Un incendie, déclaré aux environs de 4 heures du matin, mardi 19 avril 2022, a ravagé tout sur son passage au marché de Beaudouin, le plus grand marché public de Jacmel. Les sapeurs-pompiers de la ville ne sont pas arrivés à circonscrire le fléau. Le marché public de Jacmel est divisé en deux parties, réparties sur trois rues. Le marché Chili, constitué d’entrepôts de fortune construits par les marchands et celui du Brésil, équivalant à deux tiers du marché abrité sous une grande construction, en partie métallique, réalisé par le Trésor public.
« Pour quel péché paie-t-on, Christ ? », s’est écriée dans une détresse contagieuse une marchande.
Les cris et les pleurs des marchands et des proches ont accentué l’atmosphère désastreuse du marché. Une foule immense constituée de gens venus des quatre coins de la ville a assisté avec impuissance à la destruction de plusieurs centaines de millions de gourdes de marchandises, achetées avec de l’argent emprunté à des taux exorbitants d’institutions de microcrédit de la place par des marchands et marchandes de la classe moyenne.
Après le drame
Il est environ 10 heures, l’étroite rue reliant St Cyr, l’extrême nord de l’avenue Baranquilla est encore bondée de gens, mais cette fois-ci de marchandes et marchands qui essaient de récupérer ce qui est récupérable. Le pavé est sale, pollué de débris de l’incendie de ce matin 19 avril au marché public de Jacmel. La partie du bâtiment logeant le marché et détruite par les flammes fume encore, des volontaires travaillent à rendre accessible la zone. Le ronflement des engins lourds au travail occupe l’espace. Des victimes expliquent à qui veut les entendre leur calvaire après ce drame. Les marchandises ont disparu dans les flammes, les dettes envers les institutions de microcredit demeurent.
Jaco, ainsi connu, en pantalon court et t-shirt, mocassin aux pieds, s’est appuyé à la clôture de la DGI, les sillons de ses larmes encore visibles sur ses pommettes; il explique qu’il est engagé auprès d’un microcrédit pour un prêt d’un million de gourdes à un taux de quatre pour cent.
Jaco a trois garçons et une fille, l’ainée a quinze ans; sa femme n’a aucun revenu. Sa famille vit de son commerce, malheureusement parti en fumée ce matin. Il a pleuré à chaudes larmes comme un enfant ce 19 avril. : « … Pas seulement pour la disparition de mes produits, mais surtout pour ce que je vais faire pour donner à manger à ma famille. J’aime ma femme, j’aime mes enfants, je ne peux pas les voir souffrir de faim.
Aujourd’hui, je sais que ma famille immédiate va s’occuper d’elle, mais après ? A trente-cinq ans, est-ce que c’est une bonne chose pour moi de voir ma famille nourrie par les proches de ma femme ? Est-ce possible? J’ai l’impression que je viens de retourner à mes quatorze ans. »
Magda, elle, avoue ignorer comment sécher ses larmes. A quarante cinq ans, elle va devoir utiliser une partie de sa retraite pour démarrer son commerce.
« Le microcrédit est le cadet de mes soucis. Je n’ai pas été brillante à l’école dès l’âge de quinze ans; j’ai abandonné l’école pour emprunter la même voie que ma mère. J’ai beaucoup économisé, en assurant le bien être de mes cinq enfants. Mon commerce valait environ trois cent mille gourdes. Une somme que je vais puiser dans mes économies pour redémarrer. Je sais que l’État haïtien ne va pas nous accompagner », souligne Magda.
Sur les ondes, la mairie de Jacmel, première concernée par ce drame, appelle à la compréhension de la population haïtienne face à son impuissance. La police, la justice et la délégation du Sud’Est esquivent habilement la presse, et refusent de commenter.
Source : Le Nouvelliste
Le maire de Jacmel s’est rendu sur les lieux :