Haïti. Les victimes du séisme de 2010 et de l’insécurité oubliées dans des camps

14 années après le tremblement de terre du 12 janvier 2010, les victimes du séisme ainsi que les victimes de l’insécurité se côtoient dans les camps, dans l’indifférence totale des autorités étatiques, s’indigne le Réseau national de défense des droits humains (RNDDH).

Sur les 60 sites d’accueil de déplacés localisés dans le département de l’Ouest, 25% d’entre eux accueillent des victimes du séisme du 12 janvier 2010, selon les chiffres du RNDDH publiés dans un rapport en marge du 14e anniversaire du séisme dévastateur de janvier 2010. Sur les 60 sites, 75% d’entre eux accueillent des victimes ayant fui leurs zones de résidence en raison de l’insécurité. 

Le RNDDH, qui a monitoré les conditions générales de vie dans 41 parmi les sites de déplacés, dit trouver inadmissible qu’il puisse exister plus de personnes dans les camps en raison de l’insécurité qu’en raison de catastrophes naturelles. « Il est aussi inacceptable que les conditions générales de vie dans les sites monitorés dans le cadre de ce travail ne poussent aucunement les autorités étatiques à agir », dénonce l’organisme de droits humains.

Selon le rapport, certains camps et sites de relocalisation qui avaient été créés au lendemain du séisme du 12 janvier 2010, à savoir Tabarre Issa de Greffin, Canaan, Onaville, Village Lumane Casimir, Corail Cesselesse, ont été vidés partiellement ou totalement de leurs populations. Ces victimes fuyant cette fois-ci l’insécurité, ont dû se diriger vers d’autres sites de déplacés.

« Aujourd’hui, à l’intérieur des camps du 12 janvier 2010 se retrouvent des victimes de l’insécurité. Dans les camps créés suite à des séquences de violence sont aussi logées des victimes du tremblement de terre », fait remarquer le RNDDH, décrivant la situation des camps d’hébergement fonctionnant dans l’anarchie la plus totale. « Dans ces espaces, la vie est caractérisée par la promiscuité, l’insalubrité, l’absence des structures étatiques. »

Dans 15 % des vingt-six camps créés en raison de l’insécurité qui ont été monitorés, les enfants ne vont pas à l’école. Dans les autres camps, le pourcentage de scolarisation varie de 10 % à 55 %, rapporte le RNDDH, soulignant que dans 88 % des camps créés en raison de l’insécurité, des violences sont enregistrées : agressions verbales (dans 88 % d’entre eux), agressions physiques (dans 73 % d’entre eux), vols (dans 61 % d’entre eux) et violences sexuelles (dans 12% d’entre eux).   

En ce qui a trait à l’aide humanitaire, les résidents de 92 % des sites créés en raison de l’insécurité ont bénéficié, au cours de l’année 2023, d’aide contre 8 % qui n’ont jamais été assistés. « Parmi ceux qui ont reçu l’aide humanitaire, 27 % ont été assistés tant par des organisations non gouvernementales, des entreprises privées que par des organismes étatiques », indique le rapport, soulignant que l’assistance offerte consistant en plats chauds, kits alimentaires, kits hygiéniques, soins de santé, sources alternatives au courant de ville et suivis psychologiques ne peut couvrir toutes les demandes des déplacés

D’après le rapport, 46 % des camps sont ou ont été alimentés en eau par la DINEPA contre 19 % qui ont reçu l’eau d’organisations non gouvernementales ou d’entreprises privées. 8 % comptent sur des particuliers pour recevoir l’eau, 4 % recueillent l’eau de pluie. Les résidents de 23 % des camps doivent acheter l’eau dont le seau de cinq (5) gallons peut se vendre jusqu’à cinquante (50) gourdes.

Toujours selon les chiffres du RNDDH, 81 % des camps disposent de latrines contre 19 % qui n’en ont pas du tout. Les latrines ne sont ni vidangées ni curées.  23 % des camps ont reçu des sources alternatives au courant de ville contre 12 % qui sont alimentés par l’Electricité d’Haïti. 57 % ne sont pas du tout éclairés. Les résidents ne disposent pas de sites de décharge des détritus. 

L’organisme de défense des droits humains en profite pour rappeler que les droits à la vie, à la sécurité, à l’intégrité physique et psychique, à la sûreté de sa personne ainsi qu’à un niveau de vie suffisant constituent des droits fondamentaux consacrés par la Constitution haïtienne et par des instruments onusiens et américains ratifiés par Haïti.

Face au fiasco sécuritaire provoquant ce flux de déplacés, le RNDDH recommande de recenser la population vivant dans les camps créés suite au séisme du 12 janvier 2010 et en raison de l’insécurité ; fournir une assistance humanitaire, financière et psychologique à tous les déplacés qui se retrouvent dans les camps en tenant compte de leurs besoins spécifiques ; assurer la scolarisation des milliers d’enfants qui sont dans les camps et qui n’ont encore jamais fréquenté l’école depuis le début de l’année académique 2023-2024.

Mais aussi d’assurer le nettoyage des sites et la vidange régulière des latrines, en vue de prévenir la propagation de maladies ; porter l’institution policière à sécuriser les sites d’accueil en intensifiant les patrouilles aux abords et à l’intérieur de tous les camps sans distinction ; assurer le logement décent provisoire des victimes de l’insécurité, notamment celles qui se retrouvent dans des établissements scolaires, en attendant qu’elles puissent retourner chez elles ; créer les conditions adéquates de sécurité et de dignité en vue de permettre le retour des victimes dans leur zone de résidence, dans le respect de leurs droits fondamentaux ; dédommager toutes les victimes ayant perdu leurs biens lors des attaques armées et des massacres enregistrés dans le pays depuis 2018.

Source : Le Nouvelliste

Lien : https://lenouvelliste.com/article/246313/les-victimes-du-seisme-et-de-linsecurite-oubliees-dans-des-camps-sindigne-le-rnddh

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