En 2024, le transport en Haïti a connu de nombreux bouleversements. Qu’il s’agisse du transport terrestre, du transport aérien ou du transport maritime, 2024 a été l’année de toutes les épreuves.
Comme c’est le cas depuis le 1er juin 2021, date à laquelle Martissant, quartier à la sortie de Port-au-Prince, est tombé aux mains des bandits, en 2024, les postes de péage se sont multipliés sur les rares routes encore opérationnelles. Pour se rendre au sud de Port-au-Prince comme au nord, il faut mettre la main à la bourse. Au final, ce sont les passagers qui paient car pour faire face au lourd tribut exigé par les bandits armés, les chauffeurs ajustent leur prix.
Comme toujours, pour éviter les postes de péage, de nouvelles voies sont explorées. Pour se rendre dans le Sud, ceux qui veulent éviter le chemin des bandits armés passent par Kenscoff. Séguin, Kay Jacques ou Ti Muska, qui sont devenues des voies de secours. D’autres usagers passent quand même par Martissant, mais pour éviter de passer par Gressier dont les bandits ont pris contrôle en milieu d’année, les voyageurs doivent faire un détour en passant par le morne Degan.
Et pour le Nord, c’est la route nationale # 3 qui s’offre comme alternative. Une voie autant difficile que périlleuse, car le morne Grand Gilles se dresse comme un obstacle pour chauffeurs et passagers. Les récits et les témoignages publiés au fil des semaines dans les colonnes du Nouvelliste par ceux qui ont emprunté ces voies disent tout.
Même au cœur de la capitale, les circuits ont été réduits. Après les attaques contre Solino et Nazon, la carte des circuits viables de la région métropolitaine de Port-au-Prince s’est redessinée. Carrefour de l’aéroport est devenu un « VAR ». Considérée comme la plus grande gare routière après que les chauffeurs ont déserté celle de Portail-Léogâne, Carrefour de l’aéroport n’est que l’ombre de lui-même. Les chauffeurs ne s’y aventurent plus.
Leur limite, Delmas 19 ou Delmas 30. Parallèlement, les routes de Nazon et de Delmas 30 ne sont plus opérationnelles. Pour se rendre à Port-au-Prince depuis la commune de Delmas, il faut passer par Delmas 32, par Christ-Roi ou par Delmas 40 B. Une situation qui crée de nombreux bouchons sur les rares voies où la circulation est encore possible, sauf pour les chefs qui arrivent à y passer à coups de sirène.
Le grand drame pour le secteur du transport en 2024 reste les attaques à répétition contre les chauffeurs. Pas moins de 30 chauffeurs ont été tués, dont trois brûlés vifs, neuf autres ont été enlevés et quatre blessés par balle, au 20 décembre 2024, avait indiqué Changeux Méhu, de l’Association des propriétaires et chauffeurs d’Haïti. Ces attaques ne se limitent pas qu’aux chauffeurs. Véhicules et infrastructures sont aussi pris pour cible.
« Neuf camions de marchandises ont été détournés. 12 véhicules touchés par balle, 576 incendiés, 246 complètement détruits et 167 volés. En outre, 37 immeubles abritant des bureaux de compagnies de transport ou de syndicats ont été vandalisés », a énuméré Méhu. Les passagers ne sont pas exempts. Pour la même période, 198 passagers ont été enlevés, 22 tués et 46 blessés par balle, a révélé le responsable de l’APCH.
Quand l’insécurité navigue sur la mer
En raison du blocage des routes, des postes de péage, le transport maritime est devenu très populaire en 2024. Pour se rendre dans le Sud ou pour s’approvisionner depuis le grand Sud, la mer est devenue une option. Sauf que les bandits enfilent leur costume de pirate et attaquent bateaux et embarcations de fortune. Le 4 avril 2024, les bandits à la solde de Johnson André, alias « Izo 5 segond », et de Jeff Larose, alias « Jeff gwo lwa », détournent le navire de transport de marchandises « Magalie », chargé de riz. Le navire sera récupéré deux jours plus tard, après des heures d’échanges de tirs entre les bandits et des agents de la Police nationale d’Haïti.
Le cas de « Magalie » n’est pas le seul; or les cas ne sont pas toujours rapportés. Les instances qui régissent le transport maritime ne documentent pas toujours ces cas ou ne les diffusent pas. Au final, on ne saura ce que coûtent ces détournements ni en volume ni en argent. Le 10 septembre 2024, des bandits ont enlevé dans la rade de Port-au-Prince deux ressortissants philippins, membres d’équipage du navire « MV Progresso » de la compagnie Crowley. Ils seront libérés le 3 octobre 2024, contre rançon. Cette situation a causé la paralysie à l’APN et au port de CPS.
Décembre 2024, deux évènements majeurs ont marqué le transport maritime. Dans la nuit du 14 au 15 décembre, le bateau Cécilia fait naufrage à proximité de Kokoye Beach à Petit-Goâve. Parti de Port-au-Prince, le navire était en route pour Miragoâne. Selon un survivant, le naufrage a été causé par un trou au niveau du gouvernail du bateau. Pas de bilan officiel. Une vingtaine de survivants ont été enregistrés sur près de 40 personnes qui étaient à bord. Le bateau transportait des marchandises dont, 9 000 sacs de riz.
Le dernier évènement regrettable en lien avec le maritime est survenu le 23 décembre 2024. « Une gîte à bâbord » du navire Maelys II au quai de Port-au-Prince fait 7 morts et 17 blessés, selon un bilan partiel. Au moment du naufrage, il y avait 34 camions dans le navire.
Le transport aérien subit les assauts de l’insécurité
Le 29 février 2024, le transport aérien est le premier secteur à faire les frais de la reconstitution de la coalition de bandits armés « Viv ansanm ». Alors que rien ne laissait présager qu’il allait y avoir une attaque, des tirs de bandits touchent un avion sur le tarmac de l’aéroport international Toussaint Louverture ainsi que des installations de l’aéroport. Depuis cette attaque, l’aéroport est resté fermé jusqu’au mois de juin.
En octobre dernier, un hélicoptère du Programme alimentaire mondial (PAM) a essuyé des tirs alors qu’il survolait le sud de Port-au-Prince. Au moment de l’attaque, l’hélicoptère transportait 18 personnes, dont trois membres d’équipage. Si aucun dommage n’a été déploré, des images qui ont circulé suite à cette attaque ont montré huit impacts de balles sur le fuselage de l’hélicoptère.
Le 11 novembre 2024, les gangs attaquent de nouveau l’aéroport international Toussaint Louverture. Deux avions, l’un en approche de Port-au-Prince et l’autre au départ de Port-au-Prince pour New York. Des blessés ont été recensés dans l’avion qui s’apprêtait à atterrir sur la piste de l’aéroport, qui a réussi à se poser au final en République dominicaine.
Les autorités constatent, déplorent, annoncent… puis rien
Devant les difficultés du secteur transport, l’apport du ministère des Travaux publics, Transports et Communications (MTPTC) reste peu visible ou tout simplement inexistant. En août 2024, lors d’une entrevue accordée au Nouvelliste le titulaire dudit ministère Raphaël Hosty avait annoncé de petits travaux avant le lancement de chantiers de grande envergure. Jusqu’ici, petits travaux et grands chantiers ne sont toujours pas visibles.
En 2025, les postes de péage sur les voies terrestres sont toujours actifs alors que l’état des routes se dégrade. L’aéroport international Toussaint Louverture et l’aérogare Guy Malary sont toujours fermés. Pour se rendre à l’étranger, il faut rejoindre Cap-Haïtien par hélicoptère et par voie terrestre en passant par la route nationale # 3. La situation du transport maritime est toujours préoccupante. Les bateaux de patrouille et de surveillance des côtes restent toujours une promesse en attente de concrétisation.