d’accueil de 100 enfants par dortoir, le bâtiment de cafétéria qui recevoir plus de 300 personnes et la maison des sœurs. Sans compter le groupe électrogène qui alimentait le campus en électricité.
À la Croix-des-Bouquets, la situation reste volatile depuis plusieurs semaines. Cette zone est le théâtre d’affrontements entre les bandits, principalement les « 400 mawozo » et les forces de l’ordre. Avant cette attaque contre l’Institut Monfort, a été très impacté dans son fonctionnement.
« L’école a toujours fonctionné mais au ralenti. Des enfants ont cessé de venir. Ils ont commencé à ne pas venir à partir du moment où l’on n’a pas eu le soutien de l’État pour le transport car les parents n’ont pas les moyens de payer le transport. D’autres sont partis pour les provinces avec la situation actuelle… L’effectif de 300 était réduit à 180 l’année dernière, on était près d’une centaine en début d’année », a indiqué la sœur Lamercie Estinfort.
« L’Institut Montfort est la seule école pour les enfants sourds et sourds-aveugles de tout le pays. Nous éduquons et éduquons les enfants de l’âge de trois ans jusqu’à l’âge adulte, ce qui en fait des citoyens responsables et capables d’Haïti et du monde. C’est dévastateur pour les enfants et notre communauté immédiate. Les cours doivent commencer dans les prochaines semaines et nous devons trouver un endroit où loger et suivre les cours pour plus de 200 enfants déplacés, dont beaucoup sont orphelins. Les répercussions de cet événement seront profondes et se feront sentir pendant des années », a déclaré Florence Marc-Charles, membre du conseil d’administration des Amis de Montfort, citée par le communiqué.
« Nous sommes reconnaissants que personne n’ait été blessé, mais la perte de biens et la perturbation de notre travail essentiel sont déchirantes. L’Institut Montfort est un établissement d’enseignement ainsi qu’un employeur, nous avons des enseignants et du personnel qui sont effectivement au chômage. Nous implorons les autorités de prendre des mesures rapides pour rétablir la paix et la sécurité dans la région », a-t-elle appelé.
Fondée en 1957 par les Filles de la Sagesse pour éduquer et encadrer les enfants sourds et sourds-aveugles en Haïti, l’Institut Montfort a été logé à la rue Saint-Martin à Port-au-Prince. Détruit par le séisme du 12 janvier 2010, l’institut a déménagé à la Croix-des-Bouquets, où l’on a construit un campus mieux adapté aux besoins des enfants avant d’être délogé par les bandits.
Source : Le Nouvelliste