M. Leslie Voltaire, peu avant son accession à la présidence du Conseil présidentiel de transition (CPT), avait annoncé que des têtes allaient tomber au lendemain de la calamiteuse visite de la délégation haïtienne à l’ONU en septembre dernier.
M. Voltaire, devenu président du CPT, a noué des alliances, obtenu l’appui de 8 des 9 conseillers, est entré en conflit ouvert avant d’évincer Garry Conille de la Primature.
Le cabinet Conille est démissionnaire. Il faudra attendre le nouveau cabinet, celui de Alix Didier Fils-Aimé, pour faire le décompte des départs et découvrir les nouvelles têtes.
M. Voltaire et ses alliés, dont les trois inculpés dans le scandale de corruption présumée à la BNC, ont gagné une manche dans cette bataille. Leur victoire est totale.
Confortables autour de Leslie Voltaire et de leurs pairs, les trois conseillers inculpés devraient avoir le triomphe modeste. La vérité qui dérange est que le CPT est fragilisé. Il est décrédibilisé.
Le Conseil, encore plus après la modification de l’ordre d’accession à la présidence du CPT, est aujourd’hui plus qu’hier politiquement et moralement solidaire des trois inculpés.
Les Américains, ce mardi 12 novembre 2024, avant la formation du cabinet ministériel, ont concédé à Voltaire et au CPT cette victoire aux dépens de Garry Conille.
Mais les Américains ont tracé une ligne dans le sable. « Il convient impérativement de promouvoir la responsabilisation au sein du CPT de façon à maintenir la crédibilité auprès du peuple haïtien et de la communauté internationale », ont-ils appelé dans un communiqué du département d’Etat américain.
Quelle suite va être donnée ?
Est-ce que le pacte entre les conseillers torpillera la transition ?
Est-ce que ces conseillers inculpés seraient dans une dynamique d’enrichissement personnel ou de leur clan par rapport à la tenue d’élection ? Un jour !
Il est tout de même navrant que ce soient les Américains qui viennent expliquer à M. Voltaire et à ses pairs que le maintien de leur crédibilité auprès de la population passe par l’imputabilité, par le respect de la loi, par l’égalité devant la loi.
Les concernés, même si l’administration Biden s’en va en janvier, attendront-ils de rejoindre la liste des sanctionnés pour se mettre en retrait et laisser avancer la transition ?
Pour le moment, il y a d’autres inquiétudes. Qui veillera au grain, qui refrènera les appétits des uns et des autres ?
Il faudra attendre et voir le nouvel exécutif à l’œuvre pour voir où sont les digues, s’il en existe. Les prochains mois seront décisifs en termes de coopération avec des partenaires de développement. Le minimum d’assistance peut faire place à l’isolement.
Cela dépendra des choix qui seront faits avec les finances et les ressources de cet Etat qui s’appauvrit et qui vient de compter six années de contraction économique.
Il n’y a pas photo. L’Etat Haïtien est aujourd’hui une carcasse. Mais une carcasse avec quelques avantages, pour beaucoup.
Comme pour mettre le CPT au pied du mur, les Américains ont également demandé un plan. « Les États-Unis se félicitent de l’engagement pris par le CPT et le nouveau Premier ministre de publier un plan d’action conjoint décrivant leur vision de l’amélioration de la sécurité et de la gouvernance, et de tracer la voie vers des élections libres et régulières », peut-on lire dans ce communiqué.
Le plan est demandé à ceux qui ont la réalité du pouvoir exécutif. Est-ce que ce plan sera achevé dans le temps imparti à la fin de la transition, en février 2026 ?
Ce plan demandé au CPT et au PM Alix Didier Fils-Aimé serait plus un corset qu’une carte blanche. Même s’ils sont nombreux ceux qui font des plans sur la comète isolationniste Trump, la politique étrangère américaine suit tout même certaines logiques, une certaine continuité.
Par ailleurs, cette mainmise sur le pouvoir de l’exécutif et leurs alliés, intervient dans un contexte d’arrêt pour un mois au minimum du transport aérien commercial après les attaques armées contre des avions de ligne américains dans le ciel de Port-au-Prince. Il est hypothétique que la MMAS aura des fonds additionnels dans les prochains mois.
Si le Conseil de sécurité vote une résolution pour transformer la MMAS en une force de maintien de la paix, cela prendra plusieurs mois avant d’avoir, éventuellement, tout le personnel et tous les moyens en Haïti.
En d’autres termes, à moins d’un miracle ou autre solution pour désarmer les gangs, au milieu de l’année 2025, Haïti aura sur les bras un problème de violence non résolu.
De fait, le pays ne pourra pas tenir des élections. Le pays confirmera qu’il avance sur un nouveau sentier, dans l’ère des PM et des présidents de facto éphémères. Il vient d’avoir trois premiers ministres en moins de 8 mois. Deux présidents du CPT, autorité suprême dans un pays ou l’on coupe des têtes et où la démocratie est six pieds sous terre. Aujourd’hui plus qu’avant, le CPT et le PM Fils-Aimé sont au pied du mur. S’ils échouent, cela mettra de l’eau au moulin de ceux qui pensent qu’Haïti doit être mis sous tutelle.
Source : Le Nouvelliste
Lien : https://lenouvelliste.com/article/251421/le-nouveau-duo-cptpm-deja-au-pied-du-mur