Haïti. Les négociations politiques dans l’impasse, la Caricom propose une solution

Pour avancer vers l’organisation d’élections en Haïti, les partis de l’opposition réclament que le Premier ministre démissionne, ce que refuse l’intéressé.

Après la rencontre annulée le 12 septembre dernier à cause de la non-disponibilité du local de la nonciature apostolique, le Premier ministre et ses alliés ont discuté plusieurs fois sur la plateforme Zoom avec des membres de l’opposition politique, toujours à l’initiative des émissaires de la Caricom. La question de la démission d’Ariel Henry demeure le point de discorde entre les protagonistes. La Caricom envisage d’emmener les protagonistes discuter dans un autre pays.

Les rencontres se suivent et se ressemblent entre Ariel Henry, ses alliés signataires de l’accord du 21 décembre et les membres de l’opposition. Ces derniers exigent la démission du Premier ministre comme l’un des points de l’ordre du jour des pourparlers. Le chef de la Primature et ses alliés s’y sont opposés. La Caricom, qui joue le rôle de médiatrice dans la crise, évoque la possibilité de relancer les pourparlers dans un autre pays, ont rapporté au Nouvelliste plusieurs parties prenantes aux pourparlers. 

« Le point litigieux de notre dernière rencontre était la démission du Premier ministre qui devait être insérée dans l’ordre du jour. Le Premier ministre Granderson, l’un des éminentes personnalités de la Caricom, s’était proposé d’aller faire des consultations sur le point litigieux. Il doit nous faire signe après ces consultations », a rapporté au Nouvelliste l’ancien député Antoine Rodon Bien-Aimé, chef de l’organisation Compromis historique et signataire de l’accord du 21 décembre.

L’ancien parlementaire a confié au Nouvelliste qu’il pourrait y avoir dans les jours à venir des rencontres aux Bahamas entre les acteurs politiques haïtiens impliqués dans la recherche d’un consensus à la crise. « Cette rencontre aux Bahamas a été évoquée par les éminentes personnalités de la Caricom, mais sa tenue n’est pas encore confirmée. Est-ce qu’on va poursuivre les rencontres en présentiel, en ligne ou aux Bahamas? On attend pour le moment », a-t-il dit au journal.

Après la rencontre annulée, laquelle devait avoir lieu à la nonciature apostolique le 12 septembre dernier, il y a eu au moins deux rencontres en ligne entre les protagonistes avec la présence du Premier ministre Ariel Henry, à l’initiative de la Caricom, a souligné au Nouvelliste Antoine Rodon Bien-Aimé.

Me André Michel, lui aussi allié du pouvoir et signataire de l’accord du 21 décembre, a confirmé au Nouvelliste qu’après la rencontre annulée il y a eu des rencontres virtuelles les 14 et 15 septembre 2023. « Les négociations ont buté sur l’intransigeance d’une partie de la Déclaration de Kingston qui a insisté pour que la démission du PM soit le premier point de l’ordre du jour à discuter. Proposition jugée insensée qui a été tout naturellement rejetée par l’équipe du 21 décembre qui souhaite que les négociations se déroulent sur la base d’un agenda pragmatique et constructif », a-t-il dit au journal. 

« Dans cette impasse, la Caricom a dû arrêter provisoirement le processus de négociations dans l’après-midi du vendredi 15 septembre. À titre d’information, je peux vous dire que la Caricom essaie de relancer les discussions depuis tantôt 5 jours. Elle étudie la possibilité d’inviter les protagonistes en dehors d’Haïti en vue de continuer le dialogue politique pour essayer d’aboutir à un compromis. Voilà l’état de la situation pour l’instant », a expliqué Me André Michel.

Dans le camp de l’opposition, ils attendent une autre date de la Caricom pour reprendre le processus de négociation avec le pouvoir. Liné Balthazar, président du PHTK, signataire de la Déclaration de Kingston, indique au journal qu’il revient aux éminentes personnalités de la Caricom de planifier la reprise des pourparlers.

Interrogé sur les récentes déclarations du Premier ministre qui affirme vouloir avancer vers les élections avec ou sans consensus général, Liné Balthazar, signataire de la Déclaration de Kingston, répond en ces termes : « Il répète cela depuis deux ans. On lui souhaite bonne chance. »

Pour sa part, Emmanuel Ménard, de l’organisation Force Louverturienne et signataire de la Déclaration de Kingston, affirme au Nouvelliste : « Nous sommes en pourparlers avec les éminentes personnalités de la Caricom via l’ambassadeur Granderson pour que commencent enfin les négociations devant nécessairement aboutir au rétablissement du pouvoir exécutif avec une nouvelle gouvernance intérimaire. »

Faisant référence aux dernières déclarations du Premier ministre disant qu’il va avancer vers les élections avec ou sans consensus, Emmanuel Ménard estime que « c’est un refrain entendu depuis deux ans. »

De son côté, Claude Joseph, chef du parti politique (EDE) dit au Nouvelliste que les éminentes personnalités de la Caricom « proposent la reprise intensive des négociations pour la première semaine du mois d’octobre. Un pas important est franchi dans le processus des négociations dans la mesure où la démission d’Ariel Henry est désormais mise dans l’agenda des discussions. C’était la condition sine qua non pour EDE de continuer de participer aux discussions. »

M. Joseph soutient que son parti « ne peut tolérer que la table de négociation soit un instrument politique, cynique et malicieux, mise au service du pouvoir au détriment des intérêts du peuple haïtien. C’est pourquoi EDE croit que l’heure est à l’action militante, quoique pacifique, contre la situation catastrophique nationale, une descente aux enfers qui a déjà trop duré. »

Le parti Fanmi Lavalas, de son côté, soutient qu’il a été et continue à être active dans toutes les négociations relatives à la recherche d’une solution à cette crise qui respecte les aspirations et les revendications de la population. « Nous restons plus que jamais engagés, aux côtés de la population, pour la recherche d’un consensus fonctionnel pour de nouvelles stratégies de gouvernance pouvant répondre aux attentes et aux besoins de la population », selon Joël Vorbe, membre du directoire de Fanmi Lavalas. 

Interrogé sur la déclaration d’Ariel Henry déclarant qu’il va avancer vers les élections avec ou sans consensus, M. Vorbe indique que « Fanmi Lavalas réitère sa position que la solution au problème de l’insécurité est un préalable à toute démarche pouvant éventuellement conduire à l’organisation d’élections libres, inclusives et impartiales. La solution au problème de l’insécurité est une préoccupation de toutes les couches de la société, et est intimement liée à l’implémentation de nouvelles orientations pour la gouvernance du pays. »

« Il est évident qu’aucun groupe social ne peut prétendre à lui seul avoir la solution au problème de l’insécurité. Il nous faut impérativement trouver un consensus pour débloquer la situation et permettre à la nation de recommencer à respirer », a-t-il ajouté.

Pour l’Organisation du peuple en lutte (OPL), « en aucun cas le Premier ministre Ariel Henry ne peut prétendre pouvoir réaliser des élections dans le pays sans consensus. Du consensus, il nous en faut. Toutefois, il peut être flexible sur la taille du consensus qui peut ne pas revêtir un caractère global ou national. C’est la possibilité, de notre point de vue, de réunir les conditions propices à la tenue d’élections acceptables », a déclaré Danio Siriack, porte-parole de l’OPL. 

Il faut rappeler que la Caricom avait déjà organisé un premier round de négociations entre les protagonistes à la Jamaïque. Ensuite, plusieurs autres rencontres ont eu lieu à Port-au-Prince. Maintenant, la Caricom envisage d’emmener les protagonistes discuter dans un autre pays afin de les encourager à trouver un consensus à la crise qui paralyse Haïti depuis déjà trop longtemps. 

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